Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
À ans, ce Belge découvre son autre famille à Marseille
Marc Van Mol vit du côté de Bruxelles. La semaine dernière, ce sapeur-pompier a fêté ses cinquante-trois ans et son frère n’a pas manqué de lui « sonner » son anniversaire, comme il dit. Son frère, c’est Olivier. Un Marseillais aux intonations aussi appuyées que l’accent belge de Marc est drôlement prononcé. Mais ces deux-là se comprennent cinq sur cinq. Il ne se passe quasiment pas une journée sans un coup de fil ou une volée de SMS. Pourtant, il y a encore cinq ans, Marc n’avait jamais entendu parler d’Olivier. Deux biotopes, deux cultures, deux vies aux antipodes. Mais, plus fort que leurs différences, ce lien du sang qui les rassemble et même les soude. Marc raconte. « Il y a cinq ans, je reçois sur Facebook un message d’un militaire français qui se prétend mon beau-frère. En m’expliquant que son épouse croit être ma soeur. » Circonspect, le sapeur-pompier prend le temps de réfléchir, en parle à sa femme, consulte ses enfants et, finalement, accepte d’échanger quelques messages avec cet inconnu surgi de nulle part.
« Je sais tout de lui, il sait tout de moi »
Marc, le souffle court, poursuit : « L’histoire qu’il commence à me raconter tient debout. Cette histoire, c’est celle de mes parents, mariés trop jeunes, 18 et 19 ans, et divorcés rapidement. » Après l’échec de son couple, à la fin des années soixante, le père de Marc quitte son pays pour s’installer dans le sud de la France. Où il fonde un nouveau foyer ; un garçon et deux filles. « Jamais je n’avais eu de nouvelles, il avait disparu, ma mère refaisant sa vie de son côté. J’ai grandi en Belgique avec une demi-soeur, et pour moi c’était tout. » Le militaire français envoie très vite des photos. «Jene ‘‘savais’’ pas me tromper, ce visage m’était connu, il se passait bel et bien quelque chose, tout collait, on parlait bien de mon père. » Sidéré par ces images aux allures de pièces à conviction, Marc saute le pas, prend l’avion. « Côté belge, c’était tabou, on ne parlait jamais de ça. Et voilà que mon père réapparaissait avec trois enfants. » Olivier, 38 ans, Dominique, 45, et Marianne, 27. Une fratrie tombée du ciel, un grand chambardement psychologique, après tout ce temps, un affect en ébullition, une révolution des sentiments. Son père ? « Soixante-neuf ans, une ressemblance énorme, on me prendrait pour son jumeau. » Peu disert sur les conditions de son exil, Marc se satisfait de la relation apaisée qu’il a pu nouer. « Au début, ce n’est pas facile. On parle, on essaie de comprendre, il n’est pas à l’aise, moi non plus, mais progressivement un lien se crée et c’est bien. » Un père, deux soeurs, mais surtout ce frère, Olivier : «Jesaistout de lui, il sait tout de moi. » Pour Marc, cette branche provençale des Van Mol est un cadeau. « Nos enfants s’adorent, ils ont presque besoin les uns des autres, je leur fais découvrir la Belgique, nous venons à Marseille à Noël ou en été, nous avons tout à découvrir mutuellement. » De sa part, pas de colère ni de ressentiment. « Juste, peut-être, le regret de n’avoir pas profité plus tôt de ce lien qui l’emporte sur tout le reste. Le passé, on l’a évoqué, je l’ai admis, on essaie de rattraper le temps perdu. » Sa mère sait tout, « on n’en dit pas un mot », elle a tourné la page. Une belle histoire, estime donc Marc qui s’habitue au côté « sanguin » des siens, découvre «les discussions qui s’enflamment pour un rien » et se réjouit de retrouver, bientôt la chaleur de cette seconde famille, si proche, si loin.