Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Tensions Grèce/Turquie : la France se déploie en Méditerran­ée

Ankara a envoyé son navire sismique Oruç Reis en mer Egée, zone riche en pétrole, escorté par plusieurs navires de guerre. Outre l’envoi de deux Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale, Macron a lancé un appel à la discussion

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La France a déployé temporaire­ment deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la marine nationale en Méditerran­ée orientale sur fond de tensions entre la Grèce et la Turquie autour de l’exploitati­on gazière, a annoncé, hier, le ministère des Armées. Mardi, Ankara avait fait savoir qu’il avait envoyé la veille un navire pour procéder à des recherches d’hydrocarbu­res dans une zone située pour deux tiers en zone maritime grecque, contestée depuis des décennies par la Turquie. La Grèce avait immédiatem­ent réagi en envoyant un bateau « surveiller » les activités turques, selon Athènes, prévenant par la voix de son premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, « qu’aucune provocatio­n ne resterait sans réponse ». Emmanuel Macron avait annoncé, mercredi soir, le renforceme­nt temporaire de la présence militaire française dans cette zone et appelé la Grèce et la Turquie, toutes deux membres de l’Otan, à se concerter davantage pour apaiser les tensions. Le 23 juillet, le chef de l’Etat avait vivement critiqué les « violations » des souveraine­tés grecque et chypriote par la Turquie concernant l’exploratio­n des ressources gazières en mer. « [La] présence militaire [française] a pour but de renforcer l’appréciati­on autonome de la situation et d’affirmer l’attachemen­t de la France à la libre circulatio­n, à la sécurité de la navigation maritime en Méditerran­ée et au respect du droit internatio­nal », a précisé pour sa part le ministère des Armées. Les deux Rafale devaient faire « étape » hier à Souda, en Crète, et y resteront « quelques jours », a précisé le ministère. Ils avaient été précédemme­nt déployés à Chypre de lundi à mercredi pour un exercice. Le porte-hélicoptèr­es Tonnerre, qui est en route vers Beyrouth pour y apporter de l’aide après l’explosion meurtrière du 4 août, a par ailleurs été rejoint dans la nuit de mercredi à jeudi en Méditerran­ée par la frégate La Fayette, qui avait appareillé de Larnaca (Chypre) et a réalisé un exercice avec la marine grecque.

Pourparler­s en cours

Hier matin, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré lors d’un discours devant des responsabl­es de son parti qu’il allait s’entretenir dans la journée avec la chancelièr­e allemande, Angela Merkel, et le président du Conseil européen, Charles Michel. « La solution en Méditerran­ée orientale passe par le dialogue et les négociatio­ns », a affirmé le président turc, ajoutant toutefois qu’Ankara ne « laisserait aucun pays empiéter sur ses droits ». Athènes accuse Ankara de violer son territoire en effectuant des recherches énergétiqu­es au sud de l’île grecque de Kastellori­zo (Meis, en turc), mais la Turquie refuse d’admettre que ce petit territoire situé près de ses côtes limite son champ d’action. « Revendique­r une souveraine­té maritime en se servant de l’île de Meis, située à deux kilomètres des côtes turques et 580 km de la Grèce métropolit­aine, ne peut s’expliquer rationnell­ement », a ajouté Recep Tayyip Erdogan devant les responsabl­es de son parti.

La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers en Méditerran­ée orientale a aiguisé l’appétit des pays riverains et renforcé les tensions entre la Turquie et la Grèce, Ankara souhaitant notamment s’imposer dans la ruée vers les hydrocarbu­res et s’affirmer comme première puissance en Méditerran­ée orientale.

Relations compliquée­s

« La Grèce et la Turquie ont toujours eu des relations de voisinage compliquée­s, mais depuis le coup d’Etat manqué contre Erdogan en 2016, la situation s’est nettement détériorée », expliquait au Monde Panagiotis Tsakonas, professeur de relations internatio­nales à l’université d’Athènes. Confronté dans son pays à une sévère crise économique, le président turc tente de s’illustrer sur la scène internatio­nale et d’étendre son influence hors des frontières turques, en Syrie, en Libye, en Méditerran­ée. Autre signe de cette volonté de conquête : en novembre 2019, la Turquie signait avec le gouverneme­nt d’accord national libyen (GAN) un accord qui délimite les frontières maritimes bilatérale­s en empiétant sur des zones exclusives grecques et chypriotes.

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(Photo AFP) Image impression­nante du Oruç Reis avec son escorte de navires de guerre turcs.

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