Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Stéphanie Hochet sur la piste des kamikazes japonais

Son dernier roman, Pacifique, concourt au Prix des lecteurs du Var 2020, dans la catégorie adulte. L’ouvrage aborde, en poésie, les réflexions d’un jeune pilote « volontaire » au suicide en 1945

- T. G.

Vous n’aviez jamais écrit sur le Japon. Qu’est-ce qui vous attire vers cette nouvelle culture ?

J’aurais jamais eu l’idée d’écrire ce livre sur le Japon – un territoire assez étrange et inconnu pour moi – si je n’avais pas découvert l’histoire des kamikazes japonais, ces jeunes gens de  ans qui étaient envoyés malgré eux à la mort en . C’est la thématique de cette jeunesse sacrifiée qui m’a attirée.

Avec le personnage du kamikaze, vous vouliez décrire un « malgré lui » ?

La résistance était tout simplement impossible dans cette armée-là. Mais quand on regarde les lettres des jeunes pilotes à leurs parents, ils étaient effondrés et partaient avec la mort dans l’âme. Pas en se disant « je vais devenir un héros » .Il y a eu des fanatiques dans les rangs de cette armée, mais j’ai choisi de prendre le cas de quelqu’un de complexe et de parler d’un personnage à la fois assez nationalis­te pour aller jusqu’au bout, et en même temps intelligen­t pour pouvoir douter et ne pas être dans la haine. Je l’ai saisi au moment où il a rendezvous avec sa propre mort. Pour construire ce personnage, je me suis approché le plus possible de l’écrivain Yukio Mishima, qui est lui aussi est une sorte de samouraï échoué au milieu du XXe siècle.

C’est votre livre. N’est-ce pas épuisant de se lancer dans un sujet différent à chaque fois ?

J’ai arrêté de compter… Il faut que je reparte avec un challenge. J’ai besoin d’explorer, de défricher. Le risque de rester sur le même sujet c’est l’épuisement. Commencer un roman est toujours une prise de risque. Entre chaque livre, il y a ce moment où mon cerveau est en jachère. Je tâtonne et dès que j’ai trouvé quelque chose, je me lance. Ça m’est arrivé d’abandonner des projets d’écriture. Pacifique est un livre que j’ai commencé il y a quatre ans, c’est le livre qui m’a pris le plus de temps.

Et pourtant, il fait  pages à l’arrivée !

Il ne faut pas juger un livre au nombre de pages... Mon écriture est très concentrée. Je suis opposé aux phrases telles que « Il ferma la porte. » qui ne servent à rien. J’essaie de fabriquer un texte le plus exigeant et le plus précis possible. Je n’ai jamais écrit des épopées, ce n’est pas mon affaire. Prenez le Coup de grâce de Marguerite Yourcenar, c’est très court mais c’est un chef-d’oeuvre.

Le thème de la mort et de la beauté transparaî­t dans votre écriture même de

Pacifique... Le vocabulair­e qui a été utilisé par l’armée pour mobiliser ces jeunes gens. Il est volontaire­ment très poétique. On les appelle les « fleurs de cerisiers » parce qu’ils allaient mourir au paroxysme de leur jeunesse. On les a appelés les « chrysanthè­mes flottants » aussi. Tous ces termes volontaire­ment très poétiques ont pu donner cette couleur-là au texte. Ils cachent une violence terrible. L’empereur du Japon, Hirohito, apprenant le succès des premières missions de kamikazes les a salués en les appelant des « étoiles tombées du ciel ». C’est presque une érotisatio­n de la mort, c’est fascinant. Nous, en Europe, nous avons connu l’embrigadem­ent et les armées fascistes, mais on n’a jamais eu des termes aussi poétiques pour motiver les troupes.

Commencer un roman est une prise de risque ”

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