Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La morale de la fable « La carpe et le lapin »
La Fontaine a écrit « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf ». Mais aucune de ses fables n’évoque un tel mariage contrenature. Ce n’est pas non plus le titre d’un épisode d’Histoires naturelles, cette série documentaire bien connue des insomniaques, à cause de ses innombrables rediffusions nocturnes. La référence en matière de pêche au brochet et de migration des grives. Rien, en revanche, sur la carpe et le lapin. Il s’agit là d’un phénomène assez rare, typique de l’entre-deux tours des élections françaises. On ne l’observe que dans certaines villes, plusieurs dizaines tout de même. À force de patience, il est même possible de trouver quelques illustrations dans le Var et les Alpes-Maritimes. À quoi ressemble-t-il ? Des candidats, qui disaient pis que pendre d’un adversaire lors de la campagne du er tour, découvrent de grandes similitudes entre leurs programmes. Leurs visions de l’avenir passent recto de divergente à convergente : prêts à diriger la cité bras dessus, bras dessous, sans le moindre geste barrière et sans la moindre contorsion idéologique. Chapeau ! Un rapprochement, généralement négocié dans l’urgence, quand le second tour suit le premier d’une semaine. Cette fois-ci, ils ont eu trois mois pour gérer la manoeuvre. Le temps, visiblement, ne fait rien à l’affaire. Les grandes villes, où l’élection se joue dans des secteurs, comme à Marseille, offrent un spectacle sidérant où les partis maintiennent, retirent ou fusionnent leurs candidats, invoquant une
logique différente d’un quartier à l’autre. Les électeurs locaux y sont habitués et ne s’en offusquent pas plus que cela. Ailleurs, des candidats jettent l’éponge sans empêcher leurs colistiers de rallier le camp voisin (et parfois adverse). Une vaste pétaudière ? Oui. Une faillite du système démocratique ? Pas forcément. Après tout, la plupart des communes françaises sont gérées sans étiquette partisane, dans le seul souci de l’intérêt général. Ce sont généralement les plus petites. D’autres assument une large union entre des militants aux options nationales très éloignées. Ils se sont présentés ainsi sans faux nez au er tour. Avec plus ou moins de succès. Ce qui est plus gênant, c’est quand les listes déposées mardi en préfecture ressemblent plus à des plans de salle de théâtre qu’à des équipes municipales soudées : à moi le balcon, à toi le parterre… Après tout, les électeurs jugeront. Ou iront à la pêche, comme dans Histoires naturelles.
« Des listes ressemblent plus à de plans de salle de théâtre qu’à des équipes municipales soudées. »