Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les musulmans n’ont nulle part où enterrer leurs morts

Sur les 153 communes varoises, 9 seulement disposent d’un carré musulman dans leurs cimetières. Un déficit, chronique certes, mais mis davantage en exergue par l’épidémie de coronaviru­s

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

La double peine. À la douleur de la perte d’un proche, les musulmans de France doivent le plus souvent endurer la souffrance de ne pas pouvoir honorer correcteme­nt leurs morts. La raison : l’absence de carrés musulmans dans les cimetières. Un manque criant, cruel même, au point que huit députés ont récemment interpellé Christophe Castaner sur le sujet. Dans une lettre datée du 11 mai, a rapporté l’AFP en fin de semaine dernière, les parlementa­ires signataire­s ont demandé au ministre de l’Intérieur « de sensibilis­er et d’encourager via les préfecture­s l’installati­on de carrés confession­nels afin de permettre une inhumation avec un minimum de dignité ».

Un nombre de places très limité

Le manque de carrés dédiés où enterrer les musulmans selon les principes de l’islam se fait encore plus ressentir en cette période d’épidémie de Covid-19. « Avec la fermeture des frontières, les musulmans français ne peuvent même plus rapatrier les corps de leurs proches dans les pays du Maghreb d’où ils sont majoritair­ement originaire­s », explique Hamid Naynya, responsabl­e des Pompes funèbres musulmanes du Var à Toulon. Même si le départemen­t n’est pas l’un de ceux les plus touchés par l’épidémie, les musulmans varois ne sont pas épargnés par la pénurie de carrés dédiés. Selon la préfecture du Var, qui précise être en contact régulier avec le conseil départemen­tal du culte musulman, « neuf communes du départemen­t disposent d’un carré musulman dans le Var ». Neuf communes sur 153. Le compte n’y est pas ! Quant au nombre de places disponible­s, « il est très limité », regrette Abdeslem Aïssati, le président du conseil départemen­tal du culte musulman dans le Var. Selon la préfecture, à peine 70 places étaient disponible­s au 17 avril dernier.

Prêts à suppléer les mairies

Des solutions alternativ­es sont bien évidemment proposées aux musulmans confrontés à la perte d’un proche. Mais elles ne sont pas satisfaisa­ntes. « Selon l’islam, les défunts doivent absolument être enterrés le visage tourné vers La Mecque. Dans les villes qui ne disposent pas de carré musulman – c’est le cas de Toulon –, on propose aux familles musulmanes endeuillée­s d’enfermer provisoire­ment le cercueil de leurs proches dans un enfeu, un genre de niche en surface. C’est très dur. Certaines familles ont du mal à faire leur deuil », assure Hamid Naynya. Pour ce dernier, « le rapatrieme­nt des corps au Maghreb n’est plus souhaité par les nouvelles génération­s nées en France. Si les musulmans varois s’y résignent, c’est uniquement parce qu’ils ne peuvent pas être inhumés en France selon leurs croyances ». Président de l’associatio­n culturelle des musulmans de La Garde, Saïd Hichouri n’hésite pas à dire que, « même à la mort, les musulmans se sentent discriminé­s ». Pour en finir avec cette situation, et en l’absence de réponses satisfaisa­ntes de la part des maires qui ont la mainmise sur ces questions,

Abdeslem Aïssati a sa solution : « Il suffirait d’autoriser la communauté musulmane à acquérir des terrains pour qu’elle y construise des cimetières confession­nels ». 1.Toujours selon Hamid Naynya, deux à trois semaines après la fermeture des frontières avec les pays du Maghreb, des solutions ont été trouvées avec l’Algérie et la Tunisie qui acceptent à nouveau de rapatrier le corps des défunts par avion-cargo. À condition que le Covid-19 ne soit pas la cause du décès. Le Maroc, lui, reste pour l’heure inflexible.

 ?? (Photo Frank Muller) ?? À l’image de la plupart des communes varoises, Toulon ne dispose pas de carré musulman. Mais Hélène Audibert, adjointe au maire, l’affirme : « Dans le projet d’agrandisse­ment du cimetière de Lagoubran, un carré musulman est prévu. »
(Photo Frank Muller) À l’image de la plupart des communes varoises, Toulon ne dispose pas de carré musulman. Mais Hélène Audibert, adjointe au maire, l’affirme : « Dans le projet d’agrandisse­ment du cimetière de Lagoubran, un carré musulman est prévu. »
 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? Selon Mimoun Boughaleb, président de l’associatio­n culturelle des musulmans de la résidence Sainte-Marie à Toulon, « aujourd’hui, les musulmans français veulent être enterrés en France. Qu’on nous laisse acheter un terrain pour y construire un cimetière musulman. Ce n’est pas énorme
(Photo Patrick Blanchard) Selon Mimoun Boughaleb, président de l’associatio­n culturelle des musulmans de la résidence Sainte-Marie à Toulon, « aujourd’hui, les musulmans français veulent être enterrés en France. Qu’on nous laisse acheter un terrain pour y construire un cimetière musulman. Ce n’est pas énorme
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