Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La nouvelle vague... The Cure
Au mois d’août 1986 puis en juillet 1989, Robert Smith et sa bande avaient offert deux concerts aussi mystiques que magiques. Entre-temps, ils avaient fait le buzz à Draguignan…
Àla fin des années 80, une nouvelle vague musicale allait singulièrement titiller mes oreilles, jusque-là habituées à écouter du bon et gros son résolument rock’n’roll. Fraîchement arrivée de Grande-Bretagne, la new wave avait submergé le mélomane que j’étais. Toujours en quête de nouvelles sonorités et d’enivrantes mélodies jouées à contre-temps. Histoire de sortir des sentiers battus, de renouveler son répertoire de vieux 33-tours vinyles et opter pour le nouveau look en vogue. En cette soirée du 8 août 1986, le noir était de rigueur. Doc Martens aux pieds, jean ceintré, teeshirt et lunettes noires, dès le matin j’avais demandé à ma précieuse maman de me repasser mes vêtements minutieusement sélectionnés pour aller écouter un groupe aux allures et aux mimiques étranges : The Cure ! Certains de mes amis de l’époque avaient même poussé la coquetterie en se maquillant les yeux avec du fard à paupières, tout en se dressant, bien haut, les cheveux en bataille. Histoire de coller au personnage de l’emblématique leader, Robert Smith. Personnellement, je n’avais pas poussé le vice jusqu’à l’extrême. Et ce, pour deux raisons. D’une, les gros bras de mon quartier m’auraient certainement pris en grippe pour le reste de ma post-adolescence. De deux, lorsque j’ai vu des hordes de fans en mobylette, coiffés comme des dessous-de-bras être contraints de mettre le casque à la demande des forces de l’ordre, tout en éclatant de rire je me suis dit que j’avais gagné du temps devant mon miroir. D’autant que l’essentiel consistait bien à jauger ce que Smith et consorts avaient dans le ventre. Car loin des arrangements mélancoliques en studio, le live était, à mes yeux, le meilleur révélateur pour les consacrer officiellement au panthéon des groupes mythiques qui ont enflammé les Arènes. « Bonsoir Fréju… ». Lorsque dans un halo de fumée rouge-rosée est apparue la silhouette, légèrement boudinée, de ce petit bonhomme aux cheveux ébouriffés, j’ai tout de suite compris que ça allait balancer. Et quand Gallup, à la basse, a commencé à envoyer ses gammes pour le premier morceau Shake dog shake, bien à mon insu, les frissons m’avaient aussitôt envahi.
Un, non, plutôt deux concerts d’anthologie
Mystique, envoûtant, intriguant mais ô combien génial, que l’on aime ou pas la new wave ou le gothic-rock selon les tendances, ce soir-là The Cure avait mis tout le monde d’accord en réalisant une performance d’anthologie. Si les “cigarettes artisanales” mal roulées sont passées de main en main sur les incontournables Charlotte sometimes et Kyoto song, mes nouveaux pas de pogoteur néophyte s’étaient déployés dès les premiers accords de A Forest. De toute façon, je n’avais pas le choix tant la fosse, où j’étais en première ligne, chavirait par vagues successives, de droite à gauche et de haut en bas. Ce nouveau son underground m’avait littéralement subjugué. Au point de tenter une incursion dans les backstages à la fin du concert, avant de me faire refouler de manière correcte mais assez virile. Si je n’avais pas eu l’autographe de mes idoles d’un soir, en revanche, avec mon copain JeanLuc, nous avions pris les contacts des imprésarios du groupe anglo-saxon. Complètement habités par cette nouvelle vague musicale, l’année d’après, Jean-Luc et moi avions franchi le pas en organisant notre premier festival au théâtre romain de Fréjus. Dans la mouvance dark wave, nous avions programmé, les 1, 2 et 3 août 1987, neuf groupes répartis sur trois soirs de concerts, avec notamment “Dead Can Dance” en tête d’affiche. Le premier et dernier festival humblement baptisé Veni, Vidi, Vici, avait même été élu, sous la plume de Lionel Rotcage, “Meilleur festival de l’été 87” par le journal Libération. Mais bon, n’est pas Bob Geldof qui veut… Après avoir mis quelques années à rembourser des dettes qui, soit dit en passant, forment aussi la jeunesse, le 16 juin 1989 j’étais à nouveau un spectateur lambda dans cet amphithéâtre romain où The Cure avait remis ça avec l’album Desintegration. Plus matures, encore plus aboutis, toujours plus impénétrables, Robert Smith et sa bande m’avaient une nouvelle fois “scotché”. Des jeux de lumière aux rythmiques toujours plus mélancoliques, sans oublier les inoubliables lignes de basse du géant Gallup, je garderai pour l’éternité une fascination et une affection indélébile pour ce groupe majeur des années 80.