Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Centre et Haut Var : les « locaux » à la découverte de leur région
Les professionnels, qui ont longtemps craint une saison « gâchée », sont aujourd’hui rassurés. Certes, les étrangers sont discrets, mais une nouvelle clientèle, locale, a largement pris la place
Routes et villages peuvent sembler calmes, en ce milieu d’été. Il faut attendre les débuts de soirée pour constater qu’il y a en fait beaucoup de monde dans l’intérieur des terres, mais que, températures caniculaires obligent, on préfère se « cacher » en journée et profiter du frais pour sortir et s’installer en terrasse. Partout ou presque, c’est le même constat : « On a attaqué juillet doucement, puis, après la première semaine, on n’a plus eu le temps s’asseoir », témoigne un propriétaire de bar. Dans son village du Haut Var, la terrasse, ombragée, accueille des dizaines de clients dès le matin, pour le petit-déjeuner, jusqu’à minuit, où les derniers verres de Spritz partent rejoindre le lave-vaisselle afin d’être prêts à réattaquer le lendemain. Les serveurs et serveuses, masque collé au visage, peinent à suivre le rythme. Le patron, qui assure parfois l’ouverture et la fermeture, avoue ne dormir que 4 ou 5 heures par nuit, maigre coupure à laquelle vient s’accoler « une petite sieste, quand c’est possible »…« Mais c’est le taf, hein… On ne va pas se plaindre, surtout cette année… »
« On fait une très, très bonne saison »
À l’instar des sites naturels pris d’assaut, particulièrement ceux où coulent rivières et ruisseaux (lire en page 4), le lac de Sainte-Croix connaît une saison « exceptionnelle ». Un restaurateur de Bauduen le confirme : « Ça marche super bien, on a un monde de dingues… » Un ballet incessant de crêpes, grillades, salades, glaces et gaufres sort de la cuisine pour aller se faire engloutir sur la terrasse. « Franchement, on a eu peur au début, mais là, on est en train de faire une très, très bonne saison. » Dans la voix, la fatigue dispute la place au soulagement et à l’appréhension de « subir » un mois d’août qui s’annonce tout autant chargé. Pour le meilleur.
« On a perdu les Hollandais »
Presque une mer intérieure, dans laquelle se jette le haut Verdon, qui sort de ses célèbres gorges, le lac de Sainte-Croix et ses eaux turquoise ont toujours attiré des touristes venus de toute l’Europe. Pourtant, cette année, si les professionnels font « le plein », la clientèle n’est pas du tout la même que d’habitude. Comme partout en centre et Haut Var, les étrangers manquent largement à l’appel. « Normalement, juillet, on dit que c’est “le mois des Hollandais”. Après vient août, durant lequel ce sont majoritairement des Français », explique un loueur de matériel nautique installé sur la base des Salles-sur-Verdon. « Là, on a presque perdu les Hollandais et les Anglais. Il y a encore quelques Allemands. Les Belges (dont un bon nombre possède une résidence secondaire et vit en France quelques mois par an, Ndlr), sont, eux, fidèles au poste. » L’activité de location de pédalos, kayaks et voiliers est telle que l’entreprise a dû revoir son système de réservation : dorénavant, pour avoir le droit de barrer, pédaler ou pagayer, il est préférable de passer par un site web pour déposer une demande. « Sinon, sur place, on ne s’en sortait pas. » Du jamais vu.
Les Français sont restés
Que ce soit dans les bars, les restaurants, les campings ou les pédalos, on retrouve la même clientèle « nouvelle », venue compenser les absences européennes : « Ona énormément de Français. » Tous expliquent cela simplement : « Les gens ont préféré rester plutôt que d’aller au Maghreb ou même en Italie ou Espagne… »
Covid « aidant », les vols ont été plus difficiles à réserver. Le risque sanitaire a, bien évidemment, été dissuasif. Pourtant, il faut aussi envisager que, pour préserver les finances familiales, souvent mises à mal par une période d’inactivité durant le confinement, beaucoup ont préféré des vacances « raisonnables », parfois même organisées en petites sorties autour du domicile. Exit, donc, les vols low cost, place aux vacances en France.
Certains découvrent leur département
« On accueille pas mal de gens qui vivent tout à côté d’ici. Nice, Toulon, Marseille… Certains n’avaient jamais mis les pieds dans le centre ou le Haut Var ! J’ai même rencontré des Dracénois qui ne connaissaient pas les gorges du Verdon ! », s’amuse un restaurateur. Avantage supplémentaire pour nombre de professionnels : cette clientèle, qui découvre son environnement immédiat, en est le plus souvent étonnée et… charmée. « Ce sont très probablement des gens qui vont revenir plusieurs fois dans la saison, voire après. Qui vont sûrement avoir envie de faire découvrir leur trouvaille à des amis… Pour nous, c’est la garantie de réussir une arrière-saison convenable », espère le restaurateur.
Du calme, loin des villes
Avantage de taille, pour les villages du centre et Haut Var : si on y fait respecter les distances et les gestes sanitaires comme partout ailleurs, l’ambiance est, de l’avis des visiteurs, beaucoup plus détendue que dans les villes de la côte. « Je viens de quitter Nice. Je suis dans un petit village, à la table d’un joli restau, sur une place, sous les arbres… Franchement, je crois que je vais rester là », affirme une jeune femme à son téléphone. Autour d’elle, Cotignac et son cours Gambetta sont animés des jeux des enfants et des conversations des convives, installés sur les nombreuses terrasses. « Je pense qu’il y a moins de monde que d’habitude », tempère un habitant du cru. Il faut pourtant être vif si l’on veut réussir à attirer l’attention de la serveuse, qui file de table en table pour assurer les nombreuses commandes.
‘‘ On accueille pas mal de gens qui vivent à Nice, Toulon, Marseille… Certains n’avaient jamais mis les pieds dans le centre ou le Haut Var !”
Effectivement, le centre et Haut Var ne connaîtront malheureusement pas les moments festifs et les réunions qui rythment habituellement leur été. Fêtes provençales, festivals et Médiévales sont, pour la plupart, annulés. Et leurs publics ne se montreront pas de la même manière. Mais l’arrière-pays conserve une particularité unique, qui, manifestement, semble tout autant attirer les visiteurs : on y vient pour le plaisir d’y laisser passer la chaleur du jour, sous un arbre, près d’une rivière, ou sur une terrasse. Au calme. En vacances, quoi.