Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’ex-procureure : mes propos ont été « déformés ou mal compris »
L’ancienne cheffe du Parquet national financier (PNF), Eliane Houlette, a « regretté », hier, que ses propos tenus le 10 juin lors d’une audition à l’Assemblée nationale sur des « pressions » de sa hiérarchie dans l’enquête sur l’affaire Fillon, et qui ont suscité l’émoi, aient été « déformés ou mal compris » L’ex-procureure « tient à ce qu’il soit bien compris que M. Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif », selon une déclaration à l’Agence France Presse (AFP) transmise par son avocat, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi. « L’enregistrement de l’audition, accessible sur le site de l’Assemblée nationale, montre que les pressions qu’elle a mentionnées ne portent pas sur les faits reprochés à M. Fillon ni sur le bien-fondé des poursuites diligentées contre lui. Elles étaient d’ordre purement procédural », souligne-t-elle. Entendue le 10 juin par la commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance de la justice, Eliane Houlette avait réaffirmé avoir décidé en toute indépendance, en janvier 2017, d’ouvrir une enquête visant les époux Fillon après des soupçons d’emplois fictifs révélés par Le Canard enchaîné. Lors de son audition, Eliane Houlette s’était, en revanche, émue du « contrôle très étroit » qu’aurait exercé le parquet général, son autorité de tutelle directe, dans la conduite des investigations. « Le plus difficile […] a été de gérer en même temps la pression des journalistes – mais ça on peut s’en dégager – […] et surtout la pression du parquet général », avait déclaré l’ex-procureure, partie à la retraite en juin 2019.
Macron saisit le CSM
Hier soir, via un communiqué, le Président de la République a annoncé qu’il avait décidé de saisir, pour avis, le Conseil supérieur de la magistrature sur le fonctionnement de la justice dans cette affaire. «Les propos de Mme Houlette ont été interprétés par certains comme révélant d’éventuelles pressions. Il est donc essentiel de lever tout doute sur l’indépendance et l’impartialité de la justice. »
1. Passées inaperçues, les déclarations d’Eliane Houlette ont resurgi à la faveur d’un article du Point et provoqué l’indignation de familles politiquestrèséloignées.Tousdeuxviséspardes enquêtes du PNF, le RN et LFI ont vu dans ces « pressions » la preuve d’une justice aux ordres. Quant au parti Les Républicains, qui a souvent dénoncé une « instrumentalisation » de la justice dans cette affaire, il a évoqué des accusations « extrêmement graves ». Le député azuréen Eric Ciotti avait saisi, jeudi, Emmanuel Macron et réclamé l’ouverture d’une enquête pour « forfaiture ».
Le tribunal correctionnel de Paris dira, le juin, si le couple Fillon a ou non détourné des deniers publics. C’est, au fond, tout ce qui importe. Les soubresauts de la campagne présidentielle de sont, eux, à ranger au rayon des péripéties de l’histoire, quand bien même Les Républicains peinent, on les comprend, à s’en remettre. Pour la vox populi, l’affaire ne recèle guère de doutes. A double titre : François Fillon, a minima, a fait preuve de légèreté ; la justice, pour sa part, a fait montre d’une célérité inédite, d’un traitement de défaveur confinant à l’acharnement à l’égard du candidat de la droite. Faut-il, pour autant, parler de justice aux ordres ? Holà ! Si François Fillon a été victime de quelqu’un, c’est d’abord de lui-même. N’en déplaise à la droite et à Jean-Luc Mélenchon, qui voient midi à leur porte, il n’y a pas eu, jusqu’à preuve du contraire, de justice politique. Il y a bien eu pression. Mais ce fut celle qui est désormais le privilège, exorbitant parfois, d’une opinion publique à cran, qui astreint la justice à ne plus lambiner. Trop d’entorses à la morale, trop de dérives d’un monde politique hors-sol, ont conduit la société à se braquer et à traquer sans pitié les distorsions flagrantes entre les discours édifiants et les comportements approximatifs. François Fillon a morflé pour tant d’autres qui ont échappé à la patrouille. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en alarme, ça se discute, les gouvernants sont, aujourd’hui, jugés sur la place médiatique avant de l’être dans les prétoires. Plus personne ne sera épargné. L’époque est révolue où une Mazarine pouvait être tenue secrète durant vingt ans. Partant du principe, recevable, que chacun doit mettre sa vie en adéquation avec ses paroles, une journaliste a carrément publié un livre dévoilant, sans détour ni états d’âme, les dessous de la vie privée de François Fillon. L’honnêteté est un préalable, mais elle ne suffit même plus à l’électeur. Celui-ci demande aussi à ses gouvernants de l’exemplarité. Nicolas Sarkozy et François Hollande en ont fait les frais avant Fillon. Leurs quinquennats ne furent pas indignes dans le contenu… Ils ont été évincés sur leur comportement, un manque d’incarnation de la fonction. Le premier ne s’est jamais remis de son séjour sur le yacht de Vincent Bolloré. Une balle dans le pied d’entrée ! Le second a payé cash ses désordres et ses transports amoureux, autant qu’une banalisation de son mandat par une parole sans garde-fous. L’alchimie de l’incarnation, Emmanuel Macron court lui-même après depuis . Et même sans casseroles, elle est devenue une gageure.