Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Un silence d’enfer

Chaque samedi, la rédac’ passe à la moulinette le meilleur du pire de l’actualité de la semaine

- Par Lionel Paoli lpaoli@nicematin.fr

Chaque samedi, la rédac’ de Varmatin refait les sept derniers jours d’un oeil neuf et aiguisé. Avec l’actualité locale comme terrain de jeu, nos journalist­es se livrent à un décryptage volontaire­ment subjectif. Un “(dé)blocnotes” pour que rien ne puisse vous échapper…

11 perdue juin : génération

Le Covid-19 plie bagage. Objectivem­ent, ce devrait être la meilleure nouvelle de l’année. Alors, comment expliquer « cette inquiétude sourde qui souffle en nos veines, qui nous saisit même après les plus grandes joies » ?(1) Peut-être par le fait que chacun sait, ou devine, que cette crise sanitaire est le prélude d’une dépression économique majeure. L’Est-Var, très dépendant du tourisme, a peu de chance d’y échapper. Les lycéens et les étudiants en quête d’un job d’été en font l’amer constat. Pour certains d’entre eux, cet emploi saisonnier n’est qu’un moyen de mettre du beurre dans les épinards en se frottant au monde du travail. Mais pour d’autres, il conditionn­e la poursuite de leurs études. Et c’est bien un vent de panique qui balaie cette génération. Sans revenu, comment payer son loyer, sa fac, son école supérieure, si les parents n’ont pas les moyens de mettre la main à la poche ? Les ambitions de ces néo-bacheliers se heurtent, brutalemen­t, à une réalité qu’ils n’ont pu anticiper. Même chose pour ceux qui achèvent leurs cursus : diplôme en poche, les voilà propulsés sur un marché où il est déjà difficile d’obtenir un stage !

Le désarroi de ces jeunes gens ne se reflétera pas dans les chiffres, puisqu’ils ne sont pas inscrits à Pôle emploi. Mais cela n’enlève rien à la matérialit­é des faits, ni aux dommages prévisible­s.

12 et juin : l’essentiel le superflu

Plus triste qu’une salle de spectacle vide, tu meurs ! Les théâtres et les cinémas n’existent que remplis d’éclats de rire, de frissons d’angoisse, de larmes d’émotion. Sans public, ils sonnent creux. Réduits à des murs nus, des projecteur­s éteints, des fauteuils inutiles empilés pour des fantômes. En excluant les lieux de culture des « commerces essentiels à la vie d’un pays », le gouverneme­nt a pris une décision historique. Ce choix a été fait pour des raisons sanitaires évidentes. Il oblitère, cependant, une réalité : les loisirs sont aussi nécessaire­s que la cerise sur le gâteau, la plume sur le chapeau ou le point sur le « i » du verbe « aimer ». Après la réouvertur­e des bars et des restaurant­s, celle des salles obscures et des scènes marquera, indéniable­ment, une forme de renaissanc­e. L’enthousias­me d’Aurélie Nicollet, directrice du Bibi Comédia (2), et de Jean-Marie Charvet, propriétai­re du Lido (3), est réjouissan­t. Espérons qu’il ne fait que précéder celui des cinéphiles et des amateurs d’art vivant, lorsqu’ils auront enfin l’occasion de décrocher de leurs petits écrans.

12 juin : le silence fait un boucan d’enfer

Les premiers temps, c’était plutôt agréable : le murmure du vent dans les arbres, le chuchoteme­nt du ressac, le chant des oiseaux en pleine journée. Le silence, soudain, faisait un boucan d’enfer. Plus de voiture. Presque plus âme qui vive. Le confinemen­t. Certains ont adoré cette parenthèse dans la frénésie contempora­ine. D’autres, assez vite, ont été angoissés par cet étrange quotidien réduit aux acquêts. Le calme funèbre devenait oppressant. Puis, enfin, la menace du Covid s’est faite moins présente. Les confinés ont été autorisés à pointer à l’air libre le bout de leur nez. Et en quelques jours, tout est redevenu « normal » – si l’on peut dire. Chassez le naturiste, il revient au bungalow : ceux qui se plaignaien­t hier de l’absence de bruit pestent aujourd’hui contre le vacarme. À Saint-Raphaël, il n’a fallu que quelques semaines aux riverains de la Corniche d’or pour réactiver une ancienne pétition contre les buggies qui pétaradent sous leurs fenêtres. Dans les bars, les considérat­ions désabusées sur « les cons » – traduisez : « tous sauf moi » – roulent de nouveau au-dessus des tables. Ces « autres », qui nous ont tant manqué pendant huit semaines, sont redevenus insupporta­bles. Et l’on se plaint, de nouveau, de ne pas être seul au monde. Merveilleu­x paradoxe d’une France qui se moquait du pape lorsqu’il voulait mettre le préservati­f à l’index, mais qui porte fièrement, sans sourciller, le masque sous le menton.

1. Extrait de Veiller tard de Jean-Jacques Goldman. 2. Le café-théâtre rouvre le 26 juin. 3. Le cinéma de Saint-Raphaël rouvre le 22 juin.

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