Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Creuser les apparences

Tous les sept jours, la rédac’ passe à la moulinette le meilleur du pire de l’actualité de la semaine

- Par Lionel Paoli lpaoli@nicematin.fr

Chaque samedi, la rédac’ de Varmatin refait les sept derniers jours d’un oeil neuf et aiguisé. Avec l’actualité locale comme terrain de jeu, nos journalist­es se livrent à un décryptage volontaire­ment subjectif. Un “(dé)blocnotes” pour que rien ne puisse vous échapper…

des mai : le deuil idées reçues

C’est un homme voûté, accablé par le poids des deuils qui rythment son quotidien. Au-dessus de ses joues creusées, deux billes noires peinent à éclairer un visage cireux. Le débit est lent, grave, voilé, comme si la voix venait d’audelà du Styx. Sa maison ? Construite de bric et de broc au milieu des tombes, hantée par des ombres menaçantes même en pleine journée. D’ailleurs, au-dessus de ses tuiles brisées, le soleil ne brille jamais. Les nuages s’accrochent aux ténèbres, plombant l’atmosphère de longues stries mortifères. Avouez-le : c’est bien ainsi que vous imaginez un gardien de cimetière ? Pour exercer un tel métier, pensez-vous, il faut se complaire dans le macabre ? Vous avez tout faux. Jean-Marc Prette est chargé depuis dix ans des sépultures d’Alphonse-Karr. Et il ne ressemble pas – mais alors pas du tout – au portrait glaçant du « gardien de la crypte » qui sévissait naguère sur grand écran, avant de grimacer dans nos cauchemars d’enfants. Plutôt jeune, sympa, à l’aise dans son jean et dans ses pompes… qui n’ont rien de funèbres ! C’est aux hasards de la vie qu’il doit cet emploi – apparemmen­t – insolite. Lequel, à l’entendre, ne l’est pas plus qu’un autre… si ce n’est qu’il l’exerce sept jours sur sept. Sa silhouette sympathiqu­e nous renvoie à nos a priori. On veut croire qu’un huissier est glacial, une infirmière généreuse, un prêtre attentionn­é. On réduit le monde aux dimensions de nos croyances ; on l’enferme dans le cadre étroit de nos idées reçues. S’il est une leçon à tirer de cette rencontre, c’est celle-ci : lorsqu’on s’ouvre aux autres, il faut se méfier de soi-même. Sous peine de passer à côté de la réalité de l’homme et de ne percevoir, en miroir inversé, que le reflet de nos certitudes.

 juin : conviction­s alternativ­es

Plus qu’aucun autre parti, le Rassemblem­ent national n’a jamais rechigné à dénoncer les « manigances » de ses adversaire­s. À entendre ses caciques, l’ex-Front national serait la seule formation à avancer sans masque – ce qui, par les temps qui courent, et Dieu sait qu’ils courent vite, est déjà un exploit sanitaire. Une organisati­on à part qui n’aurait rien à voir avec les « compromiss­ions » de « l’UMPS » et les négociatio­ns « politicien­nes » des élus de « l’établissem­ent ». Droit dans ses bottes.

La réalité, bien sûr, égratigne cet autoportra­it flatteur. Ce sont d’abord les déçus du RN qui le disent. Williams Aureille, ancien adjoint de la culture de David Rachline, jugeant fin décembre que « les pratiques au sein de l’exécutif frontiste contredise­nt ce qu’ils défendent ». Ou Joël Pasquette, ex-leader du FN à Roquebrune, qui dénonçait les « petits arrangemen­ts » électorali­stes entre Luc Jousse et le maire de Fréjus. Plus récemment, Frank Giletti a apporté sa pierre à l’histoire locale du parti. Porte-flamme pour les municipale­s à Puget, il a d’abord brocardé le candidatma­ire sortant « déconnecté de la réalité », avant de lui proposer une alliance au lendemain du 15 mars. En des termes qui suintent la bonne vieille “politique politicien­ne” : « Tu récupères sur ta liste tant de mes partisans, tu me garantis tant d’adjoints, et hop ! Je retire ma candidatur­e ! » Le premier magistrat refuse. Frank Giletti change alors son fusil d’épaule et drague les autres qualifiés pour le 2nd tour : « Rassemblon­s-nous autour d’un projet commun pour lequel nous partageons les mêmes fondamenta­ux. [...] Nous ne voulons plus de la gestion calamiteus­e de Paul Boudoube ! »

En moins de trois mois, le Toulonnais, parachuté dans l’Est-Var et recruté par la Ville de Fréjus, est donc passé du combat contre le maire au pacte d’union, avant d’essayer – sans succès – le ralliement à son panache tricolore. En effet, “droit dans ses bottes”…

 juin : les idées ont fait leur temps

Les uns entrent dans la carrière quand les autres se préparent à en sortir. Les premiers ont 23, 25 ou 30 ans : ils sont les benjamins des nouvelles assemblées communales. Les seconds sont retraités depuis un bail et se lèvent lorsqu’on requiert les doyens. Aux deux bouts de l’engagement citoyen, quelle que soit la majorité qu’ils défendent, ces élus ont un point commun : ils ne siègent pas pour défendre des « idées » ou un « parti ». Leur credo, c’est « servir l’ensemble de la population ». Par-delà la formule convenue, il faut sans doute y voir un signe des temps. Aujourd’hui, même le rouge vif et le bleu marine se portent sans étiquette.

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