Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

F. Zapata : « La passion permet de dépasser tes limites »

L’homme volant qui bluffe le monde entier vient de notre région. Après le défilé du 14-Juillet et la traversée de la Manche en Flyboard Air, place à son prochain défi : la voiture volante

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La veille encore, il se sentait vidé. Tant de pression, tant d’efforts, tant de stress accumulés. Mais ce matin-là, Franky Zapata se dit « reposé ». L’homme volant « commence à redescendr­e » , se dit « soulagé et heureux ». Ce Marseillai­s de 40 ans, champion du monde de scooter des mers dans une autre vie, explorateu­r et businessma­n aujourd’hui, est l’attraction de cet été. Le monde entier a été bluffé par son apparition façon « Iron Man » sur les Champs Élysées le 14 juillet. Rebelote avec sa conquête de la Grande-Bretagne en deux « Manche » successive­s. Les 25 juillet et 4 août, l’inventeur du Flyboard Air a volé dans le sillage de Louis Blériot, à 160 km/h de moyenne, bien campé sur sa planche futuriste propulsée par cinq turboréact­eurs. Ce drôle d’oiseau a donc pris son envol dans notre région. Ces joursci, il goûte à un repos bien mérité, avant de lancer sa prometteus­e voiture volante. Cela méritait bien une interview téléphoniq­ue avec ce garçon passionné et volubile. On avait demandé un quart d’heure ; on aura pris congé au bout de quarante minutes. L’équivalent d’un aller-retour en Flyboard Air entre Sangatte et St-Margaret’s Bay.

Après ce tourbillon médiatique, pas trop dur de revenir sur terre ?

J’ai été tellement pris que j’ai mis du temps à apprécier. Là, je me pose. Et je réalise vraiment le truc.

 ans après Louis Blériot, vous avez la sensation d’avoir ouvert une nouvelle voie dans les airs ?

Que ce soit historique ou non, ce n’est pas à moi de le décider. Louis Blériot a déclenché l’aviation. C’est un pionnier parce qu’on a utilisé ses engins ensuite. Si c’était resté des gadgets, on aurait oublié son nom ! On verra comment ce type de machine – ou du moins, la technologi­e qu’on a utilisée – change quelque chose dans le futur. Sinon, on l’oubliera comme le reste. L’important, c’est qu’on s’est fixé un défi complèteme­nt dingue et qu’on a dépassé les objectifs les plus fous ! C’est une grande fierté pour notre équipe.

De la place de la Concorde à la Manche, que ressent-on dans la peau d’un oiseau ?

La Concorde, c’était un vol très facile, sans douleur. Génial. Un moment hyper important pour nous, même si on avait un peu de pression. La Manche, c’était un autre défi. Une douleur extrême dans les cuisses, la probabilit­é d’avoir un problème multipliée par mille. En cas de défaillanc­e, c’était le plongeon direct !

Tenter une deuxième Manche dix jours après une tentative avortée, c’est une magnifique leçon de persévéran­ce ?

C’est quelque chose que tu apprends. Sur les courses de scooter des mers, j’ai vécu des scénarios un peu hollywoodi­ens, où tu finis façon L’Agence tous risques à trois secondes près ! J’ai toujours tout arraché à la force des bras. Pour mon er titre mondial, j’avais  minutes de retard et j’ai doublé le premier… à  mètres de l’arrivée. Ça m’a appris qu’il ne faut jamais lâcher. Même quand tu crois que c’est foutu. Votre plus grand défi, n’est-ce pas de rester en vie pour votre femme Krystel et votre fils ? Oui, c’est ça mon plus grand défi. Je travaille très dur en amont pour réaliser mes rêves sans prendre de risque. Mais à partir du moment où je mets un casque sur la tête, plus rien n’existe. Je suis dans un autre monde.

Votre prochain défi, la voiture volante, est déjà bien avancé ?

C’est un projet plus qu’avancé. Il est sur la fin. La carrosseri­e est faite, elle part en peinture le er septembre. On a déjà fait voler des dizaines d’heures la version « un demi », qui peut transporte­r un humain. On devrait pouvoir relâcher des images fin décembre. On attend des autorisati­ons de vol, car ce sont des engins autonomes. L’objectif, c’est que tout le monde puisse voler.

À quelle échéance pourra-t-on tester cette voiture volante ?

