Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les mécanismes d’une maladie rare décryptés À la une
Des chercheurs niçois mettent en évidence des malformations cérébrales chez des enfants souffrant de déficiences cognitives. En cause, trop de neurones
Ce sont leurs troubles visuels présentés par ces enfants considérés jusque-là comme « déficients intellectuels » qui un jour ont éveillé la curiosité d’un médecin aux USA, le docteur Schaaf, et amené à poser un nom il y a seulement six ans sur leur maladie rare : le syndrome d’atrophie optique Bosch-BoonstraSchaaf (BBSOAS) Si seulement une centaine de cas sont décrits à travers le monde, la maladie pourrait être beaucoup plus fréquente selon Michèle Studer et Michel Bertacchi. Respectivement chef d’équipe et jeune chercheur à l’iBV (institut de Biologie Valrose) à Nice, les deux scientifiques viennent de décrypter les mécanismes en cause dans les déficiences cognitives chez ces enfants. Une découverte majeure couronnée par une publication dans le prestigieux Embo Journal. Ils relatent : «On savait que le syndrome était associé à une ou des mutations dans un gène très important dans le développement (et très conservé dans l’évolution), NR2F1. Mais on ignorait l’impact de ces anomalies au niveau cérébral. »
Malformation cérébrale
En collaboration avec des neuroradiologues à Milan, ils vont alors commencer par analyser le cerveau de nouveaux patients BBSOAS en imagerie par résonance magnétique (IRM). « C’est là que l’on a découvert que ces enfants présentaient une malformation des circonvolutions du néocortex [partie la plus évoluée du cerveau humain, ndlr], dans une région consacrée au langage, au raisonnement et à l’analyse numérique. » Forts de ces premières observations, les scientifiques vont essayer de décortiquer les événements conduisant du gène défectueux aux malformations cérébrales. Et pour cela, ils vont s’appuyer sur des modèles de souris présentant les mêmes anomalies génétiques que celles décrites chez l’homme. « Le cerveau de ces animaux est le siège d’une hyperprolifération des neurones, plus précisément des progéniteurs des neurones corticaux, elle-même responsable de la malformation du cortex cérébral. » Ces animaux manifestent par ailleurs des troubles du comportement semblables à ceux décrits chez les jeunes patients : hyperactivité, troubles de l’apprentissage et de la mémoire, problèmes dans la coordination des mouvements volontaires, etc. Il restait alors à voir si un tel mécanisme était conservé chez l’Homme. Ce qu’ils vont réussir à démontrer après avoir développé des cultures 3D d’organoïdes cérébraux, sortes de « mini-cerveaux » humains créés en laboratoire. Une véritable prouesse technique dont ils nous décrivent l’intérêt. « Grâce à cette technique qui permet de reconstituer et mimer in vitro l’organisation du cerveau humain, on a pu montrer qu’en modulant l’expression de NR2F1, on obtient les mêmes résultats que sur nos modèles animaux : NR2F1 régule finement la prolifération des progéniteurs et le nombre de neurones produits. » Les chercheurs veulent aujourd’hui aller encore plus loin dans la connaissance du syndrome : « Sachant que le gène peut être muté à divers endroits chez l’Homme, et que les symptômes sont également divers et de gravité variable, nous allons étudier les effets précis de chacune des mutations ». Il est certes bien trop tôt pour parler de thérapeutiques. Mais ces travaux, en ayant révélé les malformations cérébrales associées au BBSOAS devraient d’ores et déjà permettre une prise en charge plus adaptée des jeunes patients. 1. https://nr2f1.org/learn/what-is-bbsoas/