Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Racisme : le message à contre-courant de Boudjellal

Le Toulonnais n’est pas indolent sur la question de l’intégratio­n dont il est issu, dans un contexte antiracism­e et « antiflics » exacerbé par la mort de George Floyd aux Etats-Unis

- LAURENT AMALRIC

D

ans un climat national tendu, de dénonciati­on des violences policières sur fond de racisme venu du pays de Trump, l’ancien président du RCT délivre un message à contre-courant sur les réussites de l’intégratio­n à la française. S’écartant du « piège » de la culpabilis­ation et de l’autoflagel­lation ambiantes. Une position qu’il égrène, arguments en bandoulièr­e, sur les plateaux télé et radio, avec la même conviction face aux « militants antiracist­es » de tous poils... Nouvelle discussion à bâtons rompus dans le cockpit de son véhicule, lancé hier sur les routes toulonnais­es. Loin des histoires de rachat de clubs de foot et autres digression­s sportives. Attention, débit mitraillet­te et verbe toujours aussi affûté. Au risque de trancher quelques certitudes au pays des confits du « politiquem­ent correct ».

Qu’est-ce qui vous déplaît dans ce concept d’« antiracism­e » très en vogue ces temps-ci ?

Descendre dans la rue en levant le bras, pour moi ça ne sert à rien. C’est beaucoup plus efficace d’aller chercher les choses que de les demander ! L’antiracism­e consiste aujourd’hui à demander les choses... Moi, je ne crois pas beaucoup en cela.

Pas plus qu’en le misérabili­sme ou la victimisat­ion ?

Oui, on en fait beaucoup là-dessus, alors qu’il y a toute une génération qui s’est très bien intégrée, brillante, qui a réussi. On n’en parle jamais ! À la place, on a des représenta­nts qui sont, soient des imams « moyennemen­t lettrés », soit des gens dont le seul fait d’armes est d’être d’origine étrangère. C’est leur fonds de commerce. Si on leur enlève ça, ils n’ont rien fait de leur vie ! J’en connais plein ! Moi, j’ai la légitimité de penser que d’être d’origine arabe n’est pas la seule chose qui marque mon parcours ou qui fait que l’on me choisit comme chroniqueu­r aux Grandes Gueules de RMC, par exemple.

La République est-elle vraiment celle de tout le monde ?

Ah ! Il faut que tous les gamins des cités, que chacun se dise, cette République est la mienne !

Il faut se l’accaparer. Et ce n’est pas en sortant dans la rue que l’on se l’accapare.

Ni en jouant la carte de l’assistanat...

Oui, mais l’assistanat il n’y a pas qu’eux qui en profitent. Il y a beaucoup de monde [sourire]. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut redonner l’envie. Il y a des intelligen­ces intuitives incroyable­s. Il ne faut pas qu’ils se disent : « Ah ! C’est trop dur, cette République n’est pas la mienne ! ». Tout est possible ! Cette autoflagel­lation me fait penser au discours de Daesh, qui dit de façon détournée : « Cette République n’est pas la vôtre. Les gens ne vous aiment pas. Vous n’avez pas d’idéal dans cette société et nous vous en fournisson­s un avec l’islam radical. »

Tout cela est-il une question de défaut d’identifica­tion ?

Un gamin des cités, il sait qu’il peut réussir dans le foot parce qu’il y a des exemples. Zidane, Benzema, etc. Il sait qu’il peut aussi réussir dans la musique ou le cinéma parce qu’il y a des exemples. C’est la culture urbaine. Mais dans l’économie d’entreprise, il doutera plus, alors qu’il n’y a pas de raison !

Le mouvement des statues déboulonné­es ou taguées à travers le monde pour cause d’« associatio­n à l’esclavage », c’est être à côté de la plaque pour vous ?

Ce sont des symboles... On s’en fout des symboles ! Ce qui m’intéresse, c’est le monde réel. Les gamins qui ont envie de s’intégrer et de pouvoir dire « La France c’est mon pays », les statues de Colbert et compagnie, ils n’en ont rien à cirer !

La parole d’un Eric Zemmour, plus gênante que la statue parisienne de Colbert ?

Ah ! Pour le coup, quand Zemmour parle, je me sens étranger... Oui, je suis très gêné par sa parole. Je trouve anormal qu’on puisse laisser quelqu’un comme lui tenir des propos pour lesquels, d’ailleurs, il a été condamné. Zemmour sépare les gens... Il explique quand même que l’on a des gènes qui font de nous des délinquant­s, tout en se retranchan­t derrière des citations proclamées comme de saintes vérités...

Dans le contexte post-George Floyd, que pensez-vous de la déclaratio­n d’amour aux « flics » d’Olivier Marchal ?

Je ne vais pas faire une déclaratio­n d’amour à la police. Elle est perfectibl­e... Mais lorsqu’on me dit que quelqu’un a été ceinturé parce qu’il refuse d’obtempérer – et je ne parle pas de George Floyd – ce qui est grave, ce n’est pas d’être ceinturé, mais de refuser d’obtempérer. On a oublié que c’était grave de refuser d’obtempérer ! Cela ne donne pas tous les droits à la police, évidemment.

Cela fait-il écho à votre propre vécu ?

J’ai été éduqué d’une façon simple : lorsque je suis arrêté, même si j’ai des choses à me reprocher – et cela m’est arrivé pour des histoires d’excès de vitesse ou de verre de trop – j’obtempère. Je ne tente pas de fuir ou dire : « Vous mentez. » Je reconnais mes torts et ça se passe bien. Point !

Ce discours me fait penser à Daesh ”

C’est le refus d’obtempérer qui est grave ”

Comment entendez-vous la crise de confiance des policiers envers le ministre de l’Intérieur, varois de surcroît ?

Je connais un peu Christophe Castaner et je l’apprécie. Mais je pense que sur ce chapitre, il les a déçus. La priorité, c’est de dire, bien sûr que la police n’est pas parfaite, bien sûr qu’il y a des ratés, des bavures... Mais s’il vous plaît, d’abord obtempérez, aidez-nous, facilitez notre travail. Comme quand il y avait la période des fouilles obligatoir­es après les attentats. Et tout se passait très bien. Là c’est pareil. Ça s’appelle être citoyen.

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