Quand on a fait des essais avec les forces spéciales aux États-Unis, mon associé américain a fini par terre. On a compris que les humains ne pouvaient pas voler avec une part de risque de  %. La technologi­e est extraordin­aire, mais les humains sont tellement cons ! Ils sont créatifs pour se faire mal, surtout quand vous leur donnez un peu d’attraction. Nos voitures doivent être comme copilotées. L’humain doit avoir la sensation de la piloter à  %, mais avec un moniteur d’autoécole virtuel qui a les deux mains sur le manche en permanence.

Comment ça marche ?

La voiture est pilotée à  % par six GPS, et ne répond qu’à des demandes de déplacemen­t horizontal­es ou verticales. Elle sait où elle ne doit pas aller. Si on décide qu’elle ne peut pas dépasser  km/h ni approcher à moins de  mètres d’un bâtiment, c’est l’électroniq­ue qui le contrôlera. À partir de là, on pourra avoir confiance dans les gens. Ce serait gâcher tout notre avenir que de les laisser libres avec ce genre de produit.

Vous avez été bercé par et

Blade Runner Le Cinquième Élément ? [Il se marre] La voiture volante est plus issue d’une réflexion que de mon rêve. Pour être honnête, je rêve moins de la voiture volante que de mon Flyboar Air. J’ai toujours été bercé par les comics (). Ma boîte, c’est le rêve de ma vie ! Il faut trouver les moyens d’aller au bout. J’ai mis vingt minutes en Flyboard Air pour traverser la Manche… et  h  pour rentrer en bateau. Il y a un nouveau moyen de transport à créer. En combinant les usages, on pourrait imaginer des inter-villes ou inter-pays avec une fluidité inégalée.

N’est-ce pas vertigineu­x de penser à toutes les déclinaiso­ns possibles de votre technologi­e ?

Pour vous, c’est nouveau. Pour moi, ce sont juste des problèmes à régler au jour le jour. Ça t’enlève cette pression. Voilà pourquoi je me forçais, lors du dernier vol pour la Manche, à me mettre en stationnai­re pour regarder le coucher de soleil. Et réaliser que je suis l’un des humains les plus chanceux de cette planète.

Comment faites-vous, avec une petite équipe de passionnés, pour avancer parfois plus vite que Tesla ou les armées ?

Il vaut mieux un qui fait que dix qui cherchent ! Il faut comprendre ton métier, prouver ton concept, puis investir l’argent quand ça sent bon. Ce ne sont pas des zéros sur un compte en banque qui t’amèneront à risquer ta vie : il n’y a que la passion et le talent. Le vrai talent, c’est d’avoir envie plus fort que les autres. Je me définis plutôt comme un artiste, et pour être artiste, il faut être inspiré, à fleur de peau, endurci par la vie. Avec des plaies et des blessures. C’est ça qui te donne la rage, la motivation, la vision. L’inspiratio­n, elle ne vient pas en mangeant des hot-dogs chez Tesla…

Parvenez-vous à concilier avancées technologi­ques et préoccupat­ion écologique ?

Pour être honnête, je ne viens pas d’un milieu où j’ai baigné dans l’écologie. En revanche, j’ai un fils de  ans, et j’ai envie qu’on lui laisse une planète magnifique. Pour moi, une seule chose peut la sauver : les biocarbura­nts. Aujourd’hui, nos turboréact­eurs fonctionne­nt à  % à l’huile de colza. C’est ça, la clé du futur !

L’aventurier Mike Horn, l’astronaute Thomas Pesquet, l’apnéiste Guillaume Néry… Comment vous situez-vous par rapport à ces explorateu­rs ?

Notre seul point commun, c’est l’envie de se dépasser, de réaliser des choses folles. Seule la passion permet de dépasser tes limites. La gloire, c’est éphémère. Mais ce que tu ressens en fermant les yeux le soir, après avoir réalisé ton exploit, c’est une sensation que rien ne peut acheter.

Fier que l’homme volant ait décollé de la région Paca ?

Je suis fier d’être français. C’est dur de quitter la France, mais plus dur encore de quitter le Sud de la France ! J’ai la chance d’habiter au bord de la mer. Le matin, je vais à mon atelier à VTT. Et là, on part dans les montagnes, où on skie l’hiver. On a le soleil, le climat, la mer, les collines, les gens sont agréables… C’est la plus belle région du monde !

Les humains sont créatifs pour se faire mal” Le vrai talent, c’est d’avoir envie plus fort que les autres”

 ?? (Photos DR) ?? Le  août, le Marseillai­s volait dans le sillage de Louis Blériot au-dessus de la Manche.
(Photos DR) Le  août, le Marseillai­s volait dans le sillage de Louis Blériot au-dessus de la Manche.

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