L’hommage aux soignants morts du Covid-

Le décès de deux médecins urgentistes défenseurs de l’hôpital public allonge la liste des soignants décédés du Covid-19 en France. Leurs collègues, à commencer par le Dr Carret, s’en désolent

La grande famille des médecins urgentistes a été une fois de plus endeuillée. Une fois de trop. Samedi 25 avril, le Dr Jacques Fribourg a été emporté par le Covid-19. Ce virus invisible que cet ancien brillant chef de service des urgences de l’hôpital privé de Trappes, dans les Yvelines, avait décidé de combattre. Depuis l’annonce de sa mort, les hommages se multiplient. Pour Patrick Pelloux, son ami, et président national de l’Association des médecins urgentistes (Amuf) de France, « il était un humaniste, un grand médecin, homme de convictions ». Il avait 68 ans. C’est le 11e médecin à succomber des suites du Covid19 en France. Une liste qui vient grossir tristement les rangs de la trentaine de soignants qui ont payé de leur vie ce combat contre le coronavirus.

« Il n’avait pas voulu abandonner ses équipes »

« Cinq mois après son départ en retraite, après trente années à sauver des vies, il n’avait pas voulu abandonner ses équipes et était revenu travailler. Il en est mort », témoigne , ému, le Dr Vincent Carret, délégué de l’Amuf Toulon La Seyne Var. « Il est le deuxième médecin urgentiste à s’éteindre en cinq jours, regrette l’ancien chef de service des urgences du Centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne. L’annonce terrible du décès, le 23 avril, d’un de nos collègues médecin urgentiste et membre de l’Amuf, le Docteur Éric Loupiac, ancien médecin militaire, atteint du Covid-19, transféré en réanimation à Marseille et à nos côtés dans tous les combats menés pour défendre l’hôpital public depuis des années sur son territoire, nous oblige bien au-delà de tout et plus que jamais. Il faisait partie des premiers acteurs exposés pour lutter contre cette épidémie. » La mort de ces blouses blanches renforce plus que jamais le désir du personnel hospitalier, en lutte depuis des années, à espérer un nouveau futur de l’hôpital public. Un« hôpital en détresse », comme le dit Patrick Pelloux, faisant bloc et engagé sans relâche contre cette course contre la montre.

« Se battre pour soigner et mieux soigner »

Le Dr Carret reprend : « Puisse l’avenir nous obliger devant lui, les trente soignants et tous nos malades qui y ont laissé leurs vies, à corriger cette folie que nous dénoncions et continuons à dénoncer (lire ci-dessous) ! »

Et de signer une tribune sans langue de bois : « “Quand l’homme se tait alors qu’il devrait parler et dénoncer, alors commence la lâcheté”, disait Abraham Lincoln et la lâcheté est la pire des conditions et des humiliations pour l’homme. Alors se battre pour soigner et mieux soigner est une obligation, quelles qu’en soient les contraintes, les menaces et les pressions de toujours sur nos têtes… Nous poursuivrons avec fierté cet engagement avec toute notre énergie, comme toujours et pour reconstruire, à condition que les leçons de la faillite de ces systèmes soient enfin reconnues et assumées. » L’urgence d’un plan Marshall pour l’hôpital public. Le regretté Dr Loupiac l’avait compris. « Il se battait depuis des années pour soigner et mieux soigner, tout le monde, car soigner au sein des services d’urgences-Samu et Smur est devenu difficile et compliqué, un vrai combat quotidien… Il est un exemple à suivre pour toutes nos générations de médecins urgentistes. »

(Photo doc Valérie Le Parc) « Puisse l’avenir nous obliger devant les trente soignants et tous nos malades qui ont laissé leurs vies à corriger cette folie que nous dénoncions et continuons à dénoncer », rend hommage le Dr Vincent Carret, délégué varois de l’Amuf, en hommage au Dr Eric Loupiac.