Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

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Depuis mercredi, le Musée d’art moderne et d’art contempora­in de Nice a rouvert ses portes, avec les exposition­s temporaire­s prolongées des oeuvres de Lars Fredriksen et Charlotte Pringuey-Cessac

- JIMMY BOURSICOT

Après avoir entendu Édouard Philippe évoquer la possible réouvertur­e des « petits musées » après le 11 mai, et pas les autres, on ne pensait pas pouvoir remettre les pieds avant longtemps au Musée d’art moderne et contempora­in de Nice. Derrière sa façade en marbre blanc de Carrare, on trouve tout de même plus de 4 000 mètres carrés d’espace d’exposition, répartis en trois niveaux et neuf salles. « C’est une question complexe et nous n’avons pas tous réagi de la même manière. La Ville (le Mamac est municipal) a pris la décision de redémarrer. Symbolique­ment, c’est important de montrer que la vie reprend son cours. Ici, nous avons suffisamme­nt de place pour maintenir une visite agréable, dans de bonnes conditions et en évitant les croisement­s », énonce Hélène Guenin, la directrice du Mamac.

En temps normal, à la même période de l’année, l’établissem­ent peut accueillir jusqu’à quatre-cents personnes chaque jour. Pour le moment, la capacité est restreinte à cinquante visiteurs à la fois. Autant dire que ceux qui s’y dirigeront dans les prochaines semaines auront le musée « pour eux », sans crainte de devoir jouer des coudes ou observer les oeuvres de trop loin. Pour le moment, pas possible, de se balader dans la collection permanente. « Nous espérons la rendre à nouveau accessible dans les prochaines semaines. Le mot d’ordre reste la sécurité », poursuit la directrice. Il faudra également patienter, sans doute jusqu’à l’automne prochain, pour découvrir She-Bam Pow POP Wizz ! - Les amazones du POP (19611973), l’exposition qui devait démarrer début mai. « Nous avons l’intention de présenter les oeuvres de quarante femmes, dont le travail est très intéressan­t, mais parfois moins connu que celui de Niki de Saint Phalle, par exemple. On voulait reposition­ner ce rendez-vous en juillet, mais les oeuvres ne peuvent pas voyager en ce moment. On négocie pour obtenir à nouveau leur prêt, à la fin de l’été. »

Rassurez-vous, il reste tout de même beaucoup de choses à voir au Mamac. À commencer par l’exposition temporaire consacrée à Lars Fredrikson. Inaugurée en novembre dernier, elle devait se terminer le 22 mars, mais sera finalement visible jusqu’à fin juin. Conçue avec le Nouveau musée national de Monaco (NMNM), elle offre une rétrospect­ive des créations du Suédois, ayant vécu pendant près de quarante ans entre Antibes, Nice et le Lubéron, disparu en 1997. Passé sous les radars de son vivant, il est aujourd’hui réévalué et ses oeuvres ont intégré de prestigieu­ses collection­s internatio­nales, publiques (au Centre Pompidou à Paris, au Gam de Turin, etc.) ou privées. En suivant les flèches (lire ci-contre), on découvre le fruit de ses recherches, d’une inventivit­é très large. Scientifiq­ue de formation, passionné par l’électroniq­ue, ingénieur radio dans la marine marchande pendant une décennie, Lars Fredrikson aimait aussi la poésie, la calligraph­ie ou encore la télévision, en tant qu’objet à décortique­r et à « hacker » afin de créer. Proche d’Aimé Maeght, enseignant à la Villa Arson, le Suédois a employé tous les supports et toutes les techniques imaginable­s. Des plus classiques, comme l’aquarelle ou le collage, aux plus étonnantes, à l’image de ces sculptures sur plaques d’inox tordues, pliées, rayées, gravées. Rassemblée­s dans une même pièce, elles créent un jeu de lumière, provoquent des illusions d’optique. Au fil de notre progressio­n, on entend des bruits, à intervalle­s réguliers. Intrigants, évoquant parfois le grouilleme­nt d’une jungle. Sur un mur blanc, quelques mots reproduits. Presque un manifeste. « Faire une sculpture sans matière ! C’est pour cela que je me suis consacré au son. » Après de longues semaines de disette, cette rétrospect­ive polymorphe éveille les sens.

Autre expo temporaire à découvrir, dans la galerie contempora­ine, Bruit originaire, dont une autre partie est montrée au musée Terra Amata, également à Nice. Diplômée de la Villa Arson en 2007, Charlotte Pringuey-Cessac explore nos origines, étirant le fil jusqu’à la Préhistoir­e, s’appuyant sur les vestiges de cette ère. Fredrikson était fasciné par les machines, elle place l’humain au centre de sa démarche. Elle cherche à instaurer un dialogue avec les témoins du passé. La technologi­e s’y invite aussi, ceci dit. L’artiste se raccroche à une pensée du poète Rainer Maria Riike qui, du temps des premiers phonograph­es, imaginait que l’on pourrait « entendre la mémoire d’un être disparu en parcourant les sillons de son crâne », grâce à ses appareils. Le crâne est là, imprimé en 3D. Des pièces de porcelaine extrêmemen­t fines, brutes ou polies, évoquent les pierres taillées utilisées comme outils durant le paléolithi­que. Dans le même matériau, d’autres éléments semblent former une grotte aux angles saillants. Le trait d’union entre deux époques si lointaines ? Il prend sans doute la forme de ce trait tracé presque sauvagemen­t au charbon de bois, sur les murs blancs.

Ce n’est pas « comme avant », mais c’est loin d’être repoussant. Pour parcourir le Mamac, il faut s’engager à respecter une « charte du visiteur ». Des règles simples, correspond­ant aux gestes barrières à garder en tête partout ailleurs. Il faut venir équipé de son propre masque et le garder sur le visage en permanence, se désinfecte­r les mains avant de passer le portique de sécurité, conserver une distance d’un mètre avec les autres et « ne rien toucher ». Dans les escalators, il est demandé de garder trois marches d’écart avec la personne la plus proche. Ce qui pourrait paraître un brin gênant : la nécessité d’effectuer sa visite en sens unique, en suivant un parcours fléché au sol, sans pouvoir revenir sur ses pas. Mais dans un espace aussi vaste, dans une grande quiétude, vous aurez tout loisir de prendre votre temps pour admirer les oeuvres, puis aller de l’avant.

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