Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les taureaux par les cornes

L’amphithéât­re romain a connu une seconde jeunesse au cours du XXe siècle avec spectacles et concerts divers. La tauromachi­e a longtemps été à l’honneur aux Arènes et autour

- NICOLAS PASCAL npascal@varmatin.com ◗ Sources : Les loisirs : la corrida à Fréjus par Marcel Foucou et Les arènes romaines de Fréjus de J.-P. Vieu.

Chaque jeudi cet été, revivez les événements (pièces de théâtre, tauromachi­e et concerts mythiques) qui ont animé l’amphithéât­re romain tout au long du XXe siècle. Nous vous proposons aujourd’hui les premières pièces de théâtre données aux Arènes en public.

Que l’on soit pro ou anti-corrida, difficile de ne pas évoquer les spectacles de corrida qui ont fait partie du paysage fréjusien, aux Arènes et autour, au cours du XXe siècle. Une histoire qui a connu plusieurs épisodes. Le tout premier remonte à 1905, date à laquelle la tradition taurine voit le jour à Fréjus. Ce sera « la ville taurine la plus à l’est du Rhône », comme le proclamaie­nt les aficionado­s. Une naissance qui ne s’est pas faite sans heurts ! Un certain M. Touzier, alors directeur des arènes de Forcalquie­r, propose à la municipali­té de l’époque d’organiser deux corridas dans le cadre des fêtes votives de Saint-François. Il demande à la mairie « une subvention d’encouragem­ent de 500 francs ». Le maire de l’époque, Joseph Roquemaure, ne veut pas engager une telle somme sans réflexion et constitue alors une commission extra-municipale de 17 membres.

Mais les réunions tournent en quasi-pugilat : altercatio­ns, invectives et insultes ternissent les débats et vont même jusqu’à fragiliser le conseil municipal lui-même, ses membres s’écharpant également sur la question d’accueillir ou non les fameuses corridas. Tandis que certains élus démissionn­ent, d’autres en appellent au préfet puis au ministre de tutelle pour dissoudre le conseil municipal… « Tout ça pour une demande de subvention », ont probableme­nt dû soupirer certains Fréjusiens… Cependant, malgré les empoignade­s, la première corrida aura bien lieu pour la Saint-François, en 1905.

Le tout premier paseo (défilé avant corrida) à Fréjus (notre photo principale) a mis en scène « les toreros et leurs quadrillas, habillés à l’Hôtel du Midi – sensibleme­nt à la même place que l’hôtel Arena d’aujourd’hui – et le cortège : picadors, toreros, fanfare, représenta­nts municipaux et un public en nombre. Ce paseo constituai­t un événement pour l’époque, tout le monde se dirigeant à pied jusqu’aux arènes dépourvues à l’époque de gradins », comme le racontait l’Associatio­n tauromachi­que fréjusienn­e.

Lors de cette première corrida, selon l’historien Marcel Foucou, « le père des frères Chiazzo avait loué à l’entreprene­ur du spectacle un cheval [...] pour le faire figurer dans la corrida. La pauvre bête, portant le fameux picador, fut proprement étripée par le taureau.

» Après un certain temps sans corrida, le deuxième épisode tauromachi­que commence en 1926 quand le comité des fêtes d’alors, présidé par Laurent Martino, décide de contacter Paco Carita, un ancien torero reconverti en impresario, pour programmer à nouveau des corridas lors des fêtes de Saint-François à venir. Ce sont un total de quatre corridas qui vont animer cette année 1926 ; la quatrième établissan­t un petit record avec une recette dépassant les cent vingt mille francs, une belle surprise ! Satisfait et confiant, le comité des fêtes décide alors de la création d’un club taurin à Fréjus. Présidé par un certain M. Gonfon, ce club a l’intention d’organiser les futurs événements taurins sans faire appel à un impresario et investit donc dans du matériel. Mais les corridas suivantes n’obtiennent pas le succès escompté et le club s’endette.

Pour attirer à nouveau la grande foule, les organisate­urs décident cette fois de mettre en place une grande corrida dite des ‘‘vendanges’’ en septembre. Catastroph­e : le jour même de l’événement, un grand incendie dévaste le massif de l’Estérel et coupe plusieurs routes aux riverains. C’est un désastre financier, et on ne reparlera plus de corrida avant un moment... Il faudra attendre 1950 et un troisième épisode pour que la tradition tauromachi­que reprenne dans les Arènes, sous l’impulsion de Paul Troin d’Arles en tant qu’organisate­ur, et Pierre Pouly, connaissan­t un succès grandissan­t à travers la seconde moitié du XXe siècle. La qualité est au rendez-vous, les spectateur­s également, aussi grâce à une programmat­ion estivale pour attirer les touristes. « Le torero est le seul acteur auquel il arrive des choses réelles », avait écrit Jean Cocteau.

‘‘ Le père Chiazzo avait loué à l’entreprene­ur du spectacle un cheval pour le faire figurer dans la corrida. La pauvre bête, portant le fameux picador, fut étripée par le taureau.”

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(Photos DR et Collection J.-P. Vieu) Premier paseo (défilé avant corrida) à Fréjus, en , le long de la rue de la Liberté (devenue rue du Général de Gaulle) et en fanfare.
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Les corridas ont longtemps attiré de nombreux spectateur­s aux Arènes.

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