Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Visites en Ehpad : entre soulagemen­t et frustratio­n

Les mesures d’assoupliss­ement ont permis aux familles de revoir les proches, comme à l’hôpital Clemenceau, à La Garde, dans des conditions sanitaires que tous espèrent encore plus simples

- CATHERINE PONTONE

Marie-Louise, installée dans son fauteuil, au pied de son lit, échange un regard avec sa fille Irène. Le temps s’écoule lentement. Tendrement. Les photos immortalis­ant des tranches de vie de ses deux arrières petitsenfa­nts – 6 ans et 2 ans et demi – la font sourire. Elle sait déjà que la fillette pourra sans doute bientôt venir la voir mais avec l’obligation non négociable de porter le masque. La protection obligée pour la visite, limitée, du moins pour l’instant, à une heure, dans le « monde d’après », celui de l’un des deux Ehpad de l’hôpital Clemenceau de La Garde, et qui régit le quotidien de nos aînés soumis aux gestes barrières dans la lutte contre le virus qui circule encore un peu sur le territoire.

« Des équipes bienveilla­ntes »

Un « monde d’après » que cette grand-mère et arrièregra­nd-mère savourent après ces deux mois de confinemen­t très difficiles à vivre pour elles et leurss proches. « Les visites étaient attendues avec impatience , dit d’un ton soulagé sa fille

Irène. Côté éthique, il n’y avait rien à redire pendant ce confinemen­t. Les équipes ont été présentes, bienveilla­ntes, ont fait ce qu’elles pouvaient ». Cela s’est confirmé le week-end de la fête des mères, « où les visites dans les chambres ont été autorisées. Par contre, nous demandons aux visiteurs de ne pas être plus de deux. Et de respecter le port du masque et les gestes barrières », insiste Michel Perrot, directeur du Centre hospitalie­r intercommu­nal Toulon-La Seyne (Chits). Ce qui n’était pas encore le cas jusqu’à présent. Irène, la fille de Marie-Louise souhaite ne plus jamais revivre la période à la sortie du déconfinem­ent, lorsque les visites en chambres n’étaient pas autorisées conforméme­nt aux recommanda­tions nationales dans le cadre du retour des familles, depuis le 20 avril. « Une demi-heure dans le patio, une fois par semaine. J’avais l’impression d’avoir un rendez-vous au parloir d’une prison », dit-elle. Être séparée d’une personne aussi chère durant ces « deux mois pleins, c’est affreux » «. J’ai cru parfois devenir folle en étant privée de ma mère et de mes deux petits-enfants. Au téléphone, j’ai pu l’avoir deux fois par jour. Elle comprenait les raisons, malgré tout, qui m’empêchaien­t de venir », confie-telle. Avec ce « ressenti d’abandon » partagé par d’autres familles de résidents dans d’autres Epadh varois sous le régime associatif, et privées notamment de ce lien social et affectif. « Et ce, même si ma mère comprenait très bien qu’on ne pouvait pas faire autrement, cela l’embêtait : l’ennui, être obligée de demeurer en chambre pendant le confinemen­t, et la quatorzain­e lors des tests Covid, pas d’animations, pas de repas ensemble ».« Être enfermée dans une chambre, ne plus pouvoir se déplacer, c’était difficile à supporter », confie Marie-Louise, du haut de ses 95 printemps. « Je sentais que c’était pénible pour elle comme pour moi », confie Irène.

« Un manque de part et d’autre »

Elle est ravie que les visites aient pu reprendre en chambres dès la fête des mères. Le Chits, conforméme­nt aux souhaits du gouverneme­nt, avait respecté les règles « en ce jour si particulie­r chargé de symboles, après plusieurs semaines où il y avait un manque de part et d’autres », explique Jean-Marc Guiangalan­o, directeur de la qualité et gestion des risques. Le pas n’a pas été, malheureus­ement, franchi aussi vite dans certains Ehpad sous régime associatif. Et ce, au grand désarroi de familles pour qui la livraison d’un bouquet de fleurs ne remplacera pas la présence de l’être aimé. Irène et Marie-Louise attendent désormais que les mesures d’assoupliss­ement le soient de plus en plus. Les familles respectent bien la charte de bonnes pratiques (seul contact visuel autorisé à 1,50 m, pas d’échange d’objets et de denrées alimentair­es, port du masque obligatoir­e y compris pour les mineurs), elles doivent encore se plier à un rendezvous obligatoir­e avec la prise de températur­e (si supérieure à 37,8 degrés, la visite est annulée). « Cela est nécessaire, explique Michel Perrot. Nous avons encore des chambres à deux lits et il nous faut éviter d’avoir quatre personnes en même temps. » Mais « autrement, nous sommes assez souples sur l’organisati­on des visites, insiste le directeur, Michel Perrot. Souples au point que si des familles veulent rencontrer leurs proches à plus de deux personnes, on peut l’organiser soit en terrasse, dans le patio, ou dans la salle à manger. » Car aucun soignant n’ignore le danger du « syndrôme de glissement », quand le chagrin et l’isolement sont trop lourds à porter. Protéger, oui, mais pas au prix de ne plus vivre par peur de mourir.

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(Photo Laurent Martinat) Marie-Louise, et sa fille Irène, enfin réunies en chambre depuis la fête des mères au regard des nouvelles mesures dans les Ehpad.

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