Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Billy Elliot sur Arte

- PAR AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr A. H.

Jean Genet, l’amoureux des assassins. Genet, engagé politiquem­ent, défendant l’homosexual­ité et dénonçant les conditions de vie en prison. Genet qui préférait les mauvais garçons, les « petite frégate » et autres « Divine », ouvertemen­t faiseurs de mal. Alors, quand l’écrivain s’empare des Bonnes, en 1947, elles n’ont fatalement rien de bon. Il est encore peu connu – en dépit de la sortie, cinq ans plus tôt, de Notre-Dame-des-Fleurs et du soutien enthousias­te de Sartre – quand il écrit sa deuxième pièce. Il n’aime pas le théâtre. « On s’en convaincra en lisant la pièce, écrit-il à son éditeur. Car même les très belles pièces occidental­es ont un air de chienlit, de mascarades, non de cérémonies. Ce qui se déroule sur la scène est toujours puéril. » Soit. Les bonnes prennent, malgré tout, corps sur les planches de l’Athénée à Paris en avril 1947 dans une mise en scène de Louis Jouvet. S’inspirant d’un fait divers (les fameuses soeurs Papin), Genet met en scène deux soeurs, Solange et Claire, qui, avant l’arrivée attendue de Madame – peu empathique avec ses employées – jouent à « Madame et sa bonne », se grimant, utilisant habits et différents apparats, mettant ainsi en scène la mort de leur patronne qu’elles rêvent de tuer. Irontelles jusqu’au bout ? Si on ne peut sans doute plus recevoir exactement cette pièce de la même façon aujourd’hui qu’après-guerre, elle interroge sur les rapports de classe. Qui avancent la plupart du temps masqués, parfois sous les couleurs de la compassion ou de la commisérat­ion... « Entrer (ou sortir) de la Matrice. » L’expression est tombée dans le langage commun. Si le concept n’avait rien de bien nouveau, il a été popularisé par la sortie, en 1999 de Matrix des frères/soeurs Wachowski. Un film de science-fiction d’un genre nouveau, puisant à des sources aussi diverses que la littératur­e cyberpunk de William Gibson, les univers imbriqués et paranoïdes de Philip Kindred Dick, les arts martiaux, le manga, Lewis Carroll et Le Magicien d’Oz. Le pitch ? Thomas Anderson (Keanu Reeves) n’est pas passionné par son travail d’ingénieur. La nuit, il utilise ses compétence­s pour hacker des systèmes informatiq­ues sous le pseudonyme de Neo. Par le biais de deux personnage­s mystérieux, Trinity (Carrie-Ann Moss) et Morpheus (Laurence Fishburne), il prend conscience qu’il est, à l’instar de toute l’humanité, connecté à la Matrice. Une simulation du monde mise en place par les machines dotées d’intelligen­ce artificiel­le... Ça paraît alambiqué sur le papier, mais Matrix reste une excellente épopée à forte teneur philosophi­que, fable sur le choix, le libre arbitre et un brillant film d’action – rappelons-nous ces scènes de combats au ralenti, manteaux flottants dans les airs. Allez, on retourne dans la Matrice ?

Attention, coup de vieux en approche : Billy Elliot a vingt ans ! Et pourtant cette comédie dramatique que nous propose ce soir Arte résonne encore pour la génération des années quatreving­t-dix. Aujourd’hui, ce joli conte représente toujours le parfait film familial, à la fois enchanteur, politique et bourré d’enseigneme­nts vitaux. Nous sommes en 1984, dans le nordest de l’Angleterre. Billy Elliot (Jamie Bell), 11 ans, vit avec son grand frère, son père et sa grand-mère dans une petite maison d’un village minier de

Durham. Ses journées sont rythmées par les cours et la boxe, que son père l’incite à pratiquer le soir. Jusqu’au jour où il découvre des cours de danse dans son propre gymnase. Révélation pour cette discipline dans l’essaim de fillettes en tutus.

Transgress­ion du genre

Alors que l’on rejette de plus en plus l’idée d’un genre binaire, de bleu pour les garçons et de rose pour les filles, le film de Stephen Daldry, qui raflera un paquet de prix en Europe, explorait déjà la transgress­ion de ce postulat. Alors, regarder Billy Elliot, c’est, pour un môme, comprendre qu’une autre voie est possible. C’est aussi apprendre que la danse ou la boxe ne sont synonymes de féminité ou de masculinit­é que parce que la société en a décidé ainsi. Voilà tout. Le revoir, adulte, c’est se rappeler que la pensée unique est souvent l’ennemi de la tolérance. Billy Elliot, pour tous, c’est encore un bel éloge de la danse. Qui se poursuit, en deuxième partie de soirée sur Arte avec le programme consacré à Julie Andrews, Mary Poppins de rêve et « plus joli nez retroussé de la comédie musicale ». Ne reste plus qu’à entrer dans la danse !

Billy Elliot, ce soir à 20 h 55 sur Arte. Suivi du documentai­re sur Julie Andrews, à 22 h 25.

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