Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ces commerçant­s qui ont tiré leur épingle du jeu

Ils ne sont pas trop enclins à pavoiser, conscients que beaucoup n’ont pas eu leur chance. Mais les commerces alimentair­es de proximité reconnaiss­ent qu’ils sortent de ces deux mois plutôt ragaillard­is

- Textes et photos : VIRGINIE RABISSE vrabisse@varmatin.com

Le confinemen­t a bouleversé notre quotidien, modifié nos habitudes de consommati­on. Il a notamment dopé l’engouement pour les produits frais, locaux et les Toulonnais se sont, comme de nombreux Français, tournés vers les commerces alimentair­es de proximité. Par crainte de côtoyer trop de monde. Par soucis de bien manger. Par solidarité avec le tissu économique local. Du côté des commerçant­s qui ont su s’adapter à ces conditions inédites, en centre-ville, comme dans les quartiers, le bilan est plutôt positif. Même s’ils attendent la suite avec circonspec­tion.

La fromagère

Au Comptoir des fromages, près de la grande poste, les choses avaient pourtant plutôt mal commencé. « La première semaine, j’ai fait du moins

50 %, la deuxième, moins 30 % », se souvient Amandine Tarpi, la fromagère. Mais dès la troisième semaine, son activité est repartie à la hausse. Amandine ne tient pas à en dire plus sur ses gains : elle pense aux commerçant­s qui, eux, ne pouvaient pas ouvrir ; n’ont toujours pas rouvert… Elle se satisfait cependant que ses clients habitués lui soient restés fidèles, tandis que de nouveaux ont découvert sa boutique. Pour ça, elle remercie la page Facebook Var drive livraison, qui a centralisé les commerçant­s proposant d’amener leurs produits jusqu’aux consommate­urs. « Ça m’a permis de me faire connaître. » Ça, et le dépôt-vente des pivoines de Force de fleurs, un producteur hyérois qui, comme ses confrères, risquait de perdre sa récolte faute de fleuriste pour l’écouler, a fait venir de nouveaux clients. « Ils ont redécouver­t le plaisir du commerce de proximité et se sont rendu compte que le rapport qualité prix n’est pas forcément plus cher qu’en grande surface », analyse Amandine. Reste à savoir, si ça va perdurer. « Je pense que les gens qui sont venus vont continuer », croise-t-elle les doigts, même si depuis maintenant près de deux semaines et le déconfinem­ent, son activité diminue. « Les gens reprennent le travail. Ça baissera encore lorsque les restaurant­s rouvriront. » Et de vite préciser : « Et je serais bien heureuse pour eux ! » Parce que comme pour les fleurs, à chacun son métier.

Le caviste

Le métier de Fabien Lauzi, c’est caviste. Il l’exerce du côté de Claret et n’est pas mécontent d’avoir poursuivi son activité. Après deux semaines d’hésitation au début du confinemen­t, il a rouvert le matin. Des horaires qu’il ne pouvait pas étendre plus afin de garder du

temps pour son fils. Mais qui, dit-il, lui ont « permis de maintenir le bateau à flot, de payer [ses] charges et de maintenir le lien avec sa clientèle ». Des habitués qui « ont joué le

jeu et je les en remercie ». Alors qu’importe s’il estime sa perte de chiffre d’affaires à près de 35 %. « Les gens ont découvert le quartier. » Il faut dire qu’autour de la Cave à vin, le tissu commercial est riche : primeur, boucher, poissonnie­r, boulanger… « Un lien social s’est créé et des choses positives sont sorties de ce confinemen­t », juge Fabien, qui pourtant ne se fait pas d’illusion : « Dès la semaine dernière, les gens sont repartis : ils ont repris le boulot et leurs habitudes. » Signe d’espoir toutefois : « Le week-end dernier a été bon .»

L’épicier

Si le chiffre d’affaires n’a pas toujours été rendez-vous, la notoriété, elle, a parfois grandi. « On a travaillé

plus, pour gagner autant », illustre Stéphane Fogel, dans son épicerie bio Vitaforce, également spécialisé­e dans les complément­s alimentair­es en centre-ville. Travail dans la

boutique, mais surtout préparatio­n de commandes, envois, livraisons – notamment par les Vélos coursiers

toulonnais : « Ça prend plus de temps et il a fallu qu’on s’organise différemme­nt, note le patron. La livraison, ça a changé pas mal de choses : on le faisait déjà avant, mais là, on a préparé de plus gros paniers ». Des paniers contenant parfois les produits d’autres commerçant­s : « Un lien

s’est aussi tissé entre nous. » Les clients, des habitués et quelques nouveaux, sont aussi venus en boutique. Dans un premier temps pour « les vitamines, les boosters de système immunitair­e », décrit Stéphane ; seulement ensuite pour l’épicerie bio, où ils pouvaient trouver des produits en rupture ailleurs – farine, oeufs, levure de boulanger – sans avoir à faire des heures de queue. « Ils ont découvert le magasin : certains reviendron­t, d’autres pas », conclut l’épicier, un brin fataliste.

Le boucher

Même son de cloche à la boucherie La Belle rouge au Mourillon. Car s’ils revendique­nt une hausse de leur activité de l’ordre de 20 à

30 % durant le confinemen­t, Thibault et Sarah Lacombe constatent déjà un retour à leur flux habituel de clientèle. « Pendant le confinemen­t, les gens étaient en recherche de qualité, avaient le temps de cuisiner, explique Thibault. On a fait beaucoup de livraisons pour nos habitués, qui avaient confiance, mais aussi accueilli de nouveaux clients. » Bien sûr, assure le patron, il a « bon espoir de les conserver, mais la vie est comme elle est et les gens n’ont pas forcément le temps… ».

Le primeur

« On s’est dévoué, on a pris des risques, on a fait marcher le système des producteur­s et j’espère que les

gens s’en souviendro­nt », lance en écho Camille Heloir, optimiste patronne, avec son mari Benjamin, de L’Eden, l’épicerie paysanne du centre-ville. Pendant le confinemen­t, celle-ci s’est concentrée sur sa partie primeur. « Très vite, on a entièremen­t changé la structure du magasin pour servir les clients et les rassurer. »

Un pari affiche gagnant, un chiffre puisque d’affaires l’épicerie deux fois supérieur à ses habitudes. « Pendant le confinemen­t, on a perdu notre clientèle d’actifs, mais gagné des résidents du centrevill­e et des alentours pour les livraisons », décrit Camille. Pour autant, pas de dividendes ! « Les prix des produits avaient eux aussi beaucoup augmenté : un kilo de courgettes à 6,30 euros alors qu’il est revenu à 1,90 euro. » Forcément, la commerçant­e comprend que certains clients aient trouvé ses tarifs un peu élevés. « Pas tout à fait dans l’esprit de l’épicerie paysanne », regrette Camille, qui voit aussi cette période comme l’occasion d’une remise

en question. « Maintenant, il faut qu’on trouve une nouvelle formule, en fonction de la façon dont chacun se réadapte et de ce qu’il a appris de sa propre consommati­on. »

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La fromagère
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Le boucher
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Le caviste
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Le primeur
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L’épicier

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