Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Traitement du Covid- : première mondiale à Nice
Un nouveau médicament ciblant des cytokines en cause dans l’aggravation de la maladie va être testé chez des patients à risque : personnes âgées ou comorbides
C’est une première mondiale qui s’est déroulée à Nice hier à 10 h 30. Le lancement d’un nouvel essai clinique multicentrique international contre le Covid19 coordonné pour l’Europe par le Dr Eric Cua, infectiologue au CHU de Nice et sous la responsabilité administrative d’Eric Monch, à la Direction de la recherche clinique et de l’innovation. « Nous sommes le premier centre au monde à pouvoir inclure des patients », annonce l’infectiologue. En première ligne depuis le début de la crise sanitaire, le Dr Cua explique pourquoi ce nouveau médicament (nom de code : ABX464) est porteur d’espoir quand « aucun autre, à ce jour, n’a pu faire la preuve scientifique de son efficacité, autant en préventif qu’en curatif ».
Plusieurs cytokines ciblées
« Pendant les premiers temps de l’épidémie, on a testé dans l’urgence l’efficacité de divers médicaments déjà sur le marché avec l’espoir de guérir des personnes dans un état sévère ou désespéré. » Là, c’est une tout autre approche qui est envisagée. Le médicament à l’essai sera testé plus précocement, chez des malades du Covid-19 susceptibles de faire une forme grave de la maladie. Autrement dit, des personnes âgées de plus de 65 ans ou plus jeunes mais qui présentent ces facteurs de risque aujourd’hui parfaitement identifiés : surpoids, diabète non contrôlé, hypertension… « On sait qu’une semaine après le début des symptômes, ces patients peuvent être victimes de ce que l’on nomme un orage cytokinique. C’est cette réaction inflammatoire, plus que le virus lui-même, qui est la cause principale du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et du décès des patients atteints de Covid-19. » Une réaction qui fait intervenir des cytokines proinflammatoires (d’où le nom d’orage cytokinique). Un certain nombre de médicaments testés – sans succès – au cours des derniers mois ciblait l’une ou l’autre de ces cytokines. « Là, nous disposons d’un médicament capable d’inhiber la production de plusieurs de ces molécules. » Selon Abivax, la société de biotechnologie qui le produit, ABX464 serait le seul candidat médicament associant à cet effet anti-inflammatoire, une action in vitro sur la réplication du virus luimême, le Sars-CoV-2, et sur la réparation tissulaire, comme démontré chez les patients souffrant de rectocolite hémorragique, une maladie inflammatoire sévère. Car ce médicament n’est pas tout à fait nouveau. « Il est déjà à l’essai, au CHU de Nice notamment, dans cette autre indication, avec des premiers résultats très positifs, en termes d’efficacité et de tolérance », informe le Dr Cua.
Une gélule par jour
Pourront participer à cet essai, nommé Mir-AGE, aussi bien des patients hospitalisés que des personnes malades suivies au domicile par leur médecin traitant, puisque ce médicament est administré par voie orale, à raison d’une seule gélule par jour. « Son efficacité sera mesurée à l’aune de trois paramètres : la mise sous oxygène, l’intubation et la mortalité. » En référence aux polémiques désastreuses autour de l’hydroxychloroquine, le Dr Cua insiste sur le fait que l’essai sera conduit «en respectant les règles très strictes de l’expérimentation des médicaments ». « Environ 1 300 patients seront inclus en Europe, parmi lesquels 300 recevront un placebo. » Il reste que cet essai, mis au point il y a plus d’un mois, mais qui a dû attendre le feu vert de l’Agence nationale de sécurité du médicament et du comité d’éthique, arrive un peu tard, alors que l’épidémie s’éteint en Europe. Le Dr Cua en est parfaitement conscient, mais il rappelle que nous ne savons encore rien de l’avenir. « Même s’il semble de plus en plus hypothétique qu’une deuxième vague se produise, ce médicament sera précieux pour faire face à des clusters ou si la maladie se révèle saisonnière et réapparaît à l’hiver prochain. » Et il pourrait déjà bénéficier à d’autres pays qui devraient rejoindre l’étude et qui continuent de voir l’épidémie se propager, à l’instar du Brésil.