Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le père Alexis cède à la tentation d’une île

Curé de la cathédrale de Toulon depuis six ans, celui dont les sandales foulent les terres varoises depuis près de vingt ans s’apprête a retrouver les siennes, au coeur de l’océan Indien : l’île Maurice

- VIRGINIE RABISSE vrabisse@varmatin.com

Il s’apprête à retourner à la terre. La sienne. Celle qui, il y a quarante-cinq ans, l’a vu naître. Après six années à Toulon, dix-neuf dans le Var et vingt-six en France, le père Alexis Wiehe retrouvera son île Maurice natale en septembre prochain. Curé archiprêtr­e de la cathédrale Notre-Dame de la Seds, il a en effet décidé de ne pas renouveler son mandat à la tête de l’église-mère du diocèse de Fréjus - Toulon, désireux de rentrer chez lui. Enfin. « L’île Maurice manque de prêtres et j’ai toujours voulu servir là-bas. Et puis, mes parents vieillisse­nt… », justifie-t-il. À l’heure où il envoie les invitation­s à ses messes d’au-revoir, le temps est cependant au souvenir et chaque réponse réveille la mémoire de ceux qui l’ont marqué. De ceux qu’il a aidés. Des couples désormais heureux ou des orphelins qui ont bien grandi. « Une longue période de vie s’achève et beaucoup de choses me reviennent : c’est extraordin­aire d’être prêtre et de partager les moments décisifs de la vie », résume simplement le père Alexis. Cette simplicité, c’est ce qui le caractéris­e. Elle lui vient de ses origines. D’ailleurs, il n’a jamais été particuliè­rement touché par sa propre position au sein du diocèse. Il s’intéresse surtout à son prochain. Si intensémen­t qu’on se surprendra­it presque à s’épancher alors que c’est de lui dont on est venu parler. Parler de lui, ce n’est pourtant pas sa tasse de thé. Il est plutôt café à en croire l’odeur qu’on sent parfois flotter autour de lui, mêlée à celle, plus forte, de ses cigarettes.

Le bonheur est dans le don de soi

« Vous posez beaucoup de questions », lance-t-il, amusé, lorsqu’on lui demande comment il se voit en tant que prêtre. « Un prêtre heureux, répond-il tout de même. Heureux de servir le bon Dieu et tous les autres. » Pourtant, même s’il a grandi en fréquentan­t l’église avec sa mère, même si sa famille compte un nombre de religieux hors du commun, dont deux évêques, Alexis Wiehe n’est pas de ces religieux dont la vocation est apparue tôt, comme une évidence. « J’ai grandi à l’île Maurice en profitant de ce qu’elle avait à offrir : à l’adolescenc­e, j’étais avec une bande de jeunes ; c’était bateau, fête et feu de camp. » Mais à 16 ans, il comprend que « le sens de la vie, ce n’est pas d’en profiter comme on l’entend à cet âge ». Un apprentiss­age dans la douleur d’un accident de moto qui lui fait connaître la souffrance et la solitude. Pour lui et pour les autres. Alors il se remet en selle, cette fois pour suivre son chemin de foi. Alexis a 18 ans lorsqu’il part en mission humanitair­e en Inde. À Calcutta, il rencontre Mère Teresa. Auprès d’elle, il entend sa vérité, celle selon laquelle « le bonheur est dans le don de soi ». Pourtant, il est encore loin de se voir religieux.

Le message de Medjugorje

Son bac en poche, le jeune Mauricien quitte son île pour suivre, comme il est d’usage dans sa famille, ses études en France, en Angleterre ou en Afrique du Sud. Pour lui, de 1994 à 1996, ce sera « économie sociale et de la famille » à Paris. Et l’idée de rentrer une fois diplômé. La rencontre avec la capitale française le déstabilis­e : on n’y fait pas référence à Dieu aussi facilement qu’à l’île Maurice et l’étudiant y découvre un certain « anticléric­alisme ».« Une détresse spirituell­e m’a alors frappé », se souvient-il. Il lui faudra aller jusqu’en Bosnie pour réparer sa foi. Au sanctuaire de Medjugorje, où la Vierge Marie serait apparue en 1981. Après sa leçon indienne sur le don de soi, c’est sur la « colline de l’apparition » que le jeune Alexis fait l’expérience de« l’amour de Dieu ».

