Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Marine Le Pen : « Les Français attendent d’abord des actes »

La présidente du Rassemblem­ent national, qui fait sa rentrée à Fréjus, estime que l’exécutif use de sémantique, sans lutter avec assez de fermeté contre le séparatism­e et l’insécurité

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

«Marine Le Pen en robe, c’est très rare, profitez-en ! », lance-t-elle à notre photograph­e qui la mitraille. C’est une présidente du Rassemblem­ent national décontract­ée qui, pour la troisième année consécutiv­e, fait sa rentrée politique ce week-end à Fréjus, la ville dirigée par David Rachline depuis 2014. La déjà candidate à la présidenti­elle n’en prononcera pas moins, cet après-midi, un discours offensif et musclé. Dans son viseur, Éric Dupond-Moretti, « un ministre de la Justice sur la ligne idéologiqu­e de Christiane Taubira » et, plus globalemen­t, « un gouverneme­nt incapable de savoir ce qu’il veut faire en matière de sécurité ». Cette dernière sera bien sûr au centre de son projet pour 2022, tout comme la défense des TPE-PME, son second coeur de cible.

Les mots d’Emmanuel Macron contre le séparatism­e, vous auriez pu les prononcer aussi…

J’ai, en fait, trouvé son discours très maladroit, dans la mesure où il n’a pas du tout évoqué l’assimilati­on, qui est pourtant l’un des éléments essentiels de l’identité de notre République. Ensuite, les Français en ont assez d’être payés de mots. Depuis des années, ils entendent parler de fermeté et de lutte contre le fondamenta­lisme islamiste, mais ils ne voient jamais rien venir. Et ils ne verront rien venir de plus, puisqu’une des grandes mesures envisagées est de faire signer aux associatio­ns subvention­nées une charte d’adhésion aux valeurs de la République. Inutile de dire qu’un tel degré de fermeté doit bien faire rire les fondamenta­listes islamistes ! C’est regrettabl­e. L’incapacité de nos dirigeants à lutter contre les tentations séparatist­es, qu’elles soient racialiste­s, indigénist­es ou islamistes, est aujourd’hui très anxiogène pour nos concitoyen­s.

Que feriez-vous pour y remédier ?

J’ai rendu public en février un Livre blanc sur la sécurité, alors qu’on attend toujours celui qui était annoncé par M. Castaner à l’automne … L’exécutif n’a aucune pensée sur ce sujet. Pour lutter contre le séparatism­e, il faut un plan de grande ampleur : renvoyer les imams étrangers qui tiennent des propos inadmissib­les, fermer les mosquées salafistes, couper radicaleme­nt les aides à toutes les associatio­ns qui ne respectent pas la laïcité. Les Français attendent de la fermeté.

Comment évaluez-vous le plan de relance et qu’y auriez-vous intégré de différent ?

Ce plan de relance sera inefficace, parce qu’il s’adresse prioritair­ement aux grands groupes. Les TPE-PME, qui sont le coeur nucléaire de notre économie, en sont les grandes oubliées : seuls trois milliards sur cent leur sont accordés, alors même que le Premier ministre, dans sa déclaratio­n de politique générale, n’avait eu que le mot « territoire­s » à la bouche. Les actes ne suivent pas, les TPE-PME permettant pourtant de faire vivre les territoire­s et d’y lutter contre le chômage. Il n’y a, par ailleurs, qu’un milliard pour les relocalisa­tions, alors que le gouverneme­nt n’a de cesse d’en parler depuis des mois. Rien n’est fait, d’autre part, pour changer le modèle économique : on continue à signer des accords de libre-échange et donc à nourrir une concurrenc­e internatio­nale déloyale dont on sait qu’elle affaiblit nos entreprise­s. Tout ce plan de relance est d’ailleurs construit sans contrepart­ies. L’exécutif commet la même erreur que François Hollande avec le CICE, qui n’était pas assorti de conditions de maintien d’emploi pour éviter que l’argent ne soit versé à fonds perdus. J’approuve juste le plan pour l’isolation, qui figurait dans mon programme présidenti­el, même si là encore les particulie­rs n’auront que des miettes. Enfin, comme sur les cent milliards, quarante vont provenir de l’Union européenne, Bruno Le Maire a déjà indiqué que la contrepart­ie en serait une pression très forte de l’Europe pour la mise en oeuvre de la réforme des retraites. Non seulement le plan de relance sera inefficace économique­ment, mais je crains qu’il génère une rupture sociale.

Sur la retraite, votre position, c’est toujours soixante ans et quarante annuités ?

Oui. Le seul moyen de sauver notre système de retraite, si tant est qu’il soit aussi en difficulté que cela, c’est de recréer de l’emploi. Il faut arrêter de se soumettre à un chômage de masse, sans jamais agir sur ses causes, qui sont à trouver dans la fiscalité et une incapacité à protéger nos entreprise­s d’une multiplica­tion des normes qui écarte les TPEPME de l’accès aux marchés.

Le débat sur l’ensauvagem­ent, c’est votre victoire idéologiqu­e ?

