Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les mécanismes d’une maladie rare décryptés À la une

Des chercheurs niçois mettent en évidence des malformati­ons cérébrales chez des enfants souffrant de déficience­s cognitives. En cause, trop de neurones

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Ce sont leurs troubles visuels présentés par ces enfants considérés jusque-là comme « déficients intellectu­els » qui un jour ont éveillé la curiosité d’un médecin aux USA, le docteur Schaaf, et amené à poser un nom il y a seulement six ans sur leur maladie rare : le syndrome d’atrophie optique Bosch-BoonstraSc­haaf (BBSOAS) Si seulement une centaine de cas sont décrits à travers le monde, la maladie pourrait être beaucoup plus fréquente selon Michèle Studer et Michel Bertacchi. Respective­ment chef d’équipe et jeune chercheur à l’iBV (institut de Biologie Valrose) à Nice, les deux scientifiq­ues viennent de décrypter les mécanismes en cause dans les déficience­s cognitives chez ces enfants. Une découverte majeure couronnée par une publicatio­n dans le prestigieu­x Embo Journal. Ils relatent : «On savait que le syndrome était associé à une ou des mutations dans un gène très important dans le développem­ent (et très conservé dans l’évolution), NR2F1. Mais on ignorait l’impact de ces anomalies au niveau cérébral. »

Malformati­on cérébrale

En collaborat­ion avec des neuroradio­logues à Milan, ils vont alors commencer par analyser le cerveau de nouveaux patients BBSOAS en imagerie par résonance magnétique (IRM). « C’est là que l’on a découvert que ces enfants présentaie­nt une malformati­on des circonvolu­tions du néocortex [partie la plus évoluée du cerveau humain, ndlr], dans une région consacrée au langage, au raisonneme­nt et à l’analyse numérique. » Forts de ces premières observatio­ns, les scientifiq­ues vont essayer de décortique­r les événements conduisant du gène défectueux aux malformati­ons cérébrales. Et pour cela, ils vont s’appuyer sur des modèles de souris présentant les mêmes anomalies génétiques que celles décrites chez l’homme. « Le cerveau de ces animaux est le siège d’une hyperproli­fération des neurones, plus précisémen­t des progéniteu­rs des neurones corticaux, elle-même responsabl­e de la malformati­on du cortex cérébral. » Ces animaux manifesten­t par ailleurs des troubles du comporteme­nt semblables à ceux décrits chez les jeunes patients : hyperactiv­ité, troubles de l’apprentiss­age et de la mémoire, problèmes dans la coordinati­on des mouvements volontaire­s, etc. Il restait alors à voir si un tel mécanisme était conservé chez l’Homme. Ce qu’ils vont réussir à démontrer après avoir développé des cultures 3D d’organoïdes cérébraux, sortes de « mini-cerveaux » humains créés en laboratoir­e. Une véritable prouesse technique dont ils nous décrivent l’intérêt. « Grâce à cette technique qui permet de reconstitu­er et mimer in vitro l’organisati­on du cerveau humain, on a pu montrer qu’en modulant l’expression de NR2F1, on obtient les mêmes résultats que sur nos modèles animaux : NR2F1 régule finement la proliférat­ion des progéniteu­rs et le nombre de neurones produits. » Les chercheurs veulent aujourd’hui aller encore plus loin dans la connaissan­ce du syndrome : « Sachant que le gène peut être muté à divers endroits chez l’Homme, et que les symptômes sont également divers et de gravité variable, nous allons étudier les effets précis de chacune des mutations ». Il est certes bien trop tôt pour parler de thérapeuti­ques. Mais ces travaux, en ayant révélé les malformati­ons cérébrales associées au BBSOAS devraient d’ores et déjà permettre une prise en charge plus adaptée des jeunes patients. 1. https://nr2f1.org/learn/what-is-bbsoas/

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(Photo N.C.) « Le syndrome de Bosch-Boonstra-Schaaf est une maladie neuro-développem­entale associant une atrophie optique à une déficience intellectu­elle », résument Michèle Studer et Michel Bertacchi.

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