À la force du poignet

Outre cette prière du chapelet qu’il porte comme un étendard depuis vingt-trois ans autour du poignet, il ramène de Medjugorje la conviction que « la plus grande pauvreté, c’est la misère spirituell­e ». Et si le chapelet a depuis longtemps et à plusieurs reprises été remplacé – le religieux n’est pas attaché aux objets, dit-il –, sa foi, elle, ne l’a plus quitté. Il lui faudra cependant encore un peu de temps pour comprendre que Dieu l’appelle. « J’avais une telle considérat­ion pour les prêtres que je ne me sentais pas digne de l’être à mon tour », se souvient celui qui est aujourd’hui archiprêtr­e. Il a 22 ans lorsqu’il entend enfin l’appel clairement. En 1998, Alexis entre donc au séminaire. D’abord à Rennes, en Bretagne, puis, en 2001, à La Castille, où il termine sa formation. Le 27 juin 2004, il est ordonné prêtre par Monseigneu­r Rey, déjà évêque du diocèse à l’époque. « Je l’ai accueilli comme séminarist­e il y a plusieurs années », se souvient l’ecclésiast­ique, louant un homme qui « prend beaucoup d’initiative­s, un pionnier avec une grande capacité d’empathie ».

Homme de D...éfi

Cette empathie, Alexis l’exerce à la paroisse de La Garde dès 2003, avant d’y être nommé curé, de 2007 à 2013. C’est après une année à Jérusalem que le père Alexis est nommé par Mgr Rey à la tête de la cathédrale. « À l’époque, ça m’a surpris, se remémore-t-il, mais j’aime les challenges et je trouvais le défi intéressan­t. » Car au-delà de la paroisse du centre-ville, avec l’église Saint-Louis, « c’est un poste qui a la dimension d’un service diocésain ». Dès son arrivée à la cathédrale, en 2014, son nouveau curé veut la « reposition­ner dans le centre-ville de Toulon »:« Je voyais que la ville se rénovait », explique-t-il, soucieux de participer à cette dynamique.

La tournée du saint patron

C’est ainsi qu’il crée, avec les paroissien­s

le Saint-Cyprien, le café associatif qui jouxte la cathédrale, nommé d’après le saint patron de Toulon et ouvert depuis tout juste un an. Ainsi aussi qu’il faitouvrir la crypte de l’église Saint-Louis sur la place de L’Équerre, il y a trois ans, au moment où la Ville inaugure la Rue des arts. Le père Alexis y a trouvé l’aide du diacre Gilles Rebêche. « Il peut partir avec le sentiment d’une mission accomplie », assure celui-ci, citant Saint-François-deSales : « On fleurit toujours mieux là où on est semé », comme pour lui souhaiter un bon retour. Mieux ou pas, le père Alexis dit ne pas savoir ce qui l’attend à l’île Maurice. Il veut d’abord se concentrer sur ses au revoir. « Pour bien terminer ma mission. » Et passer le relais au chanoine Charles Mallard, curé de la paroisse du Mourillon et de ses trois églises. C’est lui qui aura la charge de poursuivre les dossiers lancés par son prédécesse­ur. En tête, les fouilles archéologi­ques à la cathédrale et sa rénovation. Le père Alexis, lui, pourra enfin se consacrer à sa terre. Et ceux qui la foulent.

LepèreAlex­iscélébrer­asesmesses­d’aurevoirle­vendredi 19 juin à 18 h, en la solennité du Sacré Coeur ; le samedi 20juinà11 h 30,enlafêtedu­CoeurImmac­ulédeMarie; ledimanche­21juinà10 h 30,lorsdelame­ssedominic­ale du temps ordinaire.

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(Photo Frank Muller) De la Méditerran­ée à l’océan Indien, le père Alexis s’apprête à retrouver ses racines, celle de l’île Maurice.
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Curé de la cathédrale, le père Alexis était aussi à la tête de la paroisse du centre-ville de Toulon.

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