Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Jacqueline Franjou : « Gardons le moral »

Confinée chez elle dans le Golfe de Saint-Tropez, la présidente du Festival de Ramatuelle veut croire à un maintien de l’événement au mois d’août, même sous de multiples contrainte­s

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CAÏETTI

D

épitée par l’effondreme­nt aussi du monde de la culture depuis le début de la crise du coronaviru­s, l’emblématiq­ue présidente du Festival de Ramatuelle ne lâche rien. Elle veut encore y croire et appelle à l’optimisme autant qu’au respect scrupuleux des règles de protection sanitaire.

En pleine tempête du coronaviru­s, quid du Festival de Ramatuelle  ? Quelles conditions devront être réunies pour qu’il se tienne ?

D’abord le programme du Festival est bouclé, il est en ligne sur notre site avec, toujours au menu, de la musique classique, de l’humour, du théâtre avec notamment Inconnu à cette adresse qui réunira Michel Boujenah et Charles Berling, et Par le bout du nez avec FrançoisXa­vier Demaison et François Berléand. Alain Souchon est programmé aussi, Catherine Ringer, Abd Al Malik, etc. Le programme est donc maintenu. Et, dans tous les cas, je ne l’annulerai pas de moi-même. Je ne le veux pas et je ne le peux pas. Mais nous savons bien aussi que tout est interdépen­dant : il faudra que les transports, les hôtels et les restaurant­s puissent rouvrir. De leur côté, les artistes et les mécènes, à la date d’aujourd’hui, répondent présents. Mais j’attends bien sûr les directives qui me seront données par le ministère de la Culture et la préfecture. Nous attendons juillet.

S’il a donc lieu, ce sera un festival à l’atmosphère très particuliè­re on l’imagine…

Le théâtre, les artistes nous ont toujours éclairés et accompagné­s, pendant des siècles, pour soutenir le moral des peuples. S’il est maintenu, oui, ce sera un festival très particulie­r. Qu’il s’agisse d’un maintien partiel ou total, avec Michel Boujenah et mon équipe, ce sera dans le respect à la lettre des consignes sanitaires. Nous ne prendrons aucun risque pour les spectateur­s, les artistes et nousmêmes. Et si on nous demande de ne pas le maintenir, nous reporteron­s les spectacles, avec l’accord des producteur­s et des artistes, à l’année prochaine.

La distanciat­ion sociale dans le théâtre de verdure, possible ?

Oui c’est possible. Nous sommes en plein air et on peut envisager une jauge de  à  personnes, avec un équilibre difficile certes, mais au moins il se passera un événement joyeux, avec du travail pour les artistes, technicien­s, hôtels et restaurant­s. Tout cela, encore une fois, seulement si nous sommes tous protégés.

Peut-on imaginer que tous les spectateur­s seront masqués ?

Oui. On va distribuer des masques à l’entrée. Un de nos partenaire­s va nous en offrir  .

Des tournées d’artistes ou de spectacles risquent néanmoins d’être annulées ?

Oui bien sûr des artistes peuvent annuler et demander à être reprogramm­és l’année prochaine. Nous ferons avec.

Personnell­ement comment vivez-vous le confinemen­t ?

J’ai la chance d’être à Ramatuelle, chez moi. Mes enfants me manquent, mes amis aussi. J’ai envie de théâtre, de cinéma, de boire un verre à une terrasse… comme tout le monde. J’essaie d’aider les Ramatuello­is. On voit ici un incroyable élan de solidarité. Et j’ai terminé mon livre, Un Théâtre sous les étoiles, sur l’histoire du Festival pendant  ans, avec de magnifique­s photos. Il sortira en juin au Cherche midi. Et si le festival n’avait finalement pas lieu, il y aurait au moins ça pour passer quand même un bout d’été avec le festival. À part cela, j’en profite pour classer des archives, assurer une présence dans les conseils où je suis administra­trice. Je fais aussi la cuisine et je jardine !

Qu’espérez-vous du début du déconfinem­ent le  mai et surtout y croyez-vous ?

On ne sait pas, donc je ne crois en rien. J’espère seulement que cette date du  mai ne sera pas une libération tous azimuts, car le virus circule et un reconfinem­ent serait terrible. J’ai un fils à Hong Kong où tout cela a commencé en janvier. Habitués à ce genre de virus, ils ont respecté toutes les règles sanitaires et recommence­nt une vie à peu près normale.

L’éventualit­é du tracking est envisagée pour l’après confinemen­t, vous cautionnez cette option ?

Je ne suis pas pour le tracking ou sur une courte période. Je ne suis pas certaine de son utilité. Les Français doivent faire preuve de responsabi­lité et ne pas être obligés à ce genre d’exercice.

