Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Pas la tête de gondole »

À l’écouter, Romain Bardet se muera en simple équipier sur le Tour du haut Var, qui marque sa rentrée. Le grimpeur est davantage tourné vers Paris-Nice, son premier objectif de la saison

- Romain Bardet PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME RATHELOT

Forcément, tout le monde l’attend. Romain Bardet a choisi d’attaquer sa saison aujourd’hui sur le Tour du haut Var. Forcément, le prétendant déclaré au maillot jaune sur le Tour de France en fera figure de favori. Malgré lui, à l’entendre. Déjà installé dans l’hôtel de son équipe, au Cannet-des-Maures, le leader d’AG2R-La Mondiale s’est confié mercredi soir lors d’une conférence de presse par téléphone. Et il désamorce. Répétant qu’il vient avant tout pour « prendre du plaisir », l’Auvergnat se projette sur les courses WorldTour à venir (Paris-Nice, Milan-San Remo...). Et sur le Tour, bien entendu...

Romain, comment vous sentez-vous à la veille de votre rentrée ?

Ça va ! Je suis heureux d’attaquer sur les courses en France. Il y a des beaux parcours qui nous sont proposés en février. J’ai hâte.

D’habitude, vous reveniez début février, sur le GP La Marseillai­se...

C’est moi qui ai demandé à reprendre plus tard. Je n’ai jamais été un grand coureur de début de saison et je le suis de moins en moins. J’aime bien prendre mon temps l’hiver, ce sont des moments importants pour avoir des fondations solides. J’ai appris à me connaître aussi, je ne cherche pas à brusquer les choses. Sans faire offense aux courses de début de saison, loin de moi l’idée, l’objectif de l’équipe, ce sont les courses du World Tour du mois de mars.

Pouvez-vous évaluer votre niveau physique actuel ?

Non, non ! C’est la compétitio­n qui va le dire. Après, je n’ai pas de grands espoirs sur le mois de février. Ce n’est jamais là qu’on juge une saison. Je suis vraiment en reprise et je mets les choses en perspectiv­e par rapport à la saison qui m’attend. J’ai cinq jours de course (trois sur le Haut Var, la Classic de l’Ardèche le  mars et la Drôme Classic le , Ndlr) d’ici Paris-Nice, qui sera mon vrai début de saison.

Le Haut Var, ce sera donc juste un entraîneme­nt ?

Il n’y a pas d’attente ni d’objectif particulie­rs, si ce n’est de me faire plaisir, de reprendre goût à la compétitio­n et de travailler les automatism­es du collectif. Forcément, par rapport à des mecs qui ont beaucoup couru depuis La Marseillai­se, je vais avoir un déficit de condition, je m’y attends. Mais je suis très content d’avoir choisi le Haut Var. Ce parcours-là, sélectif, dynamique et avec une belle arrivée au sommet, va nous amener à travailler de la meilleure des manières. Il y a deux jours qui vont pas mal secouer le peloton, donc c’est un peu tôt pour voir ce qui manquera au pied du Faron...

Quels souvenirs avez-vous du Faron ?

Aucun, puisque je n’y suis jamais monté ! Même pas à l’entraîneme­nt (il y est quand même allé hier, Ndlr). Ça va être l’inconnu.

Cette arrivée à Toulon semble pourtant vous correspond­re. Vous n’avez pas d’arrièrepen­sées ?

Non, non ! Honnêtemen­t, on verra bien. Je ne vais pas forcément être la tête de gondole de l’équipe, je vais plutôt renvoyer l’ascenseur à mes coéquipier­s qui font du gros travail pour moi sur le Tour. Ça permet aussi à chacun de prendre ses responsabi­lités et à d’autres coureurs de se mettre en évidence.

Lesquels sont les plus en forme ?

Alexandre Geniez va être très bien, c’est un parcours qui lui convient parfaiteme­nt. Alexis (Vuillermoz) aussi, et Mikael Cherel est en grande forme l’hiver... Je serai très heureux d’aider les copains. J’aurai tout le loisir en World Tour de porter l’équipe. Là, c’est la course qui va définir les rôles.

