Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Deux mois sous la tente... à 35 m au-dessus des flots

En 1988, Gérard Violeau a passé 61 jours dans une tente suspendue entre les deux rochers, à plus de 35 mètres de hauteur ! Retour sur un stupéfiant record… et ses zones d’ombre

- MA. D. mdalaine@nicematin.fr

L’histoire ne dit pas si le « record du monde » de Gérard Violeau a été battu, voire s’il le sera un jour. En fait, l’histoire est loin de tout dire pour qui cherche à l’exhumer 32 ans après les faits. Quelques lignes et photos dans le journal local, autant dans le magazine municipal, un encart dans une publicatio­n militaire, une brève dans une gazette belge en langue allemande (1) et des Seynois qui se souviennen­t vaguement d’un exploit qui avait fait causer à l’époque… et plus du tout ensuite. Ce qu’a réalisé Gérard Violeau à l’été 1988 tient pourtant de la prouesse : à 45 ans, cet ancien commando de la Marine nationale est resté 61 jours dans une tente suspendue à 35 mètres de hauteur, entre les rochers des Deux Frères ! Dans quel but ? Difficile à dire sans les éclairages du protagonis­te, dont plus grand monde ne semble avoir de nouvelles aujourd’hui.

Le facteur est venu en bateau

« C’est son goût de l’aventure qui l’a conduit à récidiver puisque du 1er au 10 avril 1981, il avait déjà vécu dans des conditions identiques » écrit Gabriel Jauffret dans Cols Bleus, après avoir rappelé que l’intrépide a servi aux commandos Trepel, Jaubert et Penfenteny­o. « Il faisait ce séjour pour tester des aliments déshydraté­s fabriqués par une firme alimentair­e pour des expédition­s lointaines », se plaisait à raconter, de son côté, le regretté Serge Malcor. L’intéressé aurait, lui, simplement confié qu’il tenait à prouver « qu’on peut rester en très bonne forme, faire preuve d’humour et vivre dans la gaieté ». Pourquoi pas. Une chose est sûre : en cette fin des années 1980, même sans réseaux sociaux, la tentative acrobatiqu­e du militaire ne tarde pas à créer le buzz. Sur le littoral de la deuxième ville du Var, on se presse en canot ou en pédalo pour observer de plus près ce naufragé volontaire. Les jours s’écoulent et, malgré une météo taquine, il ne lâche rien. Clou du spectacle : un matin, le facteur arrive à bord de l’embarcatio­n des pompiers pour lui remettre la lettre d’un ex-marin qui, dit-on, tient à l’encourager depuis la Vendée ! « Elle porte pour seule adresse “Gérard Violeau, rocher des Deux Frères” », narre Gabriel Jauffret. La missive sera tractée avec une corde par le destinatai­re. À l’issue de son expédition aquatico-aérienne, près de deux mois après avoir « planté » sa tente au-dessus du vide, le Seynois reçoit la médaille de la Ville des mains du maire Charles Scaglia. Un « record du monde » de camping aérien est évoqué… sans que l’on sache si un évaluateur du Guinness book a jamais fait le déplacemen­t du côté des Sablettes pour valider la « marque ».

Un héros très discret

« Fou » pour les uns, « courageux et héroïque » pour d’autres, Gérard Violeau a laissé un souvenir diffus. Aujourd’hui, l’évocation de cet habitacle suspendu entre les rochers les plus photograph­iés de l’aire toulonnais­e entraîne, au choix, sifflement­s d’admiration ou tendres moqueries. Quelques « pescadous » parlent même d’un exploit légèrement galvaudé et d’un « héros » qui aurait eu tendance, à la nuit tombée, à rejoindre la terre ferme chaque fois que le vent s’emballait. Mais pour Marc Quiviger, ancien adjoint à la culture, le fait d’armes est « incontesta­ble ». Pas ceux qui devaient suivre. Dans son ouvrage Quelle époque épique! , Yolaine de La Bigne affirme pourtant que Gérard Violeau avait déclaré « àson retour au port qu’il recommence­rait l’été prochain. » Pour battre son record, évidemment. Gabriel Jauffret, lui, mentionne à l’automne 1988 la perspectiv­e d’un « saut exceptionn­el »,« depuis une hauteur de cent mètres, sans élastique, sans parachute » avec juste un « énorme ballon gonflé » pour se recevoir ! Aucune trace de cette folie. « En réalité, il était très déçu qu’il n’y ait pas davantage d’échos à sa performanc­e », avance Marc Quiviger. Une manière d’expliquer pourquoi, à son corps défendant, Gérard Violeau a totalement disparu de l’actualité locale.

1.Tous ces documents sont consultabl­es sur l’excellent site de l’historien local JeanClaude Autran : http://jcautran.free.fr/

 ?? (Photo DR) ?? Ces trois photos sont extraites du bulletin municipal (La Seyne Magazine )de juillet-août .
Ci-dessus : Gérard Violeau pose quelques heures avant de rejoindre sa tente
suspendue à plus de  mètres entre les Deux Frères. « Un habitat précaire qui dut résister plusieurs jours à un mistral dont les rafales dépassaien­t parfois les  km/h » est-il écrit.  En haut à droite : Gérard Violeau remonte son courrier à l’aide d’une corde. À côté de sa tente, un trapèze lui permet de faire de l’exercice physique.  En bas à droite : après  jours, Gérard Violeau reçoit la médaille de la ville des mains de Charles Scaglia, maire de l’époque.
(Photo DR) Ces trois photos sont extraites du bulletin municipal (La Seyne Magazine )de juillet-août . Ci-dessus : Gérard Violeau pose quelques heures avant de rejoindre sa tente suspendue à plus de  mètres entre les Deux Frères. « Un habitat précaire qui dut résister plusieurs jours à un mistral dont les rafales dépassaien­t parfois les  km/h » est-il écrit.  En haut à droite : Gérard Violeau remonte son courrier à l’aide d’une corde. À côté de sa tente, un trapèze lui permet de faire de l’exercice physique.  En bas à droite : après  jours, Gérard Violeau reçoit la médaille de la ville des mains de Charles Scaglia, maire de l’époque.
 ?? (Illustrati­on M.Q.) ?? Après son record, Gérard Violeau a dédicacé une carte postale à Marc Quiviger, alors adjoint à la culture. Au verso, on peut y lire ces quelques lignes, de la main du naufragé volontaire : «  jours entre ciel et mer à proximité du cap Sicié, aventure originale et expérience de survie. »
(Illustrati­on M.Q.) Après son record, Gérard Violeau a dédicacé une carte postale à Marc Quiviger, alors adjoint à la culture. Au verso, on peut y lire ces quelques lignes, de la main du naufragé volontaire : «  jours entre ciel et mer à proximité du cap Sicié, aventure originale et expérience de survie. »
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 ?? (DR) ?? La Une du Cols Bleus de septembre  qui relate l’exploit du « premier-maître fusilier marin commando du cadre de réserve ».
(DR) La Une du Cols Bleus de septembre  qui relate l’exploit du « premier-maître fusilier marin commando du cadre de réserve ».

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