Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Viols d’enfants : deux pédophiles pris sur le Net

La police judiciaire s’inquiète du visionnage en direct de viols d’enfants. L’affaire d’un Azuréen, condamné cette semaine, semble confirmer le développem­ent du phénomène

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

L’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) avait diffusé une note interne il y a un an et demi sur l’effroyable phénomène du visionnage en direct de viols d’enfants. Des pédophiles se servent d’applicatio­ns de visioconfé­rence pour, simultaném­ent, regarder en direct des scènes abjectes. Un homme, jugé à Nice cette semaine, aurait confié à son complice avoir été spectateur de tels crimes. Mais l’enquête n’a pu le prouver et le suspect l’a démenti en garde à vue et lors de son procès. Son coprévenu, lui, a évoqué pour sa part un projet collectif de kidnapping lors d’une connexion avec l’applicatio­n Zoom. « Quand j’ai entendu ça, j’ai eu très peur », affirme-t-il aujourd’hui.

Une confrérie mondiale de détraqués

Au moment du jugement, le doute leur a tous deux bénéficié. Cyrille Ladreyt, 47 ans, domicilié à Bourgoin-Jallieu (Isère), artisan en invalidité et David Levayer, 46 ans, gardien d’immeuble à Beausoleil, ont été condamnés par le tribunal correction­nel de Nice à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis et cinq ans de suivi sociojudic­iaire. Ils sont inscrits au fichier des délinquant­s sexuels (le Fijais). Ils ont été reconnus coupables d’enregistre­ment et de diffusion d’images pédopornog­raphiques de 2013 à 2019. Pourquoi et comment deux hommes, en apparence ordinaires, ressentent une excitation sexuelle à la vue d’enfants et de nourrisson­s violés ? Les experts qui analysent ces personnali­tés déviantes n’apportent pas clairement de réponse. Le président du tribunal correction­nel de Nice, Edouard Levrault, a tenté, par ses questions, de percer ce mystère. Sans plus de réussite. Ces individus, réputés difficilem­ent curables, répètent inlassable­ment les mêmes propos devant leurs juges. « À l’époque, j’étais dans le virtuel », analyse David Levayer, en visioconfé­rence depuis sa prison (confinemen­t oblige).

La recherche du « direct »

Comme Cyrille Ladreyt, son ami intime, il disposait d’un code d’accès à une « room » (traduisez « une pièce »), où se donnaient rendez-vous d’autres pervers pour la diffusion en simultané de vidéos pédopornog­raphiques. Avec la surenchère qu’impliquent ces réunions organisées par une sorte de confrérie mondiale de détraqués.

La note de l’office central avait malheureus­ement vu juste. Les pédophiles ne se contentent plus d’images fixes mais recherchen­t des vidéos, en direct qui plus est. Des enfants victimes ont été repérés en Malaisie, aux Philippine­s, en Roumanie… Pas encore en France mais des milliers d’individus dans notre pays ne se contentent plus de partager des images fixes. Ils se connectent régulièrem­ent à ces sites dits en « live streaming ». « On est dans ce qui se fait de plus glauque, de plus sordide en la matière, confirme le commissair­e Jérôme Vial, responsabl­e de la section économique et financière de la police judiciaire de Nice, dont dépend la cellule de lutte contre la cybercrimi­nalité. Certains, une fois connectés, commandent et payent pour assister à des agressions qui sont commises en direct. Malheureus­ement, la justice n’a pas pu encore établir pénalement une complicité de viols contre ces individus. » Levayer a été repéré par un organisme américain qui a alerté la justice française. L’applicatio­n Snapchat, ainsi que Facebook, souvent critiqués pour leur passivité, ont également dénoncé les vidéos pédopornog­raphiques de l’internaute français. Les enquêteurs ont pu identifier ce gardien d’immeuble azuréen qui se délectait d’enfants abusés et même de scènes de zoophilie.

« Je suis un monstre je suis malade »

L’homme était complèteme­nt inconnu des services de police. Dans son fichier, les enquêteurs du groupe « cyber » ont exhumé 3 000 fichiers, des échanges de mails avec d’autres membres actifs de la communauté pédophile. Son ami et complice, lui aussi sans antécédent­s judiciaire­s, a également été interpellé par la PJ niçoise. Un juge d’instructio­n a ensuite poursuivi les investigat­ions. « Je reconnais les faits.

Je suis un monstre. Je suis malade », affirme Levayer, qui prétend avoir été « soulagé » par son arrestatio­n. « J’ai pris conscience qu’il y avait des petits garçons qui se faisaient violer. C’est moche », affirme-t-il. Repentance de façade ou réelle prise de conscience ?

« Une vie parallèle »

« Il a toujours coopéré avec la police et poursuit très sérieuseme­nt une thérapie en détention, souligne pour sa part Me David-André Darmon, avocat de Levayer. Ces deux hommes ont un profil similaire. Des hommes seuls, mal dans leur peau, isolés, repliés sur eux-mêmes avec peu de vie sociale. On a parfois l’impression qu’ils mènent une vie parallèle, en dehors de la réalité. » Me Sébastien Perroti, avocat de Ladreyt, s’appuie sur les expertises de son client et parle de « prédateur virtuel qui ne passera jamais à l’acte ». La justice niçoise a ordonné un suivi sociojudic­iaire de cinq ans, période pendant laquelle les deux pédophiles sont astreints à de nombreuses obligation­s. S’ils ne se conforment pas aux exigences du juge d’applicatio­n des peines, qui leur interdit notamment tout contact avec des enfants, ils retournero­nt immédiatem­ent en prison.

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(Photo F. Chavaroche) Le groupe « Cybercrimi­nalité » de la PJ de Nice avait arrêté en  les deux pédophiles après l’alerte d’un organisme de surveillan­ce.

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