Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ils sont les derniers à faire fleurir des oeillets à Hyères

Exerçant depuis trente-cinq ans, en continuité de l’activité de ses parents, Gil Sallès et son épouse Laetitia croient en des lendemains qui chantent pour l’oeillet qui a souffert de mauvaise réputation

- SYLVAIN MOUHOT

Exception à la règle, Gil Sallès n’est pas né dans un chou mais dans les fleurs. Son grandpère Méliton, métayer dans les années 1950, fut à l’initiative des Floralies à Hyères. Son père Émile avait toujours le nez planté dans ses oeillets, lys et statices, une fleur champêtre qui peut être séchée. Lui-même a commencé à vendre la production familiale en porte à porte, dès l’âge de sept ans. Et puis, après dix ans à travailler à côté de son papa, Gil Sallès a été tenté de ne plus faire que du lys. « Mais après réflexion, j’ai gardé l’oeillet. Sur les conseils de M. Coulomb notamment, j’ai pris le pari que l’oeillet repartirai­t. »

L’oeillet avait le mauvais oeil

Dans ce riche bassin horticole hyérois, qui fait toujours de la ville la capitale de la fleur coupée avec la présence du marché aux fleurs, la pivoine est aujourd’hui reine. Elle a tout grignoté en part de marché, au détriment des, glaïeuls, oeillets, roses. Seules les anémones et renoncules résistent. « C’est dommage parce que je pense que toutes les fleurs ont droit de cité », appuie Gil Sallès, dernier producteur d’oeillets à Hyères depuis environ cinq ans. Ancienne fleur du deuil, censée portée malheur, l’oeillet avait le mauvais oeil. « Il y a trente ou quarante ans, l’oeillet était pourtant la pivoine d’aujourd’hui. Mais la présence d’un champignon a changé la donne. Puis les Pieds-Noirs et les Hollandais se sont installés en privilégia­nt d’autres cultures, la concurrenc­e a créé une autre dynamique », reprend Gil Sallès, 55 ans. Il précise : « La grosse qualité de cette profession, c’est que les gens savent s’adapter. Ils sont habitués à vivre à la dure, à l’image des Italiens qui ont traversé les Alpes pour travailler. À Hyères, l’horticultu­re n’a jamais été une grosse cavalerie. Ce sont des artisans qui font du fait main car on ne pouvait pas lutter avec les gros producteur­s étrangers. » Et l’oeillet dans tout ça ? Il retrouve des couleurs, redevient plus glamour. Chaque année, Gil et Laetitia partent en Italie échanger avec les obtenteurs qui créent les variétés, assistent aux essais en laboratoir­e, visitent les serres d’expériment­ation. Le métier a radicaleme­nt changé. « Avant, les producteur­s se contentaie­nt de faire pousser cinq ou six coloris. Cela a bien évolué depuis quinze ans, la palette est plus fournie. La mode de l’art floral et le retour au rétro dans les compositio­ns font que l’oeillet a retrouvé sa place, reprend Gil. On sent bien que cette passion anime les nouvelles génération­s, producteur­s et négociants. » La deuxième vie de l’oeillet devait passer par la qualité.

  tiges par an

Tout en renouvelan­t leurs pratiques, dans l’exploitati­on du traversier du Plan (3 400 m2), les Sallès ont gardé les bacs lourds hors sol qui avaient remplacé la production en pleine terre dans les années 1980. Gil produit 300 000 tiges par an, dont 80 % passent par le marché aux fleurs. Un printemps sur deux, il emploie un saisonnier pour l’arrachage et la désinfecti­on à la vapeur. L’oeillet a deux floraisons, au printemps et à l’automne. « C’est une fleur difficile à travailler, conclut-il. Je me considère comme un marchand de tissu. Laetitia fait le costume. » (Lire en encadré).

 ?? (Photo S. M.) ?? Gil Sallès au milieu de ses   m d’exploitati­on, près de la route de l’Ayguade.
(Photo S. M.) Gil Sallès au milieu de ses   m d’exploitati­on, près de la route de l’Ayguade.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France