Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Août 1944 : ils racontent « leur » Libération

Juliette Pellissier, 23 ans, Rians

- PROPOS RECUEILLIS PAR P. H.

Juliette Pellissier, née Rébuffat, fêtera ses 100 ans en mars prochain. La doyenne des Riansais « pure souche » n’a rien oublié de ces journées.

Le 15 août, les alliés débarquaie­nt sur la côte varoise, plusieurs divisions des forces aériennes et d’infanterie participèr­ent à l’offensive. C’est la 45e division d’infanterie qui s’est engagée en direction de Rians. Elle était composée de troupes américaine­s et canadienne­s, mais aussi de l’armée française et de troupes coloniales, notamment marocaines.

Des combats aériens entre les Allemands et les alliés eurent lieu au-dessus du quartier de la Goye. Je me souviens qu’un avion Allemand s’est écrasé en flammes. À ce moment-là, les villageois ont commencé à quitter le village pour se rendre dans les fermes et autres cabanons aux alentours. Dans l’après-midi du 18 août , les habitants du village pressentai­ent que des événements graves allaient se produire. Ils se sont préparés à quitter le village, emportant le principal de leurs valeurs (papiers, bijoux, et surtout de quoi survivre pendant quelques jours).

J’ai, comme tout le monde, quitté le village avec ma fille Magali pour me rendre à la ferme de Louvière, où bon nombre de Riansais avaient trouvé refuge. La journée fut particuliè­rement animée. Les véhicules des Allemands, le maniement des armes faisaient peur aux villageois.

Le 19 août. Dès les premières heures, tandis que certains quittaient encore le village, les autres se mettaient à l’abri, dans les caves. Les rues étaient désertes. Puis la postière de Varages avisait par téléphone en ces termes : « Ici Varages, les Américains partent vers Rians. » Cette nouvelle a vite fait le tour du village et des écarts. Les occupants ont envoyé un motard en reconnaiss­ance, qui est vite revenu sur ses pas en indiquant que les Américains arrivaient effectivem­ent. Dès lors, ce fut un grand remue-ménage. Les Allemands postaient leur artillerie sur les hauteurs du village, au Bordas, où se trouve le terrain de boules maintenant, mais aussi à proximité de la chapelle Saint Enfant, d’où ils pouvaient observer la progressio­n des troupes libératric­es en provenance de Barjols. C’est de cet endroit qu’un canon antichar détruisit le premier char américain, à hauteur de la maison de retraite actuelle. Ce fut le départ des hostilités. Les échanges de tirs ont duré jusqu’à environ 15 heures, et furent d’une grande violence. Nous, qui étions réfugiés à l’écart du village, nous ne pouvions que voir que de la poussière et de la fumée. Nous pensions que le village était détruit.

En fait c’est l’église qui a protégé le village. En effet, un obus est tombé sur la statue de la Vierge, ce qui a évité qu’il ne tombe sur le village. D’ailleurs, des traces d’éclats d’obus sont encore visibles sur la façade de l’édifice et le vitrail derrière la statue de SaintAntoi­ne porte encore les stigmates. Un autre obus a détruit les clochetons de l’église. Il y a eu beaucoup de blessés de part et d’autre des troupes alliées et allemandes. Les Américains avaient installé une infirmerie face à la gare « sudFrance », devant la cave coopérativ­e.

La délivrance. Les cloches se mirent à sonner, le calme revenait, les combats s’apaisaient, Rians était libéré. Toutefois, nous, à « Louvières », où une quarantain­e de familles était réfugiée, nous n’en savions rien. Nous ne pouvions voir que des colonnes de soldats allemands qui fuyaient en direction du vallon de Pourrières. L’un des hommes présents à la ferme voulait leur tirer dessus avec une arme de chasse, il en a été empêché par les autres. Heureuseme­nt, sinon nous aurions tous été tués.

C’est seulement le lendemain que nous avons été avisés de la libération du village. Nous sommes donc rentrés. Dans le village on constatait que tout le monde était libéré d’un grand poids. Des chants, des cris de joie ponctuaien­t cette journée. Nous nous sommes rendus au PC des Américains, près de la gare, et je me souviens que ma fille Magali courrait devant moi et qu’un soldat américain, un noir, l’a prise et mise sur ses épaules et, en se retournant, il m’a dit « pas peur, pas peur ». Ils nous distribuai­ent des bonbons, du chocolat, des rations, des chewing-gums. Rians retrouvait la paix et la sérénité, même si certains, faits prisonnier­s par l’occupant, manquaient à l’appel.

“Les Riansais ont quitté le village avec leurs objets de valeur.”

“Les Américains arrivent.”

“L’église a reçu un obus et sauvé le village.”

“Un Américain a pris ma fille sur ses épaules.”

 ?? (Photo P. H.) ?? Juliette Pellissier.
(Photo P. H.) Juliette Pellissier.

Newspapers in French

Newspapers from France