Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Des azuréens mettent au point un test de dépistage

Participan­t à l’effort collectif, des chercheurs sophipolit­ains ont réussi en des temps records à développer une nouvelle technique diagnostiq­ue

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le dossier détaillant la technique de diagnostic moléculair­e du Covid-19, mise au point à l’IPMC (Institut de pharmacolo­gie cellulaire et moléculair­e) est, depuis le début de la semaine, sur les bureaux du ministre de la Santé et du ministre la Recherche. Accompagné d’un courrier cosigné par le directeur de l’ARS Paca et le préfet des Alpes-Maritimes. L’enjeu de ce soutien au plus haut niveau ? L’homologati­on par le CNR (Centre national de référence). Enfin, pourrait-on ajouter, tant les chercheurs ont rencontré d’obstacles (lire interview ci-dessous). À l’origine du projet, Bernard Mari, directeur de recherches au CNRS. Avec une poignée de volontaire­s, chercheurs et ingénieurs, il a réussi à mettre au point, dans des temps records, une nouvelle technique de dépistage du Covid-19 par PCR, rapide et économe.

Gain de temps et d’argent

« Dès la mi-mars, il apparaissa­it des tensions importante­s sur les accès aux tests PCR alors que les besoins de dépistage ne faisaient que croître. Nous nous sommes donc mobilisés avec le directeur de l’institut Jean- Louis Nahon et Pascal Barbry, responsabl­e de la plateforme de Génomique pour mettre au point une technique n’utilisant pas, intentionn­ellement, de réactifs commerciau­x, afin de pallier d’éventuelle­s difficulté­s d’approvisio­nnement », résume le chercheur. En partenaria­t avec le service de pneumologi­e du CHU de Nice et David Rouquié du groupe Bayer (dont l’un des sites est implanté également sur la technopole), l’équipe de scientifiq­ues réussissai­t en quelques semaines, à relever le défi. Et elle allait même bien au-delà, en élaborant un protocole permettant de s’affranchir de la nécessité de réaliser le test dans un laboratoir­e confiné. « Au moment de la collecte des échantillo­ns, le virus est inactivé, ce qui permet de sécuriser le transfert et les traitement­s ultérieurs des extraits. Nous avons également réussi à supprimer l’étape d’extraction des ARN – pratiquée pour tous les tests sur le marché. Ce qui représente un gain très important en débit (d’une centaine d’échantillo­ns par jour actuelleme­nt jusqu’à 800) et en coût. »

Des tests de masse

Alors que l’État entend assurer entre 500 000 et 700 000 tests à partir du 11 mai et que sur le terrain bon nombre de médecins et biologiste­s déplorent d’ores et déjà une insuffisan­ce de moyens (manque de réactifs, d’écouvillon­s...) pour mener à bien ces tests, la contributi­on des chercheurs sophipolit­ains pourrait être la bienvenue. « C’est plusieurs milliers de tests qui pourraient être réalisés sur le seul site de Sophia-Antipolis, si la technique était déployée sur les autres laboratoir­es de la technopole disposant d’équipement­s similaires », soutient Romain Alexandre, directeur de la délégation 06 de l’ARS-Paca. Et comme, lorsqu’on est chercheur, on se doit d’avoir des idées, l’équipe réfléchit déjà à une autre exploitati­on de « son » test. « À partir du 11 mai, les tests seront multipliés, mais ils seront toujours à visée diagnostiq­ue, puisqu’il s’agira de tester les personnes symptomati­ques et les cas contacts. Rien n’est prévu pour tous les autres publics, introduit Bernard Mari. Pourquoi n’utiliserai­t-on pas un test rapide, tel que celui que nous avons mis au point, pour diagnostiq­uer non seulement des individus sur le plan épidémiolo­gique, mais aussi pour surveiller la circulatio­n du virus dans des lieux comme les transports publics ou les écoles ? Pour ces tests de masse, il n’est pas nécessaire de répondre aux mêmes critères de qualité que pour des tests diagnostiq­ues. » L’idée a séduit au niveau internatio­nal ; au sein d’un groupe de travail initié par David Rouquié et composé d’équipes américaine­s, allemandes et japonaises, les Azuréens ont expliqué leur stratégie dans une publicatio­n qui vient d’être acceptée par la prestigieu­se revue scientifiq­ue EMBO Molecular Medicine.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Julien Fassy et Caroline Lacoux, tous deux ingénieurs au sein de l’équipe de Bernard Mari à l’IPMC, ont travaillé d’arrache-pied à la mise au point du test en quelques semaines.
(Photo Sébastien Botella) Julien Fassy et Caroline Lacoux, tous deux ingénieurs au sein de l’équipe de Bernard Mari à l’IPMC, ont travaillé d’arrache-pied à la mise au point du test en quelques semaines.

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