Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Malgré la tragédie, Gênes ne s’est jamais arrêtée »
Quel est votre sentiment à quelques jours de l’inauguration du nouveau pont de Gênes ?
Je suis ému. En moins de deux ans, nous avons réussi à mettre sur pied un pont à trois voies, dont une voie d’urgence. En Italie, au gouvernement, on parle du « modello Genova » (modèle de Gênes). Le commissaire à la reconstruction mandaté par le décret de Gênes et le maire ont travaillé de concert, en essayant toujours d’avoir un plan B en cas de difficultés ou d’imprévus. Ces travaux ont permis à Gênes d’avoir une résonance internationale. De plus, ces travaux vont pouvoir servir de modèle dans d’autres endroits en Italie.
Comment la ville de Gênes a-t-elle vécu ces deux années de travaux ?
Il y a eu plusieurs étapes qui ont marqué la ville après la tragédie du pont Morandi. D’abord, il a fallu mettre en sécurité toutes les personnes qui avaient perdu leur habitation avec l’écroulement du pont. En un temps record, tout le monde a retrouvé un toit, personne n’a dû vivre dans des containers, pour nous c’est une grande satisfaction. Ensuite, il y a eu la démolition du pont. Sa reconstruction est pour nous une renaissance.
Quelle a été la grande difficulté ?
Au niveau de l’organisation, ça a été très compliqué. Depuis sa construction en , le pont Morandi reliait les deux parties de la ville. Nous le prenions tous en voiture, moi-même, j’ai grandi avec. Tout à coup, nous nous sommes retrouvés privés de cet axe de jonction sans que cela soit arrivé nulle part ailleurs. Nous ne pouvions nous appuyer sur aucune expérience similaire. À l’époque, en plus, j’étais adjoint à la mobilité, il a fallu tout repenser, rapidement, pour impacter le moins possible les habitants. Nous avons tracé des trajets alternatifs en nous penchant sur les cartes de la ville. Nous avons également séparé les voies empruntées par les transports de marchandises et les Génois. Des transports alternatifs ont été proposés aux habitants, notamment aux enfants pour se rendre à l’école.
Comment les Génois ont-ils réagi ?
Les Génois ont fait preuve d’une grande patience. Nous sommes un peuple fort, nous avions déjà connu des moments très durs comme les inondations de . Je crois que les gens ont apprécié que nous ayons travaillé, la ville, la région et l’État, sans faire de politique. Tout cela n’était pas une vaste opération de communication et je crois que ça a beaucoup rassuré et touché les gens.
Comment qualifieriezvous la situation à Gênes pendant cette crise ?
Malgré la tragédie du pont Morandi, la ville ne s’est jamais arrêtée ; je dirais que c’était une ville pas arrêtée, non, mais ralentie. Il faut dire que Gênes est le premier port d’Italie, elle estàlafoisunlieude confluences et de passage pour les touristes comme pour le fret. Elle est d’une importance primordiale pour tout le nord de l’Italie.
Quel a été le moment le plus émouvant pour vous ?
Pendant les travaux, nous avons rouvert une route pour permettre aux Génois de passer et tenter de désengorger le trafic, à flux tendu depuis l’effondrement. Quand j’ai vu les premières voitures passer, j’ai eu les larmes aux yeux.
Quelle ville les Français peuvent-ils s’attendre à retrouver ?
Nous avons de nombreux projets de requalifications notamment du centre historique. On est train de travailler à la requalification d’un immeuble près de la gare maritime. Il y a aussi de grands événements attendus comme l’Ocean Race. Nous voulons relier le port à la ville.
Quel adjectif vous vient à l’esprit pour qualifier les Génois à deux ans du drame ?
Un mot actuellement à la mode et que d’ordinaire je n’aime pas trop mais qui illustre ce que nous traversons : résilience. Les Génois sont très résilients. Gênes, ville ouverte sur la mer, est habituée depuis tout temps à se confronter au monde. Ce côté changeant de la ville nous aide à nous adapter et surmonter les épreuves.
Les Génois sont très résilients”