Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ils ont joué ou arbitré la Dream Team à Monaco

En 1992, l’équipe américaine de basket, menée par Michael Jordan, débarque pour préparer les JO de Barcelone. Des protagonis­tes de l’époque racontent ces quelques jours de rêve

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

De l’avis de tous les spécialist­es de la balle orange, The Last Dance est une pépite du genre. Fouillé, nourri par moult témoignage­s et images inédites jusqu’alors frappées du sceau de la confidenti­alité, le documentai­re sportif – pondu par ESPN et Netflix, à voir en ce moment – retrace l’ultime saison de Michael Jordan aux Chicago Bulls, en 1997-1998. L’année où il rafle sa sixième bague de champion NBA, en huit saisons s’il vous plaît. L’année, aussi, de son deuxième retrait des parquets américains. Dix épisodes bien léchés et ponctués de flash-back, dont un qui nous propulse à Monaco en juillet 1992.

« On entendait les mouches voler »

Le contexte ? La DreamTeam est dans la place pour préparer les Jeux Olympiques de Barcelone. Deux lieux de la Principaut­é fourmillen­t de fans venus glaner un cliché ou un autographe de Michael Jordan, Magic Johnson, Larry Bird et consorts (1) : le Loews (ex-Fairmont) et les abords du stade LouisII, puisque l’escouade américaine s’entraînait sur le parquet de Gaston-Médecin. « Ils devaient travailler la défense de zone qui, à l’époque, n’existait pas en NBA et s’acclimater à l’arbitrage européen, dont la philosophi­e était différente des États-Unis. À Monaco, les conditions d’accueil étaient optimales », retrace Philippe Manassero, ancien arbitre de haut niveau. Ce sapeur-pompier de profession reste un témoin privilégié de ces six jours à Monaco. C’est lui, avec le regretté Bruno Duranti, qui avait été choisi pour être au sifflet des entraîneme­nts de la Dream Team. Testé puis adoubé par le staff de Chuck Daly, le Niçois, alors âgé de 36 ans, vit en immersion avec ces douze monuments du basket-ball. « J’avais un badge Team USA .Je n’étais pas mis à l’écart mais, au contraire, intégré à la vie du groupe. On mangeait avec le staff, les joueurs et leurs familles », se souvient-il. Outre le travail des fondamenta­ux et de la tactique exécutés avec une discipline quasi militaire – «onentendai­t les mouches voler, personne ne faisait les cons » – les entraîneme­nts valaient surtout le détour pour l’opposition en 5 contre 5, en toute fin de séance. «Ilyadesmom­ents où ça prenait feu. Tout en restant fair-play, ils montaient dans une intensité folle. Parfois, ils donnaient l’impression de parier de l’argent. Ils ne se disaient pas que des choses sympas », se marre l’ancien arbitre.

Passation de pouvoir

Celle contée sur Netflix restera, a posteriori, gravée dans l’histoire comme la passation de pouvoir entre deux génération­s, celles en déclin de Larry Bird et Magic Johnson, avec celle montante de His Airness, alias Michael Jordan. Ce 22 juillet, au lendemain d’une raclée infligée en amical à l’équipe de France (lire ci-dessous), l’équipe de Magic perd (40 à 36) face à celle de Jordan. À huis clos, seule une caméra de la Team USA filmant la scène et les joutes verbales entre les deux cadors. « Le moment de basket le plus fort que j’ai jamais connu de ma vie », dira, bien plus tard, Magic Johnson, à qui Michael Jordan, cigare aux lèvres, avait soufflé : «Ilyaun nouveau shériff en ville. » Dut rash-talking comme on l’aime. Ce même Jordan qui lançait, taquin, à Philippe Manassero : « J’espère que tu seras meilleur qu’hier ! »

Jordan golfeur et joueur

« Leurs entraîneme­nts ressemblai­ent aux matchs. Ils se mettaient dans les mêmes conditions. Ils étaient physiques mais étaient précaution­neux dans les contacts », embraye Francis Jordane, entraîneur de l’équipe de France de basket en 1992 qui a pu mener un entraîneme­nt commun avec son homologue avant le match amical.

Le sérieux sur le parquet tranchait avec la décontract­ion affichée en dehors. « Un art de vivre, selon Philippe Manassero. Ils avaient une liberté phénoménal­e. S’ils voulaient se resservir des hamburgers et des lasagnes, ils le faisaient. Rien n’était calibré. Ils allaient à la piscine sur le toit de l’hôtel. Michael Jordan allait au golf et jouait au casino. Il avait un carré rien que pour lui. » L’arbitre se souvient aussi de discussion­s passionnée­s avec Chris Mullin et Karl Malone sur les conditions d’un arbitre. Ce dernier lui proposant même de venir chez lui à Salt Lake City. Une invitation jamais honorée. Il se souvient aussi de ces clichés capturés lors d’une réception par le prince Rainier. De ce livre entièremen­t dédicacé par tous les membres de la Dream Team. « Jordan était un peu fermé mais c’est sans doute qu’il était sollicité à outrance. Magic, par contre, était hyper ouvert », note-t-il. Jacques Monclar, commentate­ur de basket et alors entraîneur d’Antibes, accompagne­ra d’ailleurs le meneur des Lakers pour une découverte de la cité des Remparts. « Il est tombé amoureux de la Riviera. On avait mangé chez Mamo au Michelange­lo, puis on est parti en balade sur le bateau du maire Pierre Merli, jusqu’au Cap d’Antibes et Juanles-Pins. C’est d’ailleurs le maire luimême qui a fait le taxi pour ramener Magic à Monaco », se marre Jacques Monclar. Impensable aujourd’hui.

1. Il y avait aussi Charles Barkley, Chris Mullin, Karl Malone, Clyde Drexler, Scottie Pippen, Patrick Ewing, David Robinson, John Stockton et Christian Laettner.

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(DR) Sur le parquet de Gaston-Médecin, la Dream Team pose avec de jeunes basketteur­s.

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