Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le Dernier les mots du ventre

La Seynoise Alexandra Cismondi doit accoucher vendredi. Ces dernières semaines, la comédienne a imaginé un feuilleton sonore intime, où elle raconte sa grossesse, en plein confinemen­t

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Elle vit, elle vibre, elle joue, en permanence. Alexandra Cismondi, comédienne, danseuse, auteur, metteur en scène, est partagée entre Paris et Toulon. Au fil de l’avancée de sa grossesse, « une heureuse surprise », elle s’est rapprochée de son Var et de « (son) amoureux », Benoît Olive, directeur de production au théâtre Le Liberté. Le rythme a changé. Le couple, habitué à la distance, s’est retrouvé scotché dans son appartemen­t en surplomb du cours Lafayette. « On a tous les deux des vies chahutées, pour notre plus grand plaisir. Le fait de se retrouver enfermés, sans avoir l’habitude de vivre ensemble, ça a sans doute été propice à une création, à quelque chose qui pouvait nous réunir. Autour de l’enfant, mais aussi artistique­ment », énonce Alexandra.

Phrasé fluide, trouvaille­s textuelles

Tenir un journal de bord confiné ? Benoît lui a soufflé l’idée. Vite balayée : sur le Web, les écrivaines Leïla Slimani et Marie Darrieusec­q se faisaient tailler en pièces au même moment. Va pour le feuilleton sonore, alors. La comédienne est rompue à l’exercice. Elle dirige des lectures pour la plateforme Audible Studios et a déjà élaboré une fiction érotique, L’Appli rose, avec la réalisatri­ce féministe Olympe de G. « Pourquoi écrire ce que tout le monde est déjà en train de vivre ? Pourquoi écrire ce que tout le monde est déjà en train de dire beaucoup mieux que moi, si ce n’est parce que tu arrives ? », dit Alexandra Cismondi dans le premier épisode d’une série baptisée Le dernier moi (s). Quand tout va trop vite dans cette période de rien. Dans ses podcasts d’une dizaine de minutes, où la comédienne de 36 ans promène son phrasé fluide et ses petites trouvaille­s textuelles, ses mots sont directemen­t à son fils. Mais pas uniquement. « En me servant d’une adresse à mon petit garçon, je parle aussi à l’homme dont je partage la vie et à plein d’autres gens. Je voulais garder quelque chose qui permette de s’identifier, ou de s’amuser de ce que je raconte. ça ne m’intéressai­t pas de témoigner de ma situation de femme enceinte pendant le confinemen­t », nous explique Alexandra Cismondi.

Zone libre

Elle devrait accoucher le 8 mai et sortir trois jours plus tard de la maternité. Le jour J du déconfinem­ent, donc. « Sans doute une double explosion pour nous », avancet-elle. Pourtant, jusqu’ici, la jeune femme ne s’était pas tant posé de questions. «Pasdu genre à lire des milliards de trucs sur l’accoucheme­nt », pas du genre non plus à surjouer la figure de la douce mamoune flottant sur un océan de guimauve. Son amour est indocile, ses mots sont parfois crus. Ses contradict­ions, ses doutes, ses déchiremen­ts sortent de sa bouche comme cela. Entendu dans l’épisode 2 : « Je suis hyper contente de te fabriquer avec lui. Mais parfois je me demande ce que je fais là. Ça t’arrivera aussi. Au début, ça fait très peur. Et puis on s’habitue. » En cette période où les émotions s’entrechoqu­ent, la création de ce « bébé » artistique semble avoir eu des vertus apaisantes chez les Cismondi-Olive. Ils lui donnent forme à deux, chacun à son rythme. Elle écrit très tôt le matin, il compose la musique qui accompagne­ra ses mots dans la nuit. Belle soupape de décompress­ion. « L’amusement et le plaisir d’écrire sont essentiels pour ce feuilleton. En tant que créateurs, on est souvent soumis à des cahiers des charges. Et même quand on monte nos propres projets, on rentre forcément dans un moule. Là, il n’y avait aucune attente. On n’était même pas sûrs de le rendre public », poursuit Alexandra. L’artiste originaire de La Seyne-sur-Mer ne s’interdit rien. Bientôt mère, toujours femme, évidemment, elle évoque son corps, son excitation, sa jouissance. De quoi effrayer les lecteurs de magazines pour parents idéaux. Qu’importe, les douceurs côtoient les ardeurs, c’est comme ça. Pas question non plus de bâillonner, ou juste de délaisser, la citoyenne en elle. Alexandra Cismondi raconte un rendez-vous pour le moins déshumanis­é avec un anesthésis­te de La Ciotat. Elle raconte aussi comment un producteur l’a éjectée d’un tournage à venir. Fera-t-elle écouter tout cela à son petit un jour ? « Un jour, je pense. Je ne m’adresse pas à l’enfant de demain, mais au Fils, avec un grand F, et ce qu’il peut devenir. » À sa naissance, un dernier épisode, « écrit par le papa », devrait refermer cette drôle de parenthèse.

Feuilleton sonore à retrouver sur soundcloud.com/cismondial­exandra ou open.spotify.com/show/2Y8d8YIMvd­lffwq8zwHG­c6

Dès le premier épisode, le podcast d’Alexandra Cismondi a été relayé sur la page Facebook de Châteauval­lon scène nationale (facebook.com/chateauval­lonsn). Comme une évidence, puisqu’elle et son conjoint se sont rencontrés «grâceà Charles Berling », le directeur du Liberté et de Châteauval­lon. Mais aussi parce qu’avec sa compagnie, Verticales, elle est soutenue par cette entité dans le cadre du dispositif Itinérance­s. Faute de pouvoir organiser des représenta­tions et des ateliers dans des zones reculées ou dans des établissem­ents scolaires, les artistes proposent des pastilles sur le Web. De son côté, Elodie Frégé partage également le feuilleton sur ses réseaux sociaux. La chanteuse, amie de longue date d’Alexandra Cismondi, fait même une apparition vocale dans l’un des épisodes.

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