Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Premières pièces montées
L’amphithéâtre romain, longtemps laissé en ruines, a connu une seconde jeunesse au cours du XXe siècle avec divers spectacles et concerts. Tout commence par des pièces de théâtre…
Chaque jeudi cet été, revivez les événements (pièces de théâtre, tauromachie et concerts mythiques) qui ont animé l’amphithéâtre romain tout au long du XXe siècle. Aujourd’hui, lumière sur les premières pièces de théâtre données aux Arènes, en public.
L’amphithéâtre romain, plus couramment appelé les Arènes, aurait été inauguré sous le règne de l’empereur romain Domitien en l’an 96. Le gouverneur de Forum Julii organise alors de nombreuses attractions : combats de gladiateurs et autres jeux du cirque… Le monument a ensuite connu une histoire assez chaotique, entre léproserie au Moyen Âge ou objet de convoitise, sa façade étant parfois dépouillée pour servir de carrière de pierres aux habitants ou pour le pavage de voies. Enfin, le XIXe siècle sera celui de fouilles entreprises pour mieux connaître et restaurer quelque peu les lieux, avant de lui redonner vie avec l’organisation de spectacles à partir du tout début du XXe siècle et les toutes premières pièces de théâtre à ciel ouvert, devant un public curieux et conquis... Toutefois, juste avant 1907, rien ne laissait présager que ces arènes romaines allaient contribuer au rayonnement des arts dramatiques et lyriques dans toute la région ! De l’herbe bien grasse poussait au milieu du ‘‘cirque’’, chevaux et moutons faisaient partie du paysage, à côté de pans de murs et monceaux de décombres... L’ambiance était bucolique. Jusqu’au jour où un impresario parisien, un certain Gabriel La Vallière, propose, en juin 1907, d’organiser des représentations théâtrales au sein même de ces arènes. Il suggère de prendre tous les frais à sa charge à la condition que la municipalité lui accorde son patronage pendant trois ans. Le 7 juillet 1907, le conseil municipal accepte mais l’impresario demande aussi l’exclusivité de l’usage des lieux... Ce qu’il obtiendra, bien que la Ville se réservera le droit de disposer des Arènes pour les fêtes de la Saint François. Cependant, pour des raisons inconnues, le contrat n’est pas signé, mais l’idée demeure et va être reprise, en 1909, par un certain maître Eyssaudier, avocat marseillais, ainsi qu’un administrateur du nom d’Anthony Réal. Dès lors, en 1909, seront programmées, pour la première fois, les pièces suivantes : Oedipe Roi, L’Arlésienne le lendemain, et Les Erinnyes le jour d’après. Ces pièces se joueront-elles vraiment aux Arènes
? Les historiens, dont l’illustre Marcel Foucou, n’en sont pas certains, d’autant plus que les journaux de l’époque parlent de véritable inauguration, pour les représentations théâtrales, de juin 1910. Donc arrêtons-nous plutôt sur 1910 avec Horace et Antigone .Sachant qu’ensuite, de nombreuses représentations, des années 1910 jusqu’aux prémices de la Seconde Guerre mondiale, vont ensuite animer les Arènes. Voilà le compte rendu qu’en faisait le Saint-Raphaël Journal daté du 22 mai 1910 : « Fréjus a tenté une résurrection des fêtes en plein air dans les vieilles arènes romaines. Cette tentative fut un beau succès où tous ensemble, organisateurs et artistes, doivent prendre large part [...]. Le cadre de l’amphithéâtre romain de Fréjus était d’une heureuse alliance avec un tel sujet, celui d’Horace. Les vieilles ruines dentelées par le temps, déchiquetées par les outrages des saisons ou l’impiété des barbares, gardaient cette altière et grande allure qui est la force et la beauté des grandeurs déchues. Çà et là, des groupes humains, hommes et femmes, se pressaient sur ses vieux murs, solides débris, et c’était merveille de voir ces antiques gradins, usés, battus, prêter leur robuste soutien à une jeunesse vive, bruyante, pleine d’éclat. Le cadre majestueux des Arènes contrastait de grandeur avec cette exubérance de vie et dominait le cirque tout rempli de spectateurs en rangs pressés. C’était le décor à la fois simple comme la simplicité antique, et grave comme la gravité des vieux Romains que la tragédie cornélienne reproduisait avec leurs attitudes solennelles et leurs gestes puissants [...]. Le meilleur succès pour les vaillants artistes leur est venu de l’enthousiasme des spectateurs émus, et les applaudissements répétés en ont été la preuve la plus sûre. » Le lendemain, le même journal relate cette fois Antigone :« Nous avons dit tout le charme impressionnant qui s’était dégagé de la représentation d’Horace. Il n’en fut point autrement de la seconde journée du Cycle d’art classique aux Arènes de Fréjus. Les menaces du ciel n’arrêtèrent ni l’entrain des nombreux spectateurs ni l’ardeur des interprètes. Une atmosphère grise pour le sombre drame d’Antigone, une toile supérieure de lourds nuages noirs, quel véritable décor de circonstance [...]. On ne saurait assez louer la hardiesse de l’initiative et la fortune favorable qui l’accompagna, chez tous ceux qui organisèrent les deux journées. Quelle initiation populaire, une vulgarisation pour le grand public des chefs-d’oeuvre puissants et l’expansion des sentiments les plus purs qu’ils contiennent. »
Sources : Philippe Cantarel, guide conférencier à Fréjus et Les loisirs : les spectacles à l’amphithéâtre romain par Marcel Foucou.
Hommes et femmes se pressaient sur ses vieux murs, c’était merveille de voir ces antiques gradins, usés, battus, prêter leur robuste soutien à une jeunesse vive, bruyante, pleine d’éclat”