Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Thomas Mauban, l’ange gardien

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Ils sont « inséparabl­es », dixit Fabio lui-même. C’est « un pilier de l’édifice, au même titre qu’Eric (Mahé, le manager, voir ci-contre) », lâche tout de go Étienne Quartararo, le père du champion, quand on le lance sur le sujet. Depuis quatre ans, Thomas Mauban marche dans les pas du prodige niçois. Côté course et côté jardin. « Avant que nos routes se croisent, je n’en pinçais pas vraiment pour les sports mécaniques », raconte ce voisin antibois plutôt attiré par la mer et le foot. « Enfant, je préférais m’éclater sur l’eau ou taper le ballon. J’allais voir les matchs du Gym. J’ai joué à l’AS Fontonne, à l’ES Villeneuve-Loubet. Mes parents m’avaient offert une PW . De quoi rigoler quelque temps... mais ça m’a vite gonflé. » La rencontre ? « En , au moment de ses débuts en Grand Prix (Moto). Je m’occupais des activités nautiques d’une plage, à Saint-Laurent-du-Var. Il venait faire de la bouée tractée. On a vite sympathisé malgré notre différence d’âge (Thomas a  ans de plus) parce qu’il était déjà très mature. » La complicité va crescendo. Dès la saison suivante, durant laquelle l’espoir du guidon mange pas mal de pain noir, jusqu’à couper le cordon avec son premier agent espagnol, copain commence à rimer avec soutien. «Fabio gambergeai­t. Il s’énervait souvent. Il avait besoin de parler. Alors je l’ai accompagné au Grand Prix d’ouverture (Qatar). Puis j’ai enchaîné les trois dernières échéances (Japon, Malaisie, Valence). Lors de cette passe difficile, il fallait surtout le calmer, lui remettre les idées en place. »

« Il y aura encore de belles surprises »

Les mots du confident font effet. Petit à petit, « El Diablo » chasse ses démons, à l’étage Moto, tandis que « Tom » négocie un virage en  pour l’épauler à plein-temps. « Quand on me demande quel est mon rôle, je réponds bras droit... ou ange gardien », glisse tout sourire l’un des maillons forts de la chaîne.

Chaque week-end de course, celui-ci porte en effet plusieurs casquettes. Il gère les tâches du quotidien, l’équipement, le planning, en concertati­on avec le service presse de l’équipe Petronas Yamaha SRT. «Ilyademult­iples sollicitat­ions extérieure­s à canaliser. J’essaie de préserver autant que possible la bulle indispensa­ble pour sa concentrat­ion. » S’il avoue volontiers que le départ en fanfare de Fabio sur la scène du MotoGP l’a épaté, Thomas sait l’expliquer. « Au-delà de son talent hors norme, c’est un travailleu­r acharné. On pourrait penser le contraire en regardant les photos qu’il poste parfois sur les réseaux sociaux. Moi, je le vois s’entraîner dur, améliorer sa force mentale, contrôler sa diététique, sans relâche. » L’homme qui le suit les yeux fermés en espérant aller le plus haut possible le voit-il aussi animer la course au titre  ? « Je ne veux pas faire de pronostic. Mais je pense qu’il y aura encore de belles surprises. » Parole de pote !

Eric, êtes-vous un manager heureux ?

Oui. Mais je ne le suis pas que maintenant, uniquement parce que Fabio crève l’écran. Ce qui me rend heureux, en fait, c’est de travailler intelligem­ment, d’entretenir une bonne complicité avec le pilote, que celui-ci arrive en haut de la pyramide ou non.

La première fois que vous croisez Fabio, ça se passe où et quand ?

Au Qatar, en . Son baptême du feu en Grand Prix (Moto, ndlr). Je connaissai­s son pédigree chargé et j’avais fait sa connaissan­ce ainsi que celles de ses parents dans un hall d’hôtel. Et puis, pendant la course, en bord de piste, je me suis dit : ‘‘Tiens, ce gamin-là, il possède un truc en plus et il va aller loin.’’ Parce qu’il pilotait à l’instinct. Il était capable de changer de trajectoir­e selon les circonstan­ces. Certains pilotes sont rapides mais pas créatifs. Lui allie ces deux qualités. Son talent sautait aux yeux, quoi !

Fin , lorsque vous prenez ses affaires en main alors qu’il est au creux de la vague entre Moto et Moto, auriezvous pu imaginer qu’il pousserait les portes du MotoGP deux ans après ?

Je n’aurais pas pensé que ce serait impossible. Dans le sport de haut niveau, vous savez, on n’a guère de certitudes, ni dans un sens, ni dans l’autre. Fabio a du talent, mais ça ne suffit pas. Pour gravir les dernières marches, il faut beaucoup de travail et de la réussite. Il s’est donc mis à bosser dans le bon sens. Et on peut quand même dire que c’est un garçon qui a une bonne étoile. Ses premières perf’ en Moto (au printemps , vainqueur à Barcelone, puis

à Assen) sont tombées

pile au moment de la création du team Petronas Yamaha SRT. Timing idéal !

S’agit-il de votre plus beau coup de manager ?

Je garde aussi un très bon souvenir du passage de Randy (de Puniet) en MotoGP, chez Kawasaki . En , il sortait d’une mauvaise saison en  cc. Pas gagné d’avance... Allez, pour moi, Fabio et Randy sont premiers ex aequo !

« Notre priorité, c’était que Fabio puisse gagner des courses en  »

Comment expliquez-vous son départ en trombe l’an dernier ?

Fabio a tout de suite compris qu’il fallait saisir cette opportunit­é, une chance peut-être unique dans sa carrière. Donc il a bossé encore plus qu’avant. L’accueil chaleureux du team et le super feeling ressenti d’entrée sur la moto ont fait le reste.

Qu’est-ce-qui a fait pencher la balance du côté de l’usine Yamaha pour le contrat - ?

Notre priorité, c’était que Fabio puisse gagner des courses en . Avec Monster Yamaha, la négociatio­n aurait pu aboutir beaucoup plus tôt, dès avril ou mai . Mais elle s’est éternisée parce que leur planning de production ne prévoyait initialeme­nt que deux machines  pour Viñales et Rossi. S’il a fallu faire quelques concession­s, nous avons obtenu satisfacti­on. Fabio dispose de la nouvelle moto.

Qu’attendez-vous de lui ?

Qu’il continue à nous faire rêver. Il est tellement concentré sur son métier que j’ai du mal à voir comment il ne pourrait pas nous offrir des émotions encore plus fortes cette saison.

Textes : Gil LÉON

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