Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Des azuréens mettent au point un test de dépistage
Participant à l’effort collectif, des chercheurs sophipolitains ont réussi en des temps records à développer une nouvelle technique diagnostique
Le dossier détaillant la technique de diagnostic moléculaire du Covid-19, mise au point à l’IPMC (Institut de pharmacologie cellulaire et moléculaire) est, depuis le début de la semaine, sur les bureaux du ministre de la Santé et du ministre la Recherche. Accompagné d’un courrier cosigné par le directeur de l’ARS Paca et le préfet des Alpes-Maritimes. L’enjeu de ce soutien au plus haut niveau ? L’homologation par le CNR (Centre national de référence). Enfin, pourrait-on ajouter, tant les chercheurs ont rencontré d’obstacles (lire interview ci-dessous). À l’origine du projet, Bernard Mari, directeur de recherches au CNRS. Avec une poignée de volontaires, chercheurs et ingénieurs, il a réussi à mettre au point, dans des temps records, une nouvelle technique de dépistage du Covid-19 par PCR, rapide et économe.
Gain de temps et d’argent
« Dès la mi-mars, il apparaissait des tensions importantes sur les accès aux tests PCR alors que les besoins de dépistage ne faisaient que croître. Nous nous sommes donc mobilisés avec le directeur de l’institut Jean- Louis Nahon et Pascal Barbry, responsable de la plateforme de Génomique pour mettre au point une technique n’utilisant pas, intentionnellement, de réactifs commerciaux, afin de pallier d’éventuelles difficultés d’approvisionnement », résume le chercheur. En partenariat avec le service de pneumologie du CHU de Nice et David Rouquié du groupe Bayer (dont l’un des sites est implanté également sur la technopole), l’équipe de scientifiques réussissait en quelques semaines, à relever le défi. Et elle allait même bien au-delà, en élaborant un protocole permettant de s’affranchir de la nécessité de réaliser le test dans un laboratoire confiné. « Au moment de la collecte des échantillons, le virus est inactivé, ce qui permet de sécuriser le transfert et les traitements ultérieurs des extraits. Nous avons également réussi à supprimer l’étape d’extraction des ARN – pratiquée pour tous les tests sur le marché. Ce qui représente un gain très important en débit (d’une centaine d’échantillons par jour actuellement jusqu’à 800) et en coût. »
Des tests de masse
Alors que l’État entend assurer entre 500 000 et 700 000 tests à partir du 11 mai et que sur le terrain bon nombre de médecins et biologistes déplorent d’ores et déjà une insuffisance de moyens (manque de réactifs, d’écouvillons...) pour mener à bien ces tests, la contribution des chercheurs sophipolitains pourrait être la bienvenue. « C’est plusieurs milliers de tests qui pourraient être réalisés sur le seul site de Sophia-Antipolis, si la technique était déployée sur les autres laboratoires de la technopole disposant d’équipements similaires », soutient Romain Alexandre, directeur de la délégation 06 de l’ARS-Paca. Et comme, lorsqu’on est chercheur, on se doit d’avoir des idées, l’équipe réfléchit déjà à une autre exploitation de « son » test. « À partir du 11 mai, les tests seront multipliés, mais ils seront toujours à visée diagnostique, puisqu’il s’agira de tester les personnes symptomatiques et les cas contacts. Rien n’est prévu pour tous les autres publics, introduit Bernard Mari. Pourquoi n’utiliserait-on pas un test rapide, tel que celui que nous avons mis au point, pour diagnostiquer non seulement des individus sur le plan épidémiologique, mais aussi pour surveiller la circulation du virus dans des lieux comme les transports publics ou les écoles ? Pour ces tests de masse, il n’est pas nécessaire de répondre aux mêmes critères de qualité que pour des tests diagnostiques. » L’idée a séduit au niveau international ; au sein d’un groupe de travail initié par David Rouquié et composé d’équipes américaines, allemandes et japonaises, les Azuréens ont expliqué leur stratégie dans une publication qui vient d’être acceptée par la prestigieuse revue scientifique EMBO Molecular Medicine.