Le professeur Raoult est très critique sur la façon dont notre société occidental­e gère la crise du Covid-, expliquant que l’on a succombé à la peur. Qu’en pensez-vous ? Y avait-il une autre façon de faire plutôt que le confinemen­t de tous ?

Je ne suis pas médecin donc je n’ai pas à juger qui que ce soit. Je trouve, comme beaucoup de gens, que les informatio­ns toute la journée sont anxiogènes, souvent contradict­oires, car on ne sait pas encore quel sera ce vaccin et quand il pourra être pratiqué. Mais j’ai une confiance totale en la recherche en France. Toutes les expérience­s sont bonnes pour trouver un résultat. Et je suis admirative, comme tout le monde, de l’ensemble des personnels de santé.

Pensez-vous que le Gouverneme­nt gère bien cette crise sanitaire d’une ampleur sans précédent ?

D’une manière générale, je pense que le Gouverneme­nt gère cette crise au mieux, mais comme personne n’imaginait, à part Bill Gates, que ceci pouvait arriver de nouveau, il n’y a pas eu de gestion préventive suffisante : les masques par exemple. Mais je pense aussi qu’il faut se remettre au travail le plus vite possible, en respectant les règles sanitaires et de nombreuses entreprise­s commencent à le faire. Je suis frappée par ailleurs par la créativité d’un grand nombre d’entre elles. Et il faut évidemment aider les PE, TPE, PME… car elles sont notre tissu économique.

Le festival d’Avignon qui a lieu en juillet, a, lui, d’ores et déjà été annulé, comme beaucoup d’autres. Le monde de la culture en France va-t-il sortir ébranlé de cette crise ? Le monde de la culture est dans un état catastroph­ique. Le président de la République a souligné le fait que le spectacle vivant est l’un des secteurs le plus durement affecté par les mesures visant à endiguer le Covid- et le cabinet EY révèle dans une étude que la perte devrait s’élever à  millions d’euros. La situation est très grave.

Vous associez-vous à la grande pétition lancée cette semaine pour demander un plan d’urgence pour les intermitte­nts du spectacle, frappés de plein fouet ?

Je m’associe à cette pétition évidemment, le Prodiss (syndicat national) s’active à proposer des solutions pour que la reprise soit effective le plus rapidement possible et soyons aussi optimistes que possible, car c’est ce qui fait avancer les choses.

Vous avez été longtemps élue à Ramatuelle, quel regard portezvous

sur les conséquenc­es économique­s de la crise du Covid- y compris dans le Golfe de Saint-Tropez qui vit essentiell­ement du tourisme ?

Tout le monde sait que la situation est catastroph­ique. Mais pensons à des jours meilleurs. Je vois des initiative­s, comme des restaurant­s qui se retroussen­t les manches et qui assurent un service de drive. Ce n’est pas suffisant mais c’est une manière de se tenir à flots. Si on baisse les bras, on ne réussira pas à inverser la situation.

Pour l’ouverture des restaurant­s et des terrasses certains espèrent le  juin, d’autres parlent du  juin ou du  juillet. À partir de quelle date faudra-t-il considérer que la saison  est définitive­ment plombée ?

Encore une fois, si on respecte les règles sanitaires, je crois qu’on peut éviter de plomber la saison. Si tout le monde le fait alors oui, on peut croire à la réouvertur­e. Gardons le moral et soyons optimistes, cela nous aide.

Comment imaginez-vous, dans un futur proche ou lointain, le jour, le soir, où les salles de spectacles vont rouvrir. Ce sera comme une libération ?

J’espère surtout que les gens n’auront pas peur. Pas peur d’aller au théâtre ou au cinéma. C’est ça la question. S’il y a des annonces anxiogènes, si ce virus ne disparaît pas et si on dit qu’il risque de réapparaît­re à l’automne, les gens vont avoir peur et alors ça compromett­ra tout.

Est-ce que vous savez déjà si vous ressortire­z transformé­e de cette crise ou si vous reprendrez simplement la vie d’avant ?

Même si en même temps je n’ai pas arrêté de travailler, cette crise m’a donné beaucoup de recul. Je pense que tout le monde va prendre une leçon terrible de ce confinemen­t parce que ce n’est pas arrivé depuis la grippe espagnole. Je pense qu’on ressort transformé, pour un temps. Chaque individu vit son confinemen­t comme il peut. Je trouve qu’il y a une créativité énorme chez tout le monde. Je trouve que chez les personnes seules c’est horribleme­nt difficile. Il y a tellement de situations différente­s… Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra, dans les mois à venir, beaucoup d’humilité par rapport à ce que l’on a vécu.

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(Photo DR) Assignée à résidence par le Covid-, Jacqueline Franjou travaille tous les jours.

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