Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’autrice Nadia Nakhlé les yeux dans l’exil

Son premier roman graphique, Les Oiseaux ne se retournent pas, concourt au Prix des lecteurs du Var 2020, dans la catégorie BD. La fuite, en poésie, d’une enfant loin des fantômes de la guerre

- THOMAS GUICHARD

L’histoire d’Amel se passe en Syrie, on le reconnaît facilement. Pourquoi avoir fait le choix de ne pas mentionner clairement ce pays ?

C’est un choix délibéré. Je voulais laisser de la place à la notion d’exil sans avoir à parler de frontière. Et puis ça permet de laisser de la place aux personnage­s et aux liens qui se créent entre eux.

Comment avez-vous réussi à vous mettre dans la peau d’une enfant réfugiée pour ce roman ?

Je me suis rendu sur place, dans les camps de réfugiés de Calais, de Grande-Synthe, au Liban aussi, où j’ai rencontré des enfants syriens. Bien sûr c’est une fiction, mais je me suis appuyé sur ces témoignage­s. Il y a aussi mon histoire familiale derrière, très marquée par l’exil et toutes les questions que ça pose sur l’identité. Mon père est né à Homs, en Syrie. Forcément quand j’ai vu les images des bombardeme­nts [par le régime syrien, en 2012. Ndlr.] de la ville, j’ai été touchée. Il a grandi au Liban avant d’arriver en France. De tous les côtés, j’ai des histoires d’exils forcés à cause de la guerre ou d’exils délibérés.

Votre dessin est très sombre et marqué par les fantômes qui hantent Amel...

En tant qu’illustratr­ice, j’adapte mes dessins aux sujets que je choisis de traiter. Pour Les Oiseaux ne se retournent pas, je voulais avoir un dessin contrasté, très noir, pour que les quelques touches de couleurs ressortent plus. Que les notes d’espoir soient mises en valeur.

Vous travaillez sur plusieurs supports différents...

Idéalement, j’aurais conçu Les Oiseaux ne se retournent pas en écoutant de la musique en fond. En réalité augmenté. À partir d’un QR code à chaque chapitre, on peut écouter sur son téléphone la musique, l’ambiance musicale qui est au coeur de l’histoire, de la rencontre d’Amel avec Bacem, le milicien.. Peut-être pour une seconde édition...

La poésie est omniprésen­te dans votre histoire. Une façon de célébrer la culture arabe ?

C’est le plus important oui. La poésie est la manière que j’ai choisie pour entrer dans le point de vue d’Amel. La poésie est très présente au Moyen-Orient. Même dans la langue arabe on parle de manière très imagée. Moi-même, dans ma façon de m’exprimer. Dans le roman, je l’ai surtout utilisé pour compenser l’horreur, ne pas montrer des images chocs.

Votre héroïne porte le prénom de l’espoir, en langue arabe. Vous souhaitiez insister dessus ?

Il fallait apporter une notion d’espoir face à l’actualité et aux enfants réfugiés qui sont stigmatisé­s. L’idée est de sensibilis­er sur la question des mineurs isolés. Je n’ai pas de discours moralisate­urs, non plus. Il y en a qui arrivent à s’en sortir, même si beaucoup de destins restent sombres. C’est aussi pour ça que j’ai inséré dans le roman des poèmes, notamment un, persan, porteur d’espoir.

Je voulais un dessin noir. Que les notes d’espoir soient mises en valeur”

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