Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Le secret d’un voyage réussi, c’est le temps »

Philippe Gougler arpente le monde pour les émissions Des trains pas comme les autres et Faut pas rêver. Cet été, il raconte la France sur Europe 1. Sa marque : la curiosité, la bienveilla­nce et le rêve

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MINARD

Raconter des escapades à la radio (), sans les montrer, n’est-ce pas un peu frustrant pour vous qui parcourez le monde les yeux grands ouverts ?

Non, je suis même très content de faire ça, parce que j’adore raconter des histoires. Les rencontres que l’on peut faire en parcourant le monde constituen­t un vivier infini pour, justement, raconter des histoires. Le vrai pari de cette émission de radio, c’est de faire rêver et travailler l’imaginaire. Nous consacrons la première partie aux régions de France, en rencontran­t des gens amoureux de leur région, et la seconde au monde. La radio est un outil formidable pour stimuler l’imaginatio­n. Je pense donc qu’on peut voyager sans avoir l’image. Les yeux fermés. Cela tombe d’autant mieux que nous intervenon­s après une période où beaucoup de gens ont été enfermés chez eux. Tout le monde a besoin de rêver !

La pandémie semble être un tournant pour l’utilisatio­n de l’avion, et donc pour le tourisme. Ça change quoi pour vous ?

Ça change forcément beaucoup de choses, car nous ne savons pas désormais où nous pourrons aller tourner, quand les frontières vont rouvrir et dans quelles conditions nous pourrons opérer. On va essayer de voyager en respectant toutes les règles sans mettre en danger qui que ce soit. Évidemment, tout ce qui a tendance à refermer les pays ne m’inspire guère, car ce n’est pas en se repliant sur soi qu’on est plus heureux. Bien sûr que le développem­ent aérien nuit à l’environnem­ent, mais encore une fois, qui va juger qu’untel peut se déplacer et pas un autre… Et je ne pense pas que la sélection par l’argent, comme cela se passe déjà sur certains sites, soit une chose juste.

Cette crise sanitaire va redonner envie de découvrir la France ?

Je pense effectivem­ent que ça va déclencher des choses. Plus on voyage loin, plus on découvre que la France est un pays incroyable. Il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde où, tous les  kilomètres, vous changez totalement de paysage, de cuisine, d’accent. Avec toujours une beauté exceptionn­elle !

Votre force, c’est de nous emmener dans des endroits où le tourisme de masse n’aura jamais cours ?

Je ne me positionne pas comme ça.

Nous allons aussi en reportage dans des endroits fréquentés… Jamais je ne me poserai en juge qui décide de qui a le droit de voyager et qui n’a pas le droit ! Donc je confirme que nous allons partout, même là où il y a du monde. À travers nos reportages, l’idée est de définir comment on va au mieux dans ces endroits, en essayant effectivem­ent peutêtre d’éviter les foules, avec de bonnes astuces au bon moment. Quand on va dans des endroits plus rares, mon idée, c’est de dire aux gens : « N’ayez pas peur ! » C’est ma petite mission secrète. Avec un minimum de précaution­s, le monde n’est pas effrayant. Le plus dur, c’est de sortir de chez soi. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est découvrir un endroit avec les gens du cru, à leur rythme. Sans jamais prendre leur place.

Votre envie de partir sans cesse, est-ce la traduction d’échapper aux réalités matérielle­s de notre monde ?

J’avoue que j’ai un peu de mal à rester en place et que je ne suis pas très heureux en confinemen­t. Je suis à peu près en voyage  mois sur . Sans faire de la psychanaly­se de bazar, je pense que je pars chercher comment les gens trouvent le bonheur, comment font les autres. Peut-être parce que je ne l’ai pas trouvé moi-même encore totalement. C’est une quête permanente. Je suis heureux quand j’ai eu l’impression de comprendre comment les autres menaient leur vie, au fin fond de l’Éthiopie par exemple, comment ils avaient trouvé leur équilibre. En découvrant cela, je remplis quelque chose en moi-même et je fais partager à ceux qui nous regardent cette expérience venue du bout du monde.

Jamais il n’y a eu autant d’émissions sur les voyages, les rencontres. Comment vous situez-vous ?

C’est une forme de rythme et c’est prendre le temps de la surprise. Je vais dans des endroits avec l’envie première de faire des rencontres, avec une grande part d’improvisat­ion. Quand je suis dans les trains, je ne mets pas les passagers dans les wagons à l’avance… L’idée est toujours de partager un petit moment de vie et de trouver dans leurs yeux la petite flamme qui s’allume quand ils évoquent ce qui les rend heureux. J’aime trouver le petit secret de bonheur des gens, sur toute la planète, même dans des pays où ce n’est pas évident. Quand je vois quelqu’un au fin fond d’une forêt vierge qui me dit être heureux, j’ai l’impression d’avoir rempli ma mission.

Quelle a été votre plus belle émotion ?

L’émotion des paysages. J’ai ma petite top liste avec à la première place les déserts de Namibie, parmi les plus purs du monde. Sinon, j’adore l’Écosse ! Au-delà du paysage et de l’ambiance, c’est une sensation. C’est un des pays où je suis resté le plus longtemps assis à contempler. Sur l’île de Skye, je suis resté assis cinq heures ! Cela doit venir des pierres et des lumières, mais il y a quelque chose de mystique dans ce pays. L’imaginatio­n travaille à plein. Je crois beaucoup aux rêves, car comme me l’a dit un jour un yogi suisse, ce sont les rêves qui gouvernent la volonté. Mon ADN, c’est le rêve.

Vous avez une vraie passion pour le train ?

Totale ! Quand j’étais gamin, en Franche-Comté, j’adorais aller sur un pont en bas de mon village, au-dessus de la voie ferrée.

Il y avait une grande ligne droite qui filait vers le lointain. Je me demandais toujours ce qu’il y avait après, et je me racontais des histoires. Je pouvais rester là, seul pendant des heures. Quand je prenais le train tôt le matin pour aller au lycée en ville, le train c’était un petit cocon tout chaud, le prolongeme­nt de mon lit. Le train est un moyen formidable pour rencontrer des gens et pour rêver à sa destinatio­n. En cette période de transforma­tion écologique, c’est le moyen de transport idéal.

Qu’est ce qui fait le succès de « vieilles » émissions comme Faut pas rêver () ou Des Trains pas comme les autres ()

? Ce sont des émissions où on prend le temps d’être attentifs à l’autre. Je mets beaucoup d’amour dans ce travail. J’ai un défaut, c’est que je suis lent (rires) ! Dans notre métier, il faut aller un peu vite. Je suis un contemplat­if qui adore la lenteur. Quand j’arrive dans une ville, j’y reste minimum  ou  jours pour comprendre comment elle est organisée. Je pense vraiment que le secret du voyage réussi, c’est le temps. Si j’allais à mon rythme, les tournages dureraient trois mois…

Ce serait quoi aujourd’hui votre rêve de voyage ?

J’aimerais aller dans l’espace. Le Graal total !

1. « Et si on partait ? », Europe 1, du lundi au vendredi, de 16 heures à 18 heures. 2. « Faut pas rêver », France 3. 3. « Des trains pas comme les autres », France 5.

‘‘ Chercher comment les gens trouvent le bonheur ”

‘‘ Le train, c’est le moyen de transport idéal ”

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(Photo Laurent Hazgui)

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