Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

En prison, loi de la jungle et coups de tesson

Quelques circonstan­ces atténuante­s ont été reconnues à un Niçois de 18 ans auteur de violences, mais aussi victime d’autres détenus. Lui a été condamné

- SO. B.

Dans la lucarne de l’écran, en visioconfé­rence, le prévenu s’insurge. Depuis la prison de Grasse où il a été transféré, il exprime sa révolte. « Ce n’était pas la première fois qu’ils me tombaient dessus. Ils m’ont écrasé la tête par terre. Ils sont plusieurs à me frapper. J’avais le bout de verre sur moi, car j’étais en danger de mort », vitupère Ilias B. Petite carrure, 18 ans au compteur, casier judiciaire déjà garni, passé du monde de la justice des mineurs à celui de la prison pour adultes. Violemment. À l’audience d’hier après-midi à Toulon, la présidente rectifie le tir. « Là, vous ne vous défendez de rien ! Ce n’est pas de la légitime défense ! C’est vous, qui lui sautez dessus ! » La vidéosurve­illance a tout filmé. Dans la cour de promenade de la prison de La Farlède, le 12 mars, Ilias B. s’est jeté sur un co-détenu « par-derrière », le frappant à la cuisse, avec un « bout de miroir », au moins deux fois. « Si vous venez juste de vous faire agresser, pourquoi vous descendez quand même en promenade ? » interroge le procureur Éric Moretti. « Vous l’avez signalé à l’administra­tion pénitentia­ire ? » ajoute la présidente Marie-Laure Arnouil. Oui, dit-il. Il en a parlé « au chef de poste ».

« Il n’est pas d’ici »

Alors Ilias B. essaie de décrire un contexte, une ambiance. Celle de la prison. « Je suis le plus jeune de la promenade. À un moment, je suis censé faire quoi ? Me faire écraser la tête tous les jours ? » En réaction aux coups de tesson, une quinzaine de détenus s’est ruée sur lui, avant que les surveillan­ts n’intervienn­ent. Roué de coups, au sol, Ilias B. est laissé inconscien­t. Parole à celui qui est victime à l’audience, le co-détenu blessé à la cuisse. « Il y a une part de vérité, reconnaît-il dans un élan de spontanéit­é. L’avant-veille, on lui a porté des coups. » Surgit alors une histoire de carte Sim, « prêtée »et« pas rendue ». Et d’insultes. La victime parade : « Il n’est pas d’ici et il me prend pour une pute ! Il veut me niquer ! ». Direct. Le tribunal soupire… « On est en prison, tout est multiplié par cent .» Le procureur demande quatre ans ferme. « Dans cette affaire c’est le degré zéro de la jugeote, de chaque côté. Ces gens-là s’estiment justiciers. » La défense entre dans le débat. Par la porte prison. « Il y a un litige préexistan­t, il y a eu des violences. En détention, ce jeune majeur est appelé “le Niçois”. On lit dans le dossier : “Il n’est pas de chez nous”. On veut lui faire garder des produits prohibés .» Me Adrien Verrier décrit ce que pèse une dénonciati­on dans un couloir de prison, « loin des lambris d’un tribunal ».« Faut-il risquer de passer pour une balance ? Il n’est pas en mesure de se défendre. Mais il veut montrer qu’il ne se laissera plus faire. Dans les coups, il n’y a pas de volonté létale .» Une part de circonstan­ces atténuante­s a été accordée, avec une peine fixée à deux ans ferme. « Quand on veut être reconnu victime devant un tribunal, on porte plainte », finit par décocher la juge.

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(Photo Laurent Martinat) La cour de promenade de la prison de La Farlède.

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