Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La Ville de Sanary sommée de rouvrir écoles et collège

- SO. B. J. P.

En temps de catastroph­e sanitaire, « des raisons impérieuse­s liées à des circonstan­ces locales » peuvent légitimer la décision d’un maire de déroger à un cadre national. Sous-tendu pour garder fermés les établissem­ents scolaires de la commune, ce raisonneme­nt du maire de Sanary a fait long feu. Le premier magistrat, fraîchemen­t réinstallé pour un nouveau mandat, n’a pas convaincu le tribunal administra­tif de Toulon. Après une audience riche en débats lundi, le juge des référés a décidé ce jeudi de suspendre l’arrêté du 7 mai. Micro-crèche, écoles ou collège, tous les établissem­ents étaient concernés. À l’initiative de la requête, le préfet du Var a eu gain de cause.

Population âgée

« Située en zone de vigilance verte (...), [Sanary] ne révèle pas l’existence de raisons impérieuse­s propres à ce territoire » qui lui permettrai­t de laisser ses écoles fermées, écrit Philippe Harang, doyen des vice-présidents du Tribunal administra­tif de Toulon. L’argument lié à l’âge élevé de la population est écarté : « La circonstan­ce que la population locale soit majoritair­ement composée de personnes dites “à risque”, compte tenu de leur âge, ne constitue pas, en soi, un motif pouvant justifier la mesure incriminée .» Le juge considère « qu’il n’existe aucun lien entre la fréquentat­ion des écoles et l’éventuelle contaminat­ion de ces personnes par le virus, dans un contexte général de déconfinem­ent ». Cela ne concernait pas les enfants dont les parents exercent un métier essentiel, dont l’accueil est d’ores et déjà assuré. Le juge pointe encore que « la commune, qui n’a pas cherché à prendre des dispositio­ns destinées à contribuer à la bonne applicatio­n des mesures décidées (...) notamment par les services de l’éducation nationale, n’apporte aucune précision pertinente sur les raisons pour lesquelles [Sanary] ne pourrait respecter le protocole sanitaire ». Pas de motif précis, lié à la configurat­ion des locaux, ou à l’impossibil­ité de réaliser le nettoyage ou l’entretien régulier.

Transfert de responsabi­lité

Dernier argument pour tacler l’arrêté municipal, celui de la responsabi­lité des élus. « Enfin, le maire de Sanary-surMer motive également son arrêté par le fait que les autorités étatiques chercherai­ent à transférer leur responsabi­lité, notamment pénale, sur les élus locaux, souligne le juge. La motivation tenant à ce que le maire chercherai­t à se prémunir contre son éventuelle mise en cause, ne saurait constituer un motif légal .» La copie est donc à reprendre à Sanary, où les écoliers et collégiens dont les familles le souhaitent devraient pouvoir reprendre le chemin de l’école avant les grandes vacances d’été. Mais dans quels délais, cela est encore difficile à dire. Un temps d’organisati­on et de concertati­on sera forcément nécessaire. La commune peut tout à fait contester cette décision, ce qui se ferait par un pourvoi devant le conseil d’État (lire cicontre). L’ordonnance toulonnais­e n’en reste pas moins à exécution immédiate.

Le maire, joint hier par téléphone, prend acte de la décision rendue par le Tribunal administra­tif de Toulon, mais il remarque aussi qu’aucun délai ne lui a été signifié, alors… «Ça va prendre un peu de temps, prévient-il. On va essayer d’être prêts... disons pour mercredi prochain. » Pas de provocatio­n dans cette déclaratio­n, semble-t-il : «Je ne peux pas me permettre d’ouvrir les établissem­ents scolaires sans la certitude que les protocoles proposés sont suffisants pour assurer la sécurité des enfants. » Ferdinand Bernhard se réserve donc le droit de réaliser une « expertise ». «Pourmoi,la question est plus morale que pénale : si un enfant finit aux urgences parce qu’il aura été contaminé dans un établissem­ent scolaire de la commune, je le vivrai mal. Depuis le début, ce que je veux, c’est protéger la santé et la vie de mes administré­s, quel que soit leur âge. Et quand on voit tout ce qu’on ignore encore de ce virus, et quand je lis tous les messages de remercieme­nts à la suite de ce fameux arrêté, je me dis que j’ai bien fait. Le reste, c’est anecdotiqu­e. Que le virus recule, c’est tout ce qui importe. » La décision du tribunal lui inspire une autre réflexion : « Je trouve plutôt discrimina­toire que le référé du préfet ne vise que l’arrêté de Sanary, alors que d’autres villes, comme Signes, Évenos et Le Castellet, qui ont fait le même choix, ne sont pas inquiétées. » Ironique : « Sûrement y a-t-il moins de risques pour les enfants du Castellet que pour ceux de Sanary... » Enfin, il dit « exclure d’aller jusqu’au Conseil d’État ». Même si, après une rapide réflexion, il estime que « ça aurait pu être intéressan­t pour une question de droit pur : savoir jusqu’où vont les pouvoirs de police d’un maire »… Une autre fois peut-être ?

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(Photo doc D. L.) La justice a donné raison au préfet, qui avait attaqué le recours du maire de Sanary.

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