Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le bonheur d’une vie

En activité depuis trente-huit ans, Alain Kaci est l’un des premiers restaurate­urs dracénois. Menant une existence hors des clous, l’homme aime les choses simples de la vie et s’épanouit dans le partage

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Déjà trente-huit années passées à la tête de son restaurant. Trente-huit années vécues avec passion… « Toute ma vie, j’ai eu la chance d’avoir de la chance, sourit Alain Kaci. De pouvoir faire ce que j’aime, dans un endroit que j’affectionn­e tout particuliè­rement. » Prenant place derrière l’une des tables de son enseigne, La louche de Louis XIV, le Dracénois, aujourd’hui âgé de 71 ans, replonge dans ses souvenirs. Et fait revivre les lieux… par la parole. « Ce restaurant n’est autre que la maison que ma famille a achetée au milieu des années 30, confie-til. Mes parents, Lalia et Mouloud, tenaient un magasin de vêtements en centre-ville, l’une des premières boutiques dracénoise­s. À l’époque, Draguignan avait un tout autre visage. Ici, le long de l’avenue du général de Gaulle, c’était la rase campagne. Et la propriété de mes parents était agricole. On y cultivait toutes sortes de fruits et on y faisait notre vin. » D’un signe de tête, Alain Kaci montre l’une des fenêtres du premier étage, qui surplombe la terrasse du restaurant. « C’est ici que se trouvait ma chambre… et c’est ici qu’elle se trouve encore aujourd’hui ! », s’exclame-t-il, avec le sourire. Comme si rien n’avait vraiment changé… « Dans cette maison, je revois encore ma famille : ma mère, mon père, mon grand frère, qui est né entre ces murs. Il était champion de France de moto et invitait régulièrem­ent ses copains de course à la maison. De grands champions, dont Giacomo Agostini, se sont assis à notre table. Et plus généraleme­nt, il ne se passait jamais une semaine sans que ma mère organise troisquatr­e repas entre amis. Elle aimait cuisiner et inviter. » Alain Kaci sourit à nouveau : «Je sais de qui tenir… Car, moi aussi, j’ai toujours aimé recevoir. Adolescent,

j’avais emménagé dans un petit studio à Draguignan, mais je trouvais quand même le moyen d’inviter tous mes amis, plusieurs fois par semaine. » Un goût de conviviali­té qu’Alain a savouré toute sa vie. « J’ai commencé à travailler à l’âge de dix-huit ans, après un certificat d’études et un CAP comptabili­té, poursuit-il. D’abord en tant que glacier à Cavalaire, puis à Bandol où j’avais monté ma propre affaire. J’aimais ce travail, mais ça n’a jamais été une vocation. » Cette dernière se révélera un peu plus tard, au début des années 80… « Quand je travaillai­s à Cavalaire et Bandol, je déjeunais tous les midis au restaurant ,reprend Alain.

Alors un jour, il m’est venu une idée et je me suis dit : pourquoi ne pas transforme­r la maison familiale en restaurant. Cela me permettra d’assouvir ma passion pour les bonnes tables et pour la cuisine, tout en restant dans cette demeure que je n’ai jamais voulu quitter. » Son idée en tête, l’homme ne perd pas une seconde et, en 1981, entame les travaux de rénovation nécessaire­s à la création de sa future enseigne. « Avec mon ami de toujours, feu Jean-Marie Pellegrin, nous avons tout refait : carrelage, murs, poutres, façade… Et le restaurant a ouvert ses portes l’année suivante, en 1982. » Alain Kaci devenant ainsi l’un des premiers restaurate­urs de Draguignan, dont la renommée ne fera que croître au fil des ans… « Je l’ai appelé La louche de Louis XIV, car le Roi Soleil avait le goût des belles choses et cet art de la table que j’aime tant. Très vite, le restaurant, réputé pour son feu de cheminée et ses grillades, est devenu le point de chute de tous les artistes qui se produisaie­nt à la Foire de l’olive, au théâtre, ou qui étaient simplement de passage à Draguignan. » Parmi eux : Renaud, Pierre Perret, Jean Marais, Jeane Manson, Véronique Jannot, Patrick Sébastien, la danseuse Marie-Claude Pietragall­a… Sans compter les maires dracénois et les hommes politiques toulonnais qui se sont bousculés à sa porte. « La personnali­té la plus connue qu’il m’ait été donné de recevoir était Henri Emmanuelli », remarque Alain Kaci, qui se souvient également de « la fête partagée avec le chanteur Renaud jusqu’à 5 h du matin, et d’une soirée quelque peu arrosée en compagnie de Patrick Sébastien ». Aujourd’hui, lorsqu’il jette un oeil en arrière, Alain Kaci l’affirme : « Je n’ai pas à me plaindre. D’abord glacier, puis restaurate­ur dans ma propre maison, patron de discothèqu­e un temps, et notamment de l’ancienne boîte dracénoise Le Stradivari­us, j’ai eu l’existence que j’avais envie de mener. » Celle d’un épicurien qui s’assume, et qui croque la vie à pleines dents. « Je n’ai pas eu d’enfant et je ne me suis jamais marié. Je suis un vrai célibatair­e, plaisante Alain Kaci. Ma vie, j’ai choisi de la consacrer à mes amis et à mon restaurant. Et j’ai été conforté dans ce choix ces derniers mois... » Car l’homme le concède aisément : « Financière­ment, la fermeture forcée du restaurant n’a pas été un problème pour moi. Cela étant, j’ai profité de ce temps libre pour me recentrer sur moi-même et pour me poser les bonnes questions. » Et le Dracénois revient toujours à la même réponse. Invariable­ment : « Mon bonheur à moi, le vrai, est de faire plaisir aux autres. De partager ce que la vie m’offre. Et rien que pour ça, la retraite, je n’y songe même pas ! »

‘‘ J’ai toujours eu la chance d’avoir de la chance”

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Textes : Carine BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr Photos : Sophie LOUVET

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