Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Pr Caton : « Il y a bientôt urgence si l’on ne réagit pas »
Un médecin reste un médecin. Même sur son lieu de vacances. En villégiature dans sa maison des Issambres, à Roquebrune-sur-Argens, Jacques Caton, chirurgien lyonnais et membre titulaire de l’Académie nationale de médecine, a vu rouge au moment de se rendre sur des marchés en extérieur. De jour de comme de nuit, la proximité et l’afflux de personnes démasquées, même dans ces lieux de plein air, l’inquiète. Le membre de la cellule Covid19 au sein de l’institution médicale appelle à la vigilance de chacun et à la responsabilité des maires. Dès le 22 avril, soit trois semaines avant le déconfinement, l’autorité scientifique avait déjà appelé au port du masque « grand public », dès la sortie du domicile. S’il est désormais obligatoire de se couvrir le nez et la bouche dans un lieu public clos, le médecin conseille d’en faire de même en extérieur, «làoùla distanciation physique n’est pas possible ». Si la conscience de chacun devrait automatiquement pousser à le faire, il incite tout de même les maires des villes à grande affluence touristique à prendre des arrêtés municipaux en ce sens. Fin mai, celui de Strasbourg qui «imposait le port du masque dans l’hypercentre de la ville », avait été suspendu par le tribunal administratif, au nom du respect de la vie privée. Depuis, les maires d’Épinal (Vosges), Quiberon (Morbihan), La Rochelle (Charente-Maritime), Le Grau-du-Roi (Gard), entre autres, sont revenus à la charge « La situation n’est plus la même qu’au déconfinement. Il y a bientôt urgence si l’on ne réagit pas », alerte le médecin.
En quoi le non-port du masque dans une manifestation publique extérieure est un problème ?
Il y a une concentration de personnes dans un même endroit. C’est dans ces situations que le virus prolifère. Même si l’on ne discute pas avec le vendeur ou une autre personne. Et encore, je ne parle pas des commerçants qui échangent avec du monde sans le porter. On ne connaît pas l’état de contamination des individus que l’on croise.
Dans un restaurant en terrasse, ou sur la plage, il n’est pas obligatoire pourtant…
Les clients ne bougent pas une fois assis. Dans un marché, ils passent entre les stands, voire s’agglutinent côte à côte pour regarder un bijou ou une grappe de tomates. Il est très difficile de faire respecter les règles de distanciation. Donc, il faut se masquer. C’est la meilleure défense contre la pandémie.
Observez-vous un relâchement généralisé ?
Oui. Et il peut se comprendre. Les gens sortent d’un long confinement, c’est le temps des vacances. Mais il faut vivre avec le virus. Et donc continuer à respecter les gestes barrière. Concilier vacances et prévention. Le relâchement de la population est préjudiciable à tout le monde, y compris à elle-même.
Quelle est la solution ?
J’appelle les maires à rendre obligatoire le port du masque sur les marchés extérieurs. Quitte à installer des barrières et faire appel à la police municipale ou des agents de sécurité pour filtrer l’entrée. Ils réclament de la décentralisation, ils ont une occasion en or d’en user. C’est le cas pour celui de la place des Lices à SaintTropez, qui impose le port du masque. Si rien n’est fait, que la population ne prend pas conscience de la situation et les maires ne prennent pas leurs responsabilités, je suis inquiet pour les semaines à venir. On ne peut pas regarder passivement la résurgence des indices d’une aggravation de l’épidémie. Tous les indicateurs sont à l’orange, comme l’augmentation du nombre d’hospitalisation en réanimation et le R supérieur à .
() Et si on reconfine, ce sera un drame économique absolu. Il faut que tout le monde en soit conscient.
Avec un masque obligatoire dans les lieux clos, mais aussi en extérieur, les familles vont en porter presque tout le temps. C’est une charge financière importante pour certaines. Comprenez-vous qu’un choix contraint puisse être fait ?
Il en va de la santé de chacun, donc non pas tellement. Par contre, le masque à usage unique est beaucoup trop cher. Le plafond à , euro l’unité est trop élevé. Désormais, il est considéré comment un médicament que l’on prend en amont ou par précaution. Sur les médicaments, on ne fait pas de bénéfice. Sur les masques, c’est pareil. Le prix maximal à l’unité doit être baissé de moitié.
1. Le taux de reproduction du virus. L’indicateur étant supérieur à 1, cela signifie qu’une personne infectée en contamine une autre et que par conséquent l’épidémie progresse en France.