Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Olivier Devys : « L’hôtellerie a un bel avenir devant elle » Portrait
Le patron des Okko Hôtels, qui vient d’inaugurer un nouvel établissement à Toulon et bientôt un autre à Nice, invite à l’innovation et à l’optimisme. Son credo hôtelier : le lifestyle
Après Cannes, Toulon cette année (la réouverture a eu lieu le 2 juin alors que l’inauguration s’était déroulée quelques jours avant le confinement) et Nice en 2021, la chaîne Okko Hôtels (dix établissements en France et trois en cours de construction) s’étend petit à petit à toutes les grandes villes de l’Hexagone. À sa tête, Olivier Devys, un Parisien de 68 ans, est un expert de l’hôtellerie, visionnaire et idéaliste. Cet ancien ingénieur et économiste de Centrale a lancé pour Paul Dubrule (cofondateur de la chaîne Novotel et du groupe Accor) les premiers Suites Hôtel en 1998. Après dix ans de bons et loyaux services : « J’ai quitté Accor car je ne m’y retrouvais plus au niveau de mes valeurs humaines. Alors je me suis dit : ce que je n’arrive pas à faire dans un grand groupe, je vais le faire moi-même. »
Trois hôtels ouverts en un an
Avec le soutien de son partenaire Paul Dubrule toujours - « Nous sommes actionnaires à égalité, nous avons tous les deux 38 % des parts et nous avons ouvert le capital au fur et à mesure des années »-Olivier Devys a ouvert les trois premiers Okko Hôtels la même année, en 2014, à Nantes, Grenoble et Lyon. Son objectif : dépoussiérer l’image des hôtels traditionnels, en casser les codes et proposer du lifestyle à la façon des Mama Shelter lancés par Serge Trigano. « Nous sommes des développeurs exploitants », précise-t-il. Le concept : proposer aux clients de profiter davantage des parties communes que de la chambre. « L’expérience client se passe dans le club ouvert 24h/h, pour utiliser les ordinateurs mis à disposition, boire un verre (café ou soft drink) et grignoter quelque chose gratuitement. » Si la chambre est plus petite que les standards habituels, les parties communes sont plus spacieuses et cosy. L’accent a été mis sur la décoration, le design. « Ce qui compte, c’est le bien-être, pas de vous imposer un goût. L’objectif est que les clients aiment flâner dans ces espaces, entre amis, en famille, dans une ambiance cool mais pas bruyante car nous ne recevons pas de cars de tourisme, ni de convention ou de congrès pour éviter les arrivées massives de clients. L’ambiance reste toujours feutrée. Nous avons recherché des matériaux bruts. Dans notre deuxième génération d’hôtels, le plafond est en béton ciré. » Le patron d’Okko a aussi fait des choix assumés comme les tissus « en fibres végétales faites en Grèce façon lin froissé » pour les équipements des lits, des matelas et les draps, qui perturberont certains clients, persuadés qu’ils n’ont pas été repassés. Ou encore les distributeurs de gel et shampoing pour limiter gâchis et déchets. Si Olivier Devys a finalement créé l’hôtel de ses rêves, il a aussi su sentir le vent venir en donnant la part belle aux produits locaux. « 25 % de nos produits sont sourcés localement. Ça nous semblait élémentaire de nous insérer au tissu local, aussi pour que le client ne s’ennuie pas afin qu’il n’ait pas le même petit-déjeuner à Toulon qu’ailleurs. Mais c’est vrai que le confinement est venu renforcer un certain nombre d’intuitions que nous avions eu au moment du lancement de la chaîne comme la recherche des circuits courts et l’intégration des territoires. C’est une question de volonté. Nous mettons les moyens. Notre démarche d’ancrage local est très forte. Les petites chaînes comme nous sont peut-être plus en capacité de le faire car nous ne pratiquons pas les mêmes prix que les grands groupes. »
Miser sur l’expérience client
Pour ce sexagénaire en recherche constante : « Nous avons voulu montrer qu’il y avait toujours de la place pour l’innovation. Nous avons voulu remettre en cause des dogmes hôteliers même si nous n’avons pas poussé le crayon aussi loin dans le jeunisme que certains. La chaîne se remet en question tous les cinq ans et tient compte des remarques des clients. » Pas de check-in/out par exemple. « Je réserve ma chambre, je donne ma carte mais rien d’insupportable. Nous avons modifié le parcours client pour le rendre plus fluide, en respectant sa liberté et en simplifiant le travail de l’équipe afin qu’elle ne soit plus occupée à des tâches de facturation mais surtout dans une attitude d’accueil. Pour moi, c’est une entreprise de femmes et d’hommes dont la raison de vivre est la rencontre avec les clients afin que ces derniers gardent un bon souvenir de leur séjour. Ma fierté est aussi d’avoir créé
200 emplois. Des gens qui sont aujourd’hui contents d’aller au boulot. » Et que pense-t-il de l’avenir et de la crise ? « Dans l’industrie hôtelière, nous en avons pris plein la figure. Nous pensons que l’impact sur l’ensemble de l’année 2020 sera au minimum de 50 % du chiffre d’affaires. Malgré tout, il y a toujours eu des crises et je pense que l’hôtellerie a un bel avenir devant elle car le tourisme amène des taux de croissance importants. Nous avons eu un trou d’air significatif mais ce n’est pas ça qui va tuer l’hôtellerie. À une époque, l’hôtellerie vivait sur une manne en faisant monter les taux d’occupation et les prix. Les clients en ont eu marre et sont allés dans les gîtes et les Airbnb. Une remise à niveau s’est faite sous la pression de la nouveauté. Le marché n’est pas en question car la France a des atouts incroyables. Nous aurons de plus en plus de touristes. Il y a de la place pour tout le monde. Je ne suis pas pessimiste. Il faut tirer des leçons de cette crise et innover, voir ce que ça a changé dans les habitudes de consommation des clients. »