Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
De jeunes agriculteurs les pieds sur terre
Trouver des terres agricoles lorsqu’on veut s’installer ? C’est le parcours du combattant dans le Var, en raison de la pression foncière, qui rend le prix à l’hectare de moins en moins accessible. Le métier d’agriculteur séduit encore, les vocations ne manquent pas. Et pour cause. «Il y a une forte demande pour les circuits courts. Avec la crise sanitaire, la problématique de l’autonomie alimentaire est revenue sur le devant de la scène », rappelle Sylvain Apostolo, porte-parole de la Confédération paysanne. La plaine de l’Argens est la deuxième la plus fertile d’Europe après celle du Pô, en Italie. De quoi séduire les candidats à l’installation, qui ne veulent cependant pas prendre de risques inconsidérés.
Particuliers, restaurateurs, cantines
« On a cherché pendant un an et demi, deux ans, même avec la SAFER. On est allé voir jusqu’à Carcès, racontent Raphaël Muller et Simon Gaignaire. Beaucoup de terrains proposés étaient inondables et très chers. Avec des crues de 2 mètres d’eau, on ne peut rien protéger, même pas les arbres. Se lancer dans ces conditions, c’est mettre la clé sous la porte directement. » Ces jeunes gens, en cours d’installation, ont trouvé un terrain à Roquebrune-sur-Argens, en dehors de la plaine, mais pas trop loin non plus : « On est dans le quartier du Fournel, du nom d’un affluent de l’Argens. C’est inondable mais sur 60 centimètres, disent-ils, en croisant les doigts. On espère vendre en août ». « Dans un contexte où les particuliers sont de plus en plus nombreux à vouloir des légumes en circuit court toute l’année, si tout est inondé en automne ou en hiver, et qu’on ne peut pas fournir une partie de l’année, ce n’est pas possible, constate le duo. C’est terrible, car il n’y a pas de problème de commercialisation. » « Nous-mêmes cet hiver, à cause des inondations, nous avons été obligés d’acheter des légumes pour notre propre consommation, c’est un non-sens », confie Anne Gauthier. Elle s’est installée avec Nicolas Leroy, en janvier 2019 au pied du rocher de Roquebrune, chemin de la Maurette. Ils ont baptisé leur ferme « les pêchers mignons ».
Des projets viables économiquement
« On a eu cette opportunité car on nous prête ce terrain, disent-ils .Il appartient à un agriculteur, qui a fini par partir dans le Gers. On a eu 2 mètres d’eau en novembre et décembre. On nous propose de l’acheter, 45 000 euros l’hectare avec un bâtiment sous l’eau… Ça donne à réfléchir. On cherche autre part. » Anne Gauthier préserve d’ailleurs son emploi à mi-temps, dans une collectivité, pour avoir un revenu au cas où ils devraient déménager. « Les restaurateurs cherchent des produits locaux, les cantines scolaires sont aussi sur les rangs. La demande est là et on ne peut pas la satisfaire, se désole Nicolas Leroy. C’est notre deuxième année de maraîchage et arboriculture. On a eu droit à de la formation mais pas à d’autre aide. On aimerait rester, mais on s’interroge. Il faut que le projet soit économiquement viable. » Pour cette nouvelle génération, qui garde les pieds sur terre, la situation laissée par la précédente est tout simplement incompréhensible. Une opinion partagée par les plus anciens : « On a tout ici : une bonne terre, de l’eau, et pourtant, c’est la déprise agricole, regrette Jean-Stéphane Cantilhion de Lacouture, vigneron multi-inondé au Muy. Aucun acteur, aucun pouvoir local, régional, national, n’essaie de régler le problème des inondations. Depuis 30 ans, on fait des études, on dépense des fonds publics. Pour rien au bout du compte ».