Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Le Covid-, un Alien à l’intérieur de moi »

Patrick Chesnais avait quitté Paris pour rejoindre l’île de Ré. Mais au bord de l’Atlantique, il a été victime du Covid-19. Aujourd’hui guéri, l’acteur de 73 ans nous raconte en exclusivit­é ce qu’il a vécu

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN GRASSET

Comment avez-vous découvert que vous étiez malade ?

Au mois de mars, je jouais au Théâtre des Bouffes Parisiens, « Le Système Ribadier », la pièce de Feydeau, qui était un gros succès. Du jour au lendemain, il y a eu l’épidémie de coronaviru­s, on a dû l’arrêter. Deux jours après être arrivé dans ma maison de l’île de Ré, aux Portes-en-Ré, j’ai enfourché mon vélo pour aller au centre du village, à un kilomètre. J’ai senti des frissons, de la fatigue, je ne pouvais plus appuyer sur les pédales. J’avais de la fièvre. J’ai pensé tout de suite au Covid-. Le médecin, un copain, s’est voulu rassurant, et m’a dit que c’était peut-être un autre virus. Je savais que c’était ça. Et j’ai été testé positif !

Et à ce moment-là, quelle a été votre réaction ?

C’est une véritable saloperie ! Je n’ai jamais connu ça de ma vie. Une telle fatigue, une telle lutte avec une espèce de bête à l’intérieur de soi, que j’appelais Alien ! Un jour il me lâchait, et le lendemain, il remettait ça avec une violence inouïe ! Moi, ça a duré presque un mois ! Je ne tenais pas debout ! C’était terrible ! C’est comme un animal qui vous veut du mal. On a l’impression qu’il veut vous détruire. Je marchais  mètres dans le jardin, et j’étais obligé de m’allonger à cause de la fièvre. Je sais qu’il y a différente­s formes de Covid-. Il y en a qui font très peu souffrir, d’autres très graves. Moi, c’était entre les deux. Je suis allé à l’hôpital le matin, mais on m’a relâché à  heures le soir même.

Le virus entraîne beaucoup de problèmes respiratoi­res…

Oui, bien sûr, j’en ai eu au bout de la première semaine. Mais pas suffisamme­nt pour être ventilé, oxygéné. Mon médecin m’avait donné un saturateur d’oxygène qu’on met au bout du doigt pour surveiller si le taux d’oxygénatio­n du sang est normal. Il a été toujours normal. J’avais les yeux rivés en permanence sur ce truclà qui me rassurait.

Et maintenant, comment allez-vous ?

Je n’ai plus de charge virale. Je suis guéri et je le sens. Simplement, j’essaye de passer un test sérologiqu­e pour voir si j’ai développé assez d’anticorps. Pour le moment, c’est très difficile dans la région. Je ne sais pas pourquoi ; alors qu’à Paris ou dans le Sud, j’ai des amis comme Michel Boujenah qui ont fait le test. Maintenant, il va falloir remonter la pente, retrouver mon énergie, ma vitalité d’avant. Ce qui demande un certain temps. Et la convalesce­nce dure. Il y a des jours où ça va, et d’autres non.

La présence et l’aide de votre femme Josiane Stoléru ont compté beaucoup durant cette période ?

Oui ! Je craignais qu’elle l’attrape. On a pris toutes les précaution­s nécessaire­s. On faisait chambre à part, on dînait à quatre mètres l’un de l’autre – et c’est toujours le cas aujourd’hui –, on se lave plusieurs fois les mains, on ne se touche pas, on ne s’embrasse pas. On a acquis des réflexes conditionn­és. Evidemment, le fait d’être dans cette grande maison à l’île de Ré avec un beau jardin, c’est un confinemen­t plus agréable.

Vous êtes optimiste pour la suite ?

J’ai beaucoup de mal à m’intéresser à l’avenir de ma carrière. J’avais pris pas mal de scénarios de films et de pièces à lire. Mais je n’ai toujours pas envie. En revanche, cela me fait du bien de me réfugier dans la lecture. Par exemple, j’ai fini le roman de Jean-Paul Dubois, « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » (Prix Goncourt ), le livre de Tonino Benacquist­a, « Toutes les histoires d’amour ont été racontées, sauf une », mais aussi « La vie automatiqu­e » de Christian Oster, un auteur que j’aime beaucoup.

Vous faites du sport également ?

Trois heures de vélo ! Une heure de jogging et deux heures de marche intensive. Et ça tous les jours. Dans tous les cas, je suis de retour à la maison à  heures parce qu’avec ma femme Josiane, on regarde « Questions pour un champion ». On adore ça. Ce rendez-vous structure notre journée. Et tous les midis, je regarde « Tout le monde veut prendre sa place » animé par Nagui. En fait, les dix dernières minutes. D’ailleurs, le jour où je me suis marié, ma fille Emilie a envoyé un texto à Nagui : « Mon père se marie dans un quart d’heure, mais il a pris un peu de retard car il veut regarder la fin de l’émission. ». Et il a répondu : « Ce type est fou ! ».

Avant le confinemen­t, vous aviez des projets ?

Je dois interpréte­r le rôle de Pierre Laval dans un téléfilm de Laurent Heynemann pour France . Mais je n’arrive pas à m’intéresser, à me projeter dans un film qu’on me propose, ou une pièce. J’ai basculé dans autre chose. C’est l’effet du confinemen­t. Je ne réfléchis plus à mes films, à mes pièces. Je m’en fous un peu. Sans doute aussi, un effet dépressif, j’ai perdu mon neveu il y a trois semaines, mon beau-frère est mort d’un cancer en janvier, beaucoup de gens que j’appréciais sont décédés du Covid-. Sur le fond, je pense que le virus va mourir de sa belle mort comme tous les virus.

C’est une véritable saloperie”

J’ai beaucoup de mal à m’intéresser à l’avenir de ma carrière”

La première chose que vous allez faire le  mai ?

Voir mes enfants ! Mon fils Victor qui va fêter ses  ans. Je ne l’ai pas vu depuis deux mois et demi. Et pareil pour ma fille, Emilie, que j’ai aussi très envie de voir et qui me téléphone tous les jours.

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(Photo d’archives C.Tiberghien) «Jen’aijamaisco­nnuçademav­ie.»
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