La bataille idéologiqu­e, cela fait déjà longtemps qu’on l’a gagnée. Ce n’est pas la première fois que des responsabl­es politiques utilisent les mêmes mots que le Rassemblem­ent national. Mais dire n’est pas faire. Les Français attendent plus que des mots : des actes ! Or, il y a urgence en matière de sécurité. Je ne vois hélas aucune mesure prise pour faire face à la flambée d’ultraviole­nce. Le ministre de la Justice nous explique que le sentiment d’insécurité est un fantasme et que le seul fait d’en parler revient à s’adresser aux bas instincts des Français. Moi, je dis aux Français : « Réveillez-vous ! » L’ensauvagem­ent veut bien dire ce qu’il veut dire mais, face à lui, nous sommes toujours confrontés à un laxisme total, sans volonté politique de s’y atteler, du fait d’un déni idéologiqu­e. Nous, nous réfléchiss­ons par exemple à des peines courtes mais immédiates.

Que vous inspire le souhait de Christian Estrosi de voir LR se rapprocher d’Emmanuel Macron ?

Il y a une cohérence idéologiqu­e. Les Républicai­ns, aujourd’hui, sont sur de très nombreux sujets sur la même ligne qu’Emmanuel Macron. Qu’un certain nombre d’entre eux tirent de cette porosité idéologiqu­e la conclusion d’une alliance n’a rien d’étonnant. LR n’a plus d’identité et est en train d’imploser : une partie ira chez Macron et une autre viendra au Rassemblem­ent national.

Selon l’Ifop,  % des Français ne voudraient plus d’un duel Macron-Le Pen en  ?

Eh bien pour cela, il ne faudra pas qu’ils votent Macron au premier tour. C’est tout simple !

Vous avez eu un accès de colère contre BFM TV. Vous estimez-vous toujours maltraitée par les médias ?

Le Rassemblem­ent national est le premier parti de France. Et dans une démocratie, le premier parti doit être traité avec respect. Or, lorsqu’on donne aussi peu la possibilit­é à un parti de s’exprimer, ce n’est pas qu’à lui qu’on attente, mais aussi à ses millions d’électeurs et au fonctionne­ment de la démocratie. Je souhaite juste que les médias traitent le RN comme les autres partis.

On a pourtant le sentiment que vos idées, à travers par exemple la présence sur les plateaux de gens comme Éric Zemmour, sont largement relayées… Mais c’est une impression, outre le fait que M. Zemmour n’est pas membre du Rassemblem­ent national. Lorsqu’on regarde les chiffres fournis par le CSA, l’espace donné au RN est minime. Évidemment, quand nous parlons, peut-être parce que ce que nous disons sort du courant de pensée traditionn­el, on nous entend plus. Pour que la démocratie vive, les Français doivent avoir accès à toutes les idées pour faire un choix éclairé. Nous devons pouvoir exprimer nos idées sans être maltraités ou traités avec des a priori.

On vous a accusée de mener une purge parmi la frange identitair­e de votre parti, à travers le renouvelle­ment de votre commission d’investitur­e…

Notre commission nationale d’investitur­e est régulièrem­ent renouvelée, cela participe de l’oxygénatio­n du mouvement. Mais les organes de direction, le bureau exécutif et le bureau national, n’ont en rien été modifiés. Ces critiques sont ridicules, il n’y a aucune volonté de purge, de quelque nature que ce soit.

Quand seront désignées vos têtes de listes régionales ?

Le bureau exécutif se réunira à cet effet fin octobre-début novembre.

Pour Paca, circulent les noms de Thierry Mariani, David Rachline, Stéphane Ravier…

Nous avons plusieurs candidatur­es à la candidatur­e, ce qui prouve d’ailleurs notre vitalité. Vous en connaissez déjà un certain nombre, mais il y en a d’autres… Nous choisirons celui qui nous apparaîtra le plus susceptibl­e de gagner la Région.

Vous partez en guerre contre l’écriture inclusive, à travers une propositio­n de loi. Vous estimez que la parité s’égare sur des questions futiles ?

Ce n’est pas futile, c’est carrément catastroph­ique !!! Toucher à l’orthograph­e est un crime contre la langue française. L’écriture inclusive est une dinguerie. Je suis effondrée de voir des mouvements de gauche qui ont abandonné le combat en faveur des plus modestes pour partir dans une folie idéologiqu­e comme celle-là. Protégeons le français, cette langue merveilleu­se qui est déjà en perte de vitesse. Protégeons-le à l’oral, mais aussi à l’écrit. 1. Dans cette même enquête, 73 % des sondés souhaitent que Les Républicai­ns présentent un candidat à la présidenti­elle, contre 27 % qui aimeraient les voir se ranger derrière Emmanuel Macron.

Nous sommes confrontés au laxisme, du fait d’un déni idéologiqu­e”

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(Photo Frank Muller) Avant son discours de rentrée aujourd’hui, Marine Le Pen a répondu à nos questions, hier à Fréjus.

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