Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Chimpanzés, le combat des chefs

- PAR AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr GA. B.

« Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparitio­n, après une vie et une oeuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. » Et si tout était là ? Dans ces quelques mots ancrés de ce style magnifique si caractéris­tique, où le sourire s’enlace à l’efficacité, lorsqu’en 1998, Françoise Sagan (bien vivante pour six ans encore) écrit son épitaphe pour le dictionnai­re de Jérôme Garcin. Oui, Bonjour tristesse, sorti en 1954, a été remue-ménage. Comment une jeune fille bien sous tous rapports pouvait imaginer cette histoire d’adolescent­e manipulatr­ice qui passe l’été avec son père, grand séducteur et la maîtresse de celui-ci à Saint-Tropez ? Au fil de 188 pages, on se baigne, on se cuit ensemble au soleil, on danse et on boit à ne plus y voir, on crève d’ennui alors on jette de l’huile sur le feu. Dans la vie de Françoise Sagan, née Quoirez, le roman dont les ventes ont dépassé les deux millions d’exemplaire­s, fut aussi cataclysmi­que : « le charmant monstre » – comme on l’a renommé – était mineur, sa famille préférait un pseudonyme, elle le trouva du côté de chez Proust ; la gloire vient là tout de suite, assortie de l’argent que son père lui conseille de dépenser. Elle suivra. Bercera des génération­s de lecteurs, pour finalement mourir sans le sou. Adieu Tristesse... « J’ai perdu l’innocence ,dit Serge Reggiani. C’est terrible. J’avais des progrès à faire. Mais j’ai été tout à fait incapable de faire les progrès qu’il fallait pour faire ces progrès : moins fumer, manger moins, ne rien boire. Incapable. » Alors, pour ne pas décevoir ceux qui l’ont (re) découvert après vingt-cinq ans de carrière au cinéma, pour tenter de renouveler le miracle des Loups, le tendre « Rital » à la gueule d’épagneul choisit l’anxiété pour fil conducteur à son troisième album (et premier chez Polydor) sorti en 1968, Et puis. Le chanteur tardif a 46 ans, magnifique interprète – en quasiment un demi-siècle de chanson, Reggiani n’a rien écrit, pas une ligne ni une note – il n’est plus en âge d’ériger des barricades ni de courir l’étudiante. Il suffirait de presque rien ,se désole ainsi des écarts d’âge (« Elle au printemps, lui en hiver »). Et puis promène vers la maturité « Avec toi, j’appareille à bord de ma quarantain­e ». De temps en temps, l’humour d’un Boris Vian sur Les Bombes atomiques ou l’ironie d’un Moustaki « Madame Nostalgie, depuis le temps que tu radotes... » pointent, vivifiants. C’est un disque de demi-saison, à écouter quand on pense avoir pris un coup de vieux. Déprimant ? Non ! Car avec son génie et ses trémolos, Reggiani rend le temps révolu très beau ....

Un mâle dominant qui fait la loi dans le groupe et notamment auprès des femelles. Si elles ne sont pas soumises elles se doivent, en tout cas, d’être d’une grande largesse. Des jeunes fous, ambitieux jusqu’aux crocs, déterminés à prendre la place du chef. Des luttes de pouvoir et d’influences… Des combats, des stratégies. Un peu de bêtise. Des erreurs terribles. Vous vouliez vous changer les idées ? Hum. Raté. On ne va pas vous servir le couplet de l’homme qui descendrai­t du singe, tout ça. Vous en avez assez soupé, n’est-ce pas ? Néanmoins… à bien y regarder. Heu. Bref. Le documentai­re (France - Grande-Bretagne, 2019) réalisé par Rosie Thomas est confondant de réalité et de parallèles avec nos sociétés. À cela près que les valeurs et les principes fondamenta­ux de ces fiers chimpanzés n’ont pas pris une ride au fil des années. Qu’en est-il des nôtres ? Froncez pas les sourcils. On peut se détendre devant un programme sans exclure de se poser deux trois questions existentie­lles, non ? (Sinon, il y a toujours The Voice, sur TF1.)

Un narrateur de choix

L’acteur François Morel prête sa voix à ces deux années de tournage pendant lesquelles tout a été passé au crible dans la forêt de Fongoli, à la lisière du désert, dans le sud du Sénégal. Racontée avec le sourire, l’expérience révèle que les trente-deux bêtes sauvages, héroïnes de notre histoire, savent faire montre d’une grande ingéniosit­é pour assurer leur survie. Un fabuleux voyage qui surprend et interpelle, au coeur d’une végétation luxuriante et de fabuleux paysages. Les caméras ont rapidement su se faire oublier permettant aux « acteurs » d’évoluer tout à fait naturellem­ent et au spectateur de se laisser porter par une intrigue de taille : le mâle alpha, « David » – comme l’appellent les scientifiq­ues – saura-t-il conserver son rang et assurer sa descendanc­e ? « Le loft » version forêt d’Afrique, ça fonctionne. Ça peut même s’écouter et se regarder en famille – ce qui n’était pas forcément le cas du programme précité. On apprend, on sourit, on rit, on est ému. Les animaux – tenaces, déterminés, courageux –, ont pas mal à nous enseigner. Si, si. J’vous promets.

ce soir, à 21 h 05, sur France 4. Également mardi 9 juin, à 22 h 35 et samedi 13 juin, à 22 h 45, toujours sur France 4.

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