Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’impact psychique de l’anosmie
80 % des personnes contaminées par le Covid-19 décrivent des troubles de l’olfaction. Leur persistance aurait un impact psychologique majeur selon le Dr Renaud David, psychiatre
Le Dr Renaud David est psychiatre à l’institut Claude Pompidou à Nice.
Quel est l’impact réel de l’anosmie sur la santé psychique ?
Les gens vont s’inquiéter de ne plus entendre mais ils ne vont pas consulter en cas de perte de l’odorat or on constate que la perte de cette faculté a un impact psychologique majeur. Quand vous mangez et que vous n’allez plus pouvoir reconnaître l’odeur des mets qui sont dans votre assiette ou encore les parfums, les odeurs corporelles. On a des personnes en grande souffrance psychologique. On a même constaté une hausse du risque de passage à l’acte suicidaire. Ce trouble entraîne aussi une perte du lien social, quand, par exemple, vous êtes avec des amis et qu’ils vous servent une bonne bouteille de vin ou un plat qu’ils ont préparé. Ça vous exclut aussi des conversations sociales. Ces personnes se sentent en situation d’isolement s’ils n’ont plus le même plaisir à manger. L’association des anosmiques de France cite le cas d’épicuriens notables qui ont perdu ce sens du jour au lendemain. Cela modifie des sources du plaisir importantes pour la vie de tous les jours et dont on se rend compte de l’importance une fois qu’on n’y a plus accès. Il y a un double lien entre trouble de l’olfaction et troubles psychologiques. Les personnes dépressives perçoivent moins les odeurs et des odeurs qui ne sont plus perçues peuvent entraîner des troubles psychologiques.
Combien de temps ces troubles perdurent après une contamination au Covid- ?
Parmi les personnes contaminées par le Covid, % décrivent des troubles de l’olfaction. Parmi elles, % récupèrent l’odorat dans les quinze jours. Si le trouble est effectivement réversible après la guérison, c’est satisfaisant. S’il est persistant on peut imaginer un impact notable.
Quelle est la prise en charge des personnes souffrant d’un trouble persistant de l’odorat ?
La stimulation olfactive pour améliorer les capacités olfactives est un des axes thérapeutiques. Car l’odorat est comme un muscle. Plus on l’entraîne, plus il est performant. On peut conseiller à ces personnes de se stimuler avec ce qu’elles ont sous la main, chez elles. Râper un citron et le sentir. Sentir des épices pour forcer les neurones olfactifs à travailler. Vérifier si on est capable de reconnaître sa propre odeur, certains fruits. Mais traiter toutes les conséquences de l’impact psychologique va durer plus longtemps que les quinze jours liés à l’infection. Encore faut-il être capable d’identifier tous les symptômes. Car à la suite de la diffusion de ce questionnaire (lire cidessous), les personnes infectées par le Covid- n’avaient pas été alertées plus que ça par la perte de l’odorat. Pour une meilleure prise en charge, il convient donc de se faire dépister. La différence entre le Covid et la grippe, c’est qu’en cas de Covid les symptômes sont plus précoces. Il existe également un traitement pharmacologique pour les anosmiques mais il est parfaitement incompatible avec le Covid car à base de corticoïdes [qui pourraient affaiblir les défenses immunitaires].
« Ce trouble modifie les sources du plaisir » Dr Renaud David Psychiatre à l’institut Claude Pompidou de Nice