Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Déconfinem­ent en Italie : entre espoir et incertitud­es

Depuis hier, Vintimille comme quasiment partout en Ligurie, vit à l’heure de la réouvertur­e de commerces. Des plages aussi. Voici quelques réactions, émotives, au coeur de la ville frontalièr­e

- FLORA ZANICHELLI

Ce lundi 4 mai, à la suite d’un décret du gouverneme­nt italien, les chantiers ou la cuisine à emporter sont venues grossir le rang des activités autorisées à reprendre aux côtés des supermarch­és, pharmacies, librairies et boutiques d’habits pour enfants. De l’autre côté des Alpes, la vie reprend doucement, même si personne n’ose encore vraiment se réjouir.

Elle arrive, pimpante, sous son masque, apostrophe le barman du Café de Paris, en plein coeur de Vintimille. « Pasquale comme d’habitude, un orzo (café d’orge) et un verre d’eau pétillante. » Elena a 68 ans, un sourire à toute épreuve qu’elle montre, en soulevant le papier qui lui mange la moitié du visage. « J’existe en dessous, ditesmoi que je ne fais pas mon âge », sourit-elle malicieuse­ment avant de se toucher les cheveux et de montrer fièrement, sa teinture. « Fait maison par ma fille ! » Elle paie sa tournée, heureuse de ce petit moment de sociabilit­é matinale, même si la situation reste compliquée. « Qu’est-ce que ça fait du bien de parler, hein Franco ? » ,encore dans un sourire, à l’adresse du patron du bar. L’homme, lui, sourit à moitié. Son bar, le Café de Paris, a rouvert ce lundi matin et propose des boissons à emporter. Des cafés bien serrés comme seule l’Italie sait les faire, dans des petites gobelets en plastique. Quelques pâtisserie­s dorment sous des cloches en verre. Aucun client ne peut rentrer à l’intérieur du local et des tables ont été disposées à l’entrée, petit barrage de fortune. « D’ordinaire, j’emploie dix personnes, raconte Franco. Aujourd’hui on est deux. » Prendre son mal en patience, c’est ce que les Italiens ne cessent de répéter. Mais derrière les sourires, la lassitude est palpable. Se réjouir du déconfinem­ent ? « On aimerait bien mais c’est vrai qu’on souffre encore quand même. » À proximité, au marché couvert, quelques kiosques proposent des fruits et des légumes. « C’est moins cher qu’en France », apostrophe un vendeur. Les badauds, en ce lundi matin, ne se pressent pas. Dans les rues de la petite ville, le vent souffle, le soleil tape et les habitants déambulent, masqués. Certains portent des gants. Rares sont ceux qui n’utilisent pas de protection. À Vintimille comme ailleurs en Ligurie, la plupart des commerces n’ouvrent que le matin. Il faut laisser les clients reprendre leurs habitudes dans un monde différent où les gestes sont plus lents, les craintes plus grandes.

Dans les rues aux alentours, on croise quelques familles qui prennent l’air. «Çafaitdu bien de sortir les petits » ,explique Sabrina, gérante d’un magasin d’habits pour enfants et maman d’un bout de chou de 3 ans Désormais, son petit garçon va pouvoir voir ses grands-parents, le décret du chef du gouverneme­nt italien, Giuseppe Conte, autorisant les visites aux proches. « Il posait beaucoup de questions, ne voyait pas grand monde, poursuit la maman. Ça commençait à devenir long. » Les grands-parents vont aussi pouvoir prendre le relais pour la garde alors que l’Italie a suspendu l’école jusqu’en septembre. « Je n’ouvre ma boutique que le matin », poursuit Sabrina. À l’intérieur ? « Les clients entrent un par un et ils n’ont pas le droit de toucher les vêtements. » Partout à Vintimille, c’est ce qui frappe le plus. La présence de gel hydroalcoo­lique à l’entrée des commerces, placé sur des petites tables, mais aussi les panneaux tapés ou écrits à la main, qui récitent inlassable­ment les mêmes règles : « Maintenez vos distances, adoptez les gestes barrières ». Le plexiglas est devant toutes les caisses et dans certaines boutiques, impossible de pénétrer si vous n’êtes pas munis de gants. Les visages que l’on croise n’ont pas d’expression, cachés sous les masques. Si les Italiens ont soif de reprendre leur vie d’avant, il faut encore composer avec le virus, menace impalpable. Hier, donc, nul ne s’est pressé dans les allées des jardins, pourtant rouverts au public aussi. Et sur les plages, malgré la chaleur et la couleur de l’eau, limpide, seuls quelques habitants prenaient le soleil. Rigoureuse­ment à distance les uns des autres.

Quotidien bouleversé pour Gigliola, dans sa boutique

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Au Café de Paris, on sert des expressos, bien sûr, mais à emporter en gobelets. ristrettos,
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(Photos Flora Zanichelli) File d’attente chez un fleuriste au marché couvert.
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