Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Le soin et l’humain doivent retrouver leur place centrale »
Les soignants durant cette crise se sont affranchis d’une certaine « lourdeur administrative ». Comment l’expliquez-vous ?
Jamais, en cette période de vérité du Covid-, la proximité et la réactivité entre les équipes médicales et soignantes et les directions, dans ce rêve du « temps court » des décisions, ne se seront autant affranchies du carcan technocratique et bureaucratique qui paralyse et asphyxie tant d’énergie au quotidien. Le « sens » retrouvé et le gâchis de tant d’énergies de notre quotidien sont, là aussi, une sacrée leçon de cette crise, dont il faudra tenir compte dans l’avenir. Il faut mettre fin à ce mille-feuilles administratif entre le national, le régional et le local pour redonner de l’autonomie au terrain et aux établissements, à l’image de ce que nous venons de vivre. S’être affranchis de nombreuses lourdeurs bureaucratiques est la raison d’une bonne gestion de la crise au niveau de tous nos hôpitaux.
Les équipes soignantes ont retrouvé du « sens » à leur métier...
Il aura fallu cette crise pour voir nos équipes se retrouver et retrouver du sens et parvenir à tenir le pays debout. Le terrain, dans son principe de réalité, de proximité et de vérité, est redoutable. Il fallait jusqu’à présent le faire taire, et n’avait plus son mot à dire, diktat et aveuglement du tout financier oblige... jusqu’au Covid- ! Le retour du terrain, du respect et de l’écoute, entre tous, à la place du mépris, du cynisme, du fameux « zéro réponse qui est déjà une réponse », permettra de renouer avec la confiance perdue des équipes et des soignants.
Les Agences régionales de santé (ARS) aux avant-postes ont été pourtant sous le feu des critiques...
Les ARS, à de rares exceptions, ont toutes été mises en cause par l’ensemble des acteurs du monde de la santé de par leur absence d’efficacité et de réactivité sur le terrain. Elles sont aux ordres du ministère. Leur temps long et distant des soins et des soignants s’est, là aussi, révélé au grand jour.
Quelle gouvernance demain pour l’hôpital public ?
Il conviendra de réinventer la gouvernance hospitalière avec des équipes soignantes mieux représentées, plus investies et en capacité de véto décisionnel sur des décisions qui ne répondraient pas à l’intérêt général. Les usagers doivent absolument, eux aussi, y être mieux représentés et acteurs des décisions. Ils ne le sont pas aujourd’hui. La proximité de terrain, les périmètres des services doivent absolument revoir le jour et mettre fin à ces périmètres administratifs qui se sont trop éloignés des soins, des malades et des équipes soignantes. Les chefs de services ou de pôles qui sont devenus des correspondants administratifs et des directions ne représentent plus ce monde soignant devenu orphelin de repères.
La commission médicale d’établissement (CME) a un rôle important à jouer...
Elle a perdu son âme au fil du temps et des volontés des politiques de santé. Elle doit redevenir une instance décisionnelle et de responsabilités partagées dans la concertation, le respect et l’intérêt général. Son président doit retrouver, lui aussi, ses prérogatives décisionnelles fortes, celles du monde médical, en lien avec le directeur de l’hôpital, chacun agissant dans son domaine de compétence, en juste et parfait équilibre. L’usager doit être la troisième composante de cette reconstruction. Il est totalement absent aujourd’hui. Il est tout aussi important de travailler en parfaite confiance et main dans la main avec le président du conseil de surveillance, comme c’est le cas au CHITS avec le maire, Hubert Falco. Il faut redonner du pouvoir décisionnel aux acteurs de terrain et arrêter avec ce système technocratique qui, on le voit, nous a envoyés dans le mur.
Le rapport administratif-soignant doit-il être repensé ?
Le service de soins, dirigé par un chef de service médical, sur le terrain et affranchi le plus possible de réunionites inutiles et stériles qui plombent l’hôpital public depuis des années, doit être un enjeu majeur de cette reconstruction à venir. Il doit retrouver une autonomie et un pouvoir décisionnel, une équipe soignante dimensionnée à la hauteur de son activité et de ses missions locales ou territoriales et d’intérêt général. Le soin et l’humain doivent absolument retrouver leur place centrale au sein de l’hôpital public et repenser les rapports administratifssoignants Ce constat reconnu par François Hollande et Emmanuel Macron, au titre de leurs « mea culpa » respectifs d’une dérive de la santé suradministrée et technocratisée à outrance, de toujours plus de papier au détriment des soins, est la preuve d’une certaine prise de conscience devenue obligée. Trop de richesses au sein de nos équipes soignantes alimentent ce gâchis humain que nous dénonçons depuis trop longtemps car balayées par le seul regard et l’aveuglement des politiques de santé du « tout financier ».