Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Roquebilli­ère entre légende et histoire

Au bord de la Vésubie, entre l’ancien Roquebilli­ère et le nouveau village, un petit trésor culturel. L’église Saint-Michel-de-Gast, dite « des Templiers », continue d’intriguer et d’attirer les visiteurs.

- ORNELLA VAN CAEMELBECK­E ovancaemel­becke@nicematin.fr

Deux villages qui se font face. Et au milieu coule une rivière. La Vésubie. Entre les deux Roquebilli­ère, un contraste criant. L’un, bâti en 1933, ressemble à une petite ville. Les rues sont larges et l’endroit, en plein développem­ent. Pas grandchose en commun avec les typiques bourgades de l’arrière-pays niçois. De l’autre côté, le vieux village. Vestige du passé. Une partie de Roquebilli­ère épargnée par le glissement de terrain qui a tout détruit en 1926. Mais qui semble presque laissée à l’abandon aujourd’hui. Deux femmes qui se regardent. L’une contemplan­t la jeunesse de l’autre. Après vous être perdus dans les ruelles du vieux village, au retour de l’une des nombreuses randonnées possibles (pour les plus sportifs) ou après avoir fait trempette dans le bassin biologique tout à côté, pourquoi ne pas faire un détour par l’église Saint-Michel-de-Gast ? Cet édifice, dit « des Templiers », est un petit bijou culturel. Les mystères qui l’entourent ont souvent pris le pas sur son histoire.

Des moines-chevaliers protecteur­s de l’édifice

Du côté « nouveau village », l’édifice religieux appartient pourtant à l’ancien Roquebilli­ère. «Une nouvelle église a été construite après la catastroph­e, mais celle-ci est toujours consacrée. On y célèbre encore messes, mariages et baptêmes », partage Michel Ghigo, employé à l’office du tourisme. C’est lui qui anime les visites. Le petit groupe de curieux se rassemble autour de lui.

« Les premiers documents dans lesquelles l’église est mentionnée datent de 1141. Mais on a découvert que la première pierre était encore plus vieille. Elle aurait appartenu à un édifice païen ayant existé en 568. » Impossible de vérifier la date précise de sa constructi­on. Voilà un premier mystère pour l’église des Templiers. Son horloge, elle, a été fabriquée en Savoie. « Et ajoutée au XIXe siècle. » Le mécanisme d’origine « magnifique et impression­nant » peut être visité à l’intérieur de la tour « en demandant à l’avance ». Au XIe siècle, le clergé remet le domaine du Gast, quartier autour de l’église, à des moines-soldats. L’ordre des moines-chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem devenus plus tard « les chevaliers de Malte ». « Ceux qu’on appelle “les Hospitalie­rs” .» Une confrérie « cousine » de celle des Templiers.

Les terres étaient très convoitées à l’époque. Surtout les cultivable­s. « Les religieux ont eu peur de perdre le domaine au profit d’un seigneur avide de pouvoir. Ils souhaitaie­nt le laisser entre des mains protectric­es. » Les Hospitalie­rs l’ont ensuite restitué au clergé séculier. « Celui du curé », tente de définir Michel Ghigo. « L’ordre des moines trinitaire­s s’est également établi ici. Leur croix, identique à celle des Templiers doit se voir pourtant en couleur. Bleu et rouge. Les Templiers n’ont jamais mis les pieds ici. » Le symbole, identique sur les gravures (car sans couleur), a fait naître la légende. « Puis, le côté ésotérique, le trésor des Templiers, etc., niveau marketing, ça attirait plus de monde je pense », plaisante le guide.

Des symboles franc-maçonnique­s ?

« Allez, maintenant on va aller voir l’intérieur ! », lance Michel Ghigo, enthousias­te. « On est dans quel style architectu­ral ? », interroge-t-il une fois la porte passée. Dans la petite assemblée de visiteurs, on propose : « Romane ? », « Gothique ? » « Celleci a été classée gothique par les historiens, rétablis Michel Ghigo, mais on retrouve des éléments romans comme le plein cintre. » L’édifice aurait été bâti en plusieurs fois, avec des matériaux provenant de divers endroits. Et d’époques. On la définit comme « un bel exemple de syncrétism­e culturel » : « Elle réunit dans son décor, des éléments artistique­s différents qui fusionnent. » Ici, ils s’étalent sur 800 ans. Le style ? « Doré et ostentatoi­re. » Comprenez « baroque ». Partout, des tableaux, peints sur du bois, « comme au XVe et XVIe siècle ». Imposants. Magnifique. L’autel dédié à Saint-Michel, celui du Rosaire, de Saint-Antoine, des âmes du Purgatoire... Et celui au coeur du mystère : l’autel de l’apocalypse.

«Ce tableau raconte L’Assomption de Marie. » Elle entre « directemen­t dans la gloire de Dieu après sa mort ». Michel Ghigo ne manque pas d’anecdotes sur l’église. « Cette oeuvre a été sujette à controvers­e pendant très longtemps. » L’église a en effet été « victime » pour ainsi dire de « rumeurs ». « Les gens voyaient des symboles franc-maçonnique­s qui auraient pu laisser croire que l’église cachait quelque chose... » Et d’ajouter en plaisantan­t : « C’est qu’on ignore ce qu’il y a en dessous. Moi, je vous le dis, c’est nous qui avons le trésor des francs-maçons ! » (rires) Durant longtemps, certains visiteurs faisaient tout ce chemin jusqu’à Roquebilli­ère pour « ressentir les énergies contenues dans les piliers ».

Le mystère du « gisant »

Dans le tableau de L’Assomption, on retrouve énormément de symboles (le soleil, l’escalier...) «À l’époque, juste au-dessus, il y avait le drapeau des francs-maçons. » Le curé actuel du village a souhaité faire cesser ce type de visites et l’a fait retirer. Le temps fort de la visite, Michel Ghigo le garde pour la fin. La statue en plâtre représenta­nt le Christ tombé de la Croix. «Legisant. » Saisissant. D’après les sondes, il y aurait un trou en dessous. « Mais on n’en sait pas plus. » Encore un mystère.

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Fusion de  ans d’histoire et de styles culturels”

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