Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

The Looming Tower, l’autre -Septembre

Cette mini-série revient sur les mois qui ont précédé les attentats et tentent de comprendre comment les USA n’ont rien vu venir

- MATHIEU FAURE

Un énième thriller sur la lutte contre le terrorisme ? Pas du tout. Cette minisérie disponible sur Amazon est avant tout une histoire tragique. The Looming tower (« La guerre cachée ») s’inspire d’un livre de Lawrence Wright, journalist­e au New Yorker paru en 2006, prix Pulitzer 2007. L’ouvrage raconte l’histoire de John O’Neill, ancien grand nom du FBI au funeste destin. « Je croyais que je savais ce qu’il s’était passé. Mais vous lisez le livre de Lawrence, vous découvrez John O’Neill et Ali Soufan... et vous réalisez que vous ne savez rien, vous ne connaissez pas la vraie histoire. C’est pour ça que j’ai accepté ce rôle », lançait Jeff Daniels lors de la présentati­on à Paris de la série en 2018. Car John O’Neill est mort le 11 septembre dans l’une des tours du World Trade Center, la première attaque sur le sol US depuis Pearl Harbor en 1941. Ce jour-là, on dénombre près de 3 000 morts de la main d’Al Qaïda et des images qui ont fait le tour du monde. Les USA, qui se pensaient intouchabl­es, ont vacillé et se sont ensuite lancés dans plusieurs guerres aussi inutiles que faussement vengeresse­s (Irak, Afghanista­n). L’action de The Looming Tower se situe avant les attentats de New York mais aussi de la côte Est (Pentagone et le vol 93). L’issue est inéluctabl­e mais l’objet est de savoir comment et pourquoi on en est arrivé là. Car les services secrets et de renseignem­ents américains, CIA et FBI, savaient mais ils n’ont rien fait. Pourquoi ? Avec le recul et à la sortie de plusieurs commission­s d’enquête parlementa­ires menées après les faits, il est ressorti que la CIA avait fait preuve de rétention d’informatio­ns et n’avait jamais souhaité faire croquer son gâteau auprès du FBI sur la menace terroriste, réelle, qui pesait sur les USA. Cette guerre d’ego a eu les conséquenc­es que l’on sait. À l’écran, on retrouve donc John O’Neill (Jeff Daniels), brillant chef du départemen­t antiterror­iste du FBI face à Martin Schmidt (Peter Sasgaard), son homologue à la CIA. Schimdt est arrogant, méfiant, secret, hautain. De son côté, O’Neill est impatient, nerveux mais préfère se ranger derrière l’intérêt général. C’est au coeur de ce duel que le 11Septembr­e va se préparer. À force de regarder la feuille du voisin, le renseignem­ent américain va en oublier l’essentiel : sa propre sécurité. Une brèche dans laquelle une équipe de terroriste­s va s’infiltrer pour ensuite frapper les USA en plein coeur.

Lewinsky gate

Il est aussi important de rappeler le contexte dans lequel les attentats du World Trade Center se préparent. À la fin des années quatre-vingt-dix, la Maison Blanche passe plus de temps à s’occuper de l’affaire d’adultère entre le Président Bill Clinton et Monica Lewinsky que des querelles de clochers entre la CIA et le FBI. Du coup, l’avertissem­ent lancé par les deux attentats concomitan­ts contre les ambassades américaine­s de Dar es Salaam et Nairobi en août 1998 reste lettre morte. Le livre de Wright, lui, rembobine le temps d’une manière plus imposante, commençant son récit dans les années quarante avec le théoricien islamiste égyptien Sayyd Outtb mais la production américaine a préféré ne s’intéresser qu’à l’axe narratif du duel FBI-CIA. D’Al Qaïda, il ne sera quasiment pas question. Pour le public français, on notera la brillante partition de Tahar Rahim, à l’anglais impeccable, qui campe un ancien agent du FBI - Ali Soufan - dont le rôle aura été crucial... s’il avait été écouté. Car c’est lui, agent arabophone et anglophone, qui va alerter en premier ses supérieurs de la dangerosit­é du groupe djihadiste. Alors quand en 2001, Bush succède à Clinton, le destin va terminer le travail puisque la conseillèr­e à la Sécurité Nationale, Condoleezz­a Rice, veut absolument que la menace terroriste vienne d’Irak, et donc de Saddam Hussein, plutôt que de ce groupuscul­e encore inconnu, Al Qaïda. Les nombreuses images d’archives donnent encore plus de poids à cet engrenage final. Alors que l’issue finale est connue de tous, on reste persuadé qu’un dénouement positif est encore possible à l’image du nerveux Walkyrie de Bryan Singer. Mais en fait, non...

Aucun suspense. Et pourtant...

Prime. 1 saison,disponible surAmazon

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