Du coup, c’est Thibaut Pinot le favori ?

Ah ! je sais pas, je n’ai pas encore regardé les engagés. Il a été très fort sur le Tour de la Provence.

Quelles sont relations avec lui, avec qui on vous oppose souvent ? Bonnes. Après, on est adversaire­s sur le vélo. En étant leader des deux meilleures équipes françaises et en ayant brillé sur des courses qui comptent, le parallèle était tout trouvé pour créer une opposition, au moins de façade. On est deux coureurs avec des caractéris­tiques différente­s. Dans mes premières années pro, il a été une source d’inspiratio­n car il a rapidement atteint le haut niveau. Bien sûr, cette génération française crée une émulation, entre elle et autour, et tant mieux. C’est super de voir plusieurs Français se tirer la bourre dans le carré restreint des meilleurs coureurs mondiaux. Je trouve ça très sain et ça élève le niveau de tout le monde.

Vous allez retrouver Milan San Remo après six ans d’absence...

Ça donne un peu de croustilla­nt à ma saison. J’ai une motivation toute singulière à aller sur ce monument, qui s’inscrit parfaiteme­nt dans mon programme, car l’épreuve arrive entre deux courses à étapes importante­s pour moi, Paris-Nice et le Tour de Catalogne.

Il y a aussi le Tour de France. Avant, vous parliez de prendre du plaisir. Maintenant, vous parlez de le gagner. Qu’est ce qui motive ce changement de discours ?

Cela fait plusieurs années le groupe travaille pour ça. Concrétise­r sur un grand événement, c’est le nouveau cap de ma carrière. J’espère y arriver un jour. J’ai eu la chance de faire des podiums sur toutes les épreuves qui me tiennent à coeur. Maintenant, il y a cette plus haute marche à conquérir, c’est certaineme­nt la plus dure. J’ai besoin de me fixer des objectifs élevés pour continuer à m’améliorer et garder cette flamme.

L’entraîneme­nt d’AGR estil orienté pour gagner plus de courses ?

Il y a de ça. Sur le Tour de France, l’objectif a longtemps été de faire le meilleur résultat possible. J’ai cinq “top ” consécutif­s, série en cours, mais ce qui va m’apporter quelque chose en plus, c’est de tout jouer pour aller voir plus haut. Il faut essayer d’être encore meilleur dans les phases cruciales de course. C’est un énorme challenge. Après, je crois beaucoup au phénomène de maturité. C’est une question d’expérience, plus que de qualités physiques à

développer. À force de jouer sur le devant, de faire des podiums, l’ouverture va arriver un jour. Le niveau est tellement élevé maintenant et très serré tout en haut de la hiérarchie que c’est celui qui en veut le plus qui parvient à obtenir la victoire. C’est cet état d’esprit là qui doit m’animer toute la saison.

Les vainqueurs du Tour arrivent en général à s’imposer facilement sur les courses d’une semaine. C’est un passage obligé ?

Ce n’est pas obligatoir­e non plus. Sur le Dauphiné, j’ai plusieurs fois été très proche, mais je suis toujours plus ou moins tombé sur un os. Mais je suis dans une phase de ma carrière où je suis encore en évolution. Je me rapproche de ce que je peux faire de mieux sur un vélo, dans les trois, quatre, cinq prochaines années. Donc je reste optimiste. Paris-Nice, ça n’a jamais été facile pour moi. La période qui compte, c’est juin-juillet. Ce sont des points de passages importants. Après, je suis davantage un coureur de courses de trois semaines que d’une seule.

Cet automne, qu’est-ce qui vous fera dire que votre saison a été réussie ?

Si j’arrive à gagner une grande course d’une semaine, une Classique ou un grand tour.

Ce n’est jamais en février qu’on juge une saison” Concrétise­r sur un grand événement, c’est le nouveau cap de ma carrière”

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(Photos DR/Vincent Curutchet) Bardet, qui va découvrir le Faron, espère travailler pour ses équipiers.

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