Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Velsheda, plus d’une vie dans un yacht

- BRUNO QUIVY

Pour les premiers de la classe, ce nom fait penser aux stylos et autres fourniture­s d’école. Pour les autres, à une déesse de jadis synonyme de voyance. Pour les marins, Velsheda, c’est évidemment un superbe yacht Class J qui, comme tant d’autres, a échappé à un funeste destin sous-marin. Touché mais pas coulé, ce bateau est né en 1933, construit dans les mythiques chantiers navals de Gosport, en Grande-Bretagne, et dessiné par le fameux architecte naval Charles-Ernest Nicholson. L’ancêtre de Jack l’avait peint au-dessus d’un nid de coucous. Non, on blague. Velsheda avait été créé pour un homme d’affaires, William Stephenson-Laurent, propriétai­re à l’époque de la chaîne de magasins britanniqu­es Woolworth’s.

Pourquoi Velsheda ,aufait? Nulle référence à la déesse Velleda. Non, simplement la contractio­n des trois prénoms des filles du bonhomme, Velma, Sheila et Daphné. À peine à flots, le bateau s’est rapidement imposé comme l’un des meilleurs de sa génération. Avec ses 39,40 mètres, le yacht avait de quoi impression­ner même ses plus fougueux adversaire­s. Dans les années 30, avant la triste parenthèse de la guerre, Velsheda a ainsi dominé les courses nautiques en Europe et aux États-Unis.

Un bateau en avance sur son temps

Sa conception était, pour l’époque, ultra moderne. Ainsi, ses voiles étaient en tergal, un matériau alors inédit, et sur le pont, on avait installé des winchs, ce qui était encore assez rare. De même, le mât était en aluminium. Plein de solutions d’avant-garde qui faisaient la différence en course. Mais comme tous ces voiliers immenses, la hauteur du mât, 40 mètres, était aussi un handicap : un facteur de risque, en fait, car avec trop de vent, vu la pression sur le mât par rapport à la largeur du bateau, le risque était de voir tomber l’objet… En 1937, après seulement quatre années de navigation, le bateau est désarmé. On ignore pourquoi, mais sans doute le contexte de l’époque n’avait pas arrangé les affaires de son propriétai­re. Abandonné dans le sud de l’Angleterre, au creux de la rivière Hamble, Velsheda s’endormit pour un long sommeil… Jusqu’à ce qu’en 1984, un roi de la récupérati­on et de la ferraille, Terry Brabant, récupère le vaisseau embourbé pour le restaurer. Attention, ce n’était pas une rénovation de milliardai­re. Juste de quoi le remettre en eau et le louer en charter. Pas de moteur, un intérieur réaménagé, le yacht n’en demandait pas plus pour reprendre le large. Velsheda navigua ainsi, de-ci de-là, cahin caha, avant de s’échouer bêtement à marée basse quelques années plus tard. Décidément, le destin de ce yacht n’était pas un long fleuve tranquille…

Rénové à la veille des années 

À nouveau désarmé, Velsheda revient à Gosport avant d’être racheté en 1996, au prix de la coque seule, Camper et Nicholson ayant fait faillite. Shining ! Finalement échoué à Southampto­n, l’esquif est rénové entièremen­t, avec un mât en fibre de carbone, et, enfin, plus de soixante ans après sa naissance, avec un moteur, un diesel de 400 chevaux. Le chantier Yacht Services le remet à l’eau en 1997. En 2009, curieux raccourci de l’histoire, Velsheda est racheté par Ronald de Waal, propriétai­re de magasins lui aussi, dénommés W.E. Décidément, Velsheda a tout d’une tête de gondole… Depuis, ce superbe yacht classique parcourt les mers du globe, participe aux régates et championna­ts des

Class J, et fait le bonheur des chasseurs d’images. On le voit régulièrem­ent en Méditerran­ée, en particulie­r aux Régates royales de Cannes, aux Voiles de Saint-Tropez ou à la Rolex Giraglia. Comme auraient dit de vieux loups de mer au fond d’une taverne enfumée, « Velsheda, j’ai toujours ça en magasin ! » En tout cas, les amoureux de voile sont ravis d’avoir une telle embarcatio­n en rayonnage.

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(Photos DR/Gilles Martin-Raget Rolex BQ) Roi des mers dans les années , ce superbe Class J a connu une longue éclipse avant d’être restauré et de retrouver les